La table vestibulaire en question

Auteur Carole Leconte

Dans le cadre des extractions-implantations immédiates, il est de bon ton d’user de toutes formes de douceur pour extraire en préservant la si fragile et capitale table vestibulaire. Autant il y avait, il y a quelques années, un débat quand à la gestion du gap, autant il semble y avoir toujours un unanime besoin absolu de préservation de cette fine corticale…et pourtant!

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Dans le cadre des extractions-implantations immédiates, il est de bon ton d’user de toutes formes de douceur pour extraire en préservant la si fragile et capitale table vestibulaire. Autant il y avait, il y a quelques années, un débat quand à la gestion du gap, autant il semble y avoir toujours un unanime besoin absolu de préservation de cette fine corticale…et pourtant!

 

L’objectif

Les critères de succès de l’implantologie dans le secteur esthétique n’ont de cesse de suivre des degrés d’exigence croissants et légitimes, quand à la stabilité biologique et la préservation ad intégrum de l’ esthétique. Nous (et nos patients) avons pour objectif un maintien en hauteur et en épaisseur du collet, et ce autour d’un implant plus étroit que la dent, substituant le delta diamètre de la racine extraite/diamètre de l’implant par un pool d’ os vivant et une muqueuse épaisse autour du pilier transgingival (fig. 1a à 1e). (fig. 1a à 1e, situations cliniques avant et après extraction-implantation immédiate, et radiographies de contrôle sur 4 ans).

 

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La résorption inévitable des tissus lors d’une extraction simple va impliquer non seulement une dégradation de l’esthétique, mais également une perte de volume osseux en largeur,à l’opposée de nos besoin pour la pérennité implantaire. Extraire sans stabiliser le volume induit donc bien souvent des techniques de régénérations ultérieures, plus complexes à réaliser, et dont le résultat sera plus difficilement proche d’une situation initiale dont on aurait voulu figer dans les volumes. Biomatériaux L’utilisation des biomatériaux osseux, notamment certains très lentement résorbables (comme le Bio oss S™), ou lentement résorbable et plus rapidement cicatrisés (comme les particules cortico-spongieuses d’allogreffe Biobank™ particules fines) pour combler le gap est aujourd’hui une évidence clinique (fig. 2). (fig.. 2, qui met en avant l’adéquation obligatoire entre une diamètre d’implant modéré, un positionnement contre le rebord palatin de l’alvéole, et un comblement dense en vestibulaire et proximal) La cicatrisation tissulaire est ainsi plus prévisible, stable et pérenne. Ceci est d’autant plus vrai que le biomatériau est mélangé au sang, compacté suffisamment (dense mais non écrasé), et protégé par un greffon conjonctif, tubérositaire de préférence (fig. 3 a,b). (fig 3 a: schéma du positionnement palatin de l’implant, avec comblement dense du gap et conjonctif épais protégeant le gap et soutenant la muqueuse au dessus de la table osseuse). (fig 3 b: stabilisation du conjonctif par du fil PGA résorption rapide 6.0) L’avenir de la table sans lambeau: Notre expérience a montré que: sans lambeau, même avec un comblement suffisant, la table allait quand-même se résorber (fig. 4 a, b, c), dans le cas d’ un comblement insuffisant, nous devons redouter une résorption non contrôlée, éventuellement très marquée (fig. 5 a à f). éviter les extractions multiple de dents adjacentes autant que possible. l’impact de la vit D/calcium semble fort. (fig. 4a, b, c: cbct pré-opératoire, post-opératoire j0 et à 1 an et demi (fig. 5 a à f: cbct pré-opératoire, post-opératoire j0 et à 1 an et demi) Les cas de comblement insuffisant avec grosse perte de volume, même avec du Bio oss S™ mettent en exergue le besoin de bien combler le Gap. La stabilité semble plus liée à la densité minérale mise en place comme bouclier de ROG que dans la faible résorbalilité du matériau. Aussi, en flapless, les Gap fins sont les cas cliniques les plus délicats et malheureusement les plus difficiles à combler. C’est pour cela qu’il est plus favorable de combler avant de mettre l’implant, en laissant un foret de 2mm en place dans le site du futur implant. Et si l’on réalise un lambeau? La peur vis à vis du lambeau et de la résorption qu’il induit, les craintes de perte de prévisibilité en cas d’infection dans l’alvéole, ou de perte/absence de la table vestibulaire vont bien souvent faire différer la reconstruction osseuse, et transformer une situations d’extraction-implantation immédiate en une série d’étapes chirurgicales, induisant une gestion de pertes de tissus aléatoires successives. Certes, les situations cliniques défavorables doivent souvent être réalisée en plusieurs étapes, pour une position la plus idéale possible de l’implant. Quand la situation initiale est favorable, notre objectif de la figer est essentiel. Les raisons de lever un lambeau sont principalement: une infection du site d’extraction qui ne peut être totalement nettoyée de façon fiable par la zone du collet une table vestibulaire atteinte Les infections nous emmènent donc souvent à devoir lever un lambeau pour maitriser ne nettoyage total de l’alvéole, manuellement et mécaniquement (fraises boules carbures à basse vitesse). Dans ce cadre où un lambeau est nécessaire, la table vestibulaire plus ou moins atteinte, est quoi qu’il en soit condamnée à se résorber physiologiquement. Elle n’est plus qu’un obstacle au comblement vestibulaire optimal (fig. 6 a à d). (fig. 6 a à d: Nous pouvons noter la stabilisation de la membrane de collagène Créos™ à résorption lente par des fils de suture palatins) La qualité des résultats en ROG à l’aide d’allogreffes cortico-spongieuses (ici Biobank™ petites particules) associé aux membranes de collagène (ici Créos™) stabilisées deviennent un facteur de prévisibilité là où nous perdions du pronostic. En effet, les suivi sur plus de 1200 ROG en allogreffe témoignent de la recorticalisation visible cliniquement, radiologiquement et histologiquement (fig. 7). (fig. 7: histologie d’un comblement d’alvéole à 8 mois au Biobank ™en ROG sous Créos™). Dans ce cadre, ainsi que dans les cas d’absence de table vestibulaire, il semble favorable d’éliminer les restes de table vestibulaire qui limitent la qualité de nettoyage du site et/ou limitent la précision de notre comblement osseux. La justesse chirurgicale d’un comblement bien réalisé, et la bonne mise en place d’une membrane de collagène stabilisée par des clous Titanes et/ou des sutures nous permettent d’obtenir un os de qualité et d’une bonne prévisibilité dans la stabilité volumétrique au fil de la cicatrisation, comparativement à un travail à l’aveugle, ou sans membrane.

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SILET

Cette abréviation résume cette stratégie: Si Lambeau, Eliminer la Table. Dans la mesure du possible, il faut éviter à avoir à faire de lambeau dans les EII: Extraction douce, couper la racine en 2 avec une zécrya si nécessaire. Ne surtout pas abimer l’os proximal avec les élévateurs (pour limiter les risques d’impacts sur les papilles adjacentes). Puis: réévaluer si une décontamination/parage peut-être parfaitement réalisée par l’orifice alvéolaire vérifier l’intégrité de la table vestibulaire (à l’aide d’une curette par exemple). Si un des ses critère n’est pas rempli, l’utilisation délicate d’une lame MJK™ spoon par exemple, associée à une décharge à distance (une dent en général) permet de réaliser une lambeau de pleine épaisseur. Eliminer si besoin la portion centrale de la table avant le parage du site (Fraise boule carbure à basse vitesse sur pièce à main) Mettre en place l’implant dans la position idéale. Profiter de l’accès à la face vestibulaire de l’implant pour mettre en place la ROG. Généralement et selon la stabilité primaire de l’implant, nous opterons pour un pilier de cicatrisation ou une mise en esthétique non fonctionnelle immédiate, puis greffe de conjonctif (fig. 8, 9, 10). (fig. 8 a à d: l’élimination ou l’absence de la table vestibulaire permet la réalisation d’une ROG dans de bonnes conditions). (fig. 9 a à c: parage de l’alvéole infectée, cbct pré opératoire et cbct de contrôle à 6 mois, montrant le bouclier osseux vestibulaire) (fig. 10 a à g: cbct et radiographie rétro-alvéolaires avant chirurgie et après cicatrisation de la ROG, puis suivi à 2 ans d’un cas clinique de reconstruction totale de la table vestibulaire) (fig. 11: vue occlusale montrant la stabilité des tissus osseux et gingivaux, et le travail du profil d’émergence)

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Conclusion

Au delà du besoin médical et moral d’une évolution correcte et prévisible de nos traitements, c’est la qualité de vie et à plus court terme le vécu des patients qui se trouvent impactés par nos stratégies thérapeutiques. Souvent la mauvaise image d’un traitement rapide n’est pas justifiée, tout comme les risques ne sont pas toujours où on les imagines! Extraire, laisser cicatriser, réaliser un onlay autogène, puis implanter n’est pas plus aisé ou plus prévisible qu’un comblement d’alvéole. De même, face à une table condamnée, un lambeau lorsqu’il est nécessaire peut aider à améliorer la gestion chirurgicale, il ne faut alors pas s’en priver, mais aller jusqu’au bout d’une ROG bien conduite. Notre capacité à adapter nos actes en fonction de la clinique reste capitale, et notre esprit critique se doit d’être en constant éveil. La table est un précieux soutien que l’on se doit de respecter, tant qu’elle ne devient pas un obstacle ou un facteur de risque.