Avulsion de racine fracturée en vue d’implantation assistée au laser
LS 68 - Spécial ADF 2015
Auteur : Antoine Blomart
Etude d'un cas clinique assisté au laser
Dr Antoine BLOMART, Dentiste Saint Priest - Lyon Est
- Certificat de compétence clinique de chirurgie dentaire laser assistée.
- DU d'implantologie et d'esthétique dentaire.
- DU d'expertise bucco-dentaire et maxillo-faciale.
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I. RESUME
Lors d’avulsion de racine fracturée en vue d’implantation après cicatrisation, le principal objectif doit être la préservation du volume osseux en vue d’une chirurgie implantaire la plus reproductible possible. Dans cette étude de cas, il s’agira de décrire la chirurgie « step by step » pour mettre en relief les étapes fondamentales afin de tendre à succès thérapeutique. Le traitement consiste en l’avulsion d’une racine fracturée présentant une fistule vestibulaire et une perte osseuse angulaire, en s’appuyant sur des thérapies lasers assistées. La complémentarité des longueurs d’ondes choisis pour les lasers est une clef fondamentale pour la préservation des tissus et la cicatrisation optimale du site de chirurgie.
Mots clés : Laser Diode, Laser Erbium, PRF, Etude de cas
II. Introduction
L’avulsion d’une dent, et à plus forte raison d’une racine fracturée présentant une fistule vestibulaire avec perte d’une lésion osseuse angulaire, provoque la fonte d’une partie du volume osseux qui impose une régénération osseuse péri-implantaire et donc une chirurgie plus lourde pour les patients.
Dans ce contexte, la préservation du volume osseux doit être la principale priorité lors de l’acte chirurgical. Le soutien d’une thérapie laser assistée va permettre une désinfection totale de l’alvéole, une vasodilatation importante et indispensable à la néoformation osseuse et une cicatrisation rapide et indolore pour les patients.
Cependant, pour s’assurer de remplir tous ces objectifs, il convient de sélectionner deux types de lasers aux longueurs d’ondes complémentaires pour potentialiser leurs effets. Le choix d’un laser absorbé ici un laser Erbium YAG et d’un laser pénétrant ici un laser Diode 980 nm, va permettre de remplir tous les objectifs de décontamination et de vasodilatation grâce à ces deux longueurs d’ondes complémentaires (Rey G 2012).
III. Présentation du cas clinique
a) Motif de consultation
Patient de 52 ans non fumeur et sans antécédents médicaux majeurs, se présente en consultation pour une dent douloureuse à la mastication secteur 1 suite à une réhabilitation sectorielle réalisée deux ans auparavant.
b) Examen clinique
A l’examen clinique le patient présente une fistule vestibulaire en regard du tiers moyen de la 14, avec signes douloureux associés lors des tests de percussions axiaux et latéraux (figure 1). Il existe une poche parodontale en mésiale de la 14 d’une profondeur de 12 mm avec perte de la corticale osseuse vestibulaire. A l’examen radiographique, le cliché rétroalvéolaire montre la présence d’une lésion osseuse angulaire en mésiale de 14 d’une profondeur de 7 mm pour 2 mm de large, cette dent est un pilier d’un bride allant de 14 à 17 (figure 2). A l’examen radiographique type Cône Beam, il existe une absence de corticale en regard de l’apex de la racine vestibulaire de la 14. Le processus alvéolaire de la 14 présente une dimension de 8,5mm dans le sens vestibulo-palatin (figure 3).
Figure 1 : fistule vestibulaire Figure 2 : cliché rétroalvéolaire Figure 3 : coupe de Cône Beam
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c) Diagnostique et prise en charge thérapeutique
Au vu de l’examen clinique et radiographique, le diagnostique se pose sur une fracture de la racine vestibulaire de la 14 (figure 4). La prise en charge du patient est donc la dépose de la CCM de la 14 en coupant l’armature du bridge, puis l’avulsion de la racine.
La chirurgie est la moins traumatique possible, un curetage minutieux précéde une thérapie laser assistée. Cette thérapie laser débute par l’utilisation du laser Erbium pour une décontamination de toute l’alvéole. Le réglage utilisé est 2.5 Watt de puissance pour une fréquence de 10 Hz (250 mJ) , avec un réglage air 90% et eau 60% avec une fibre de 800 µ sur une pièce à main angulée pour favoriser l’accès (figure 5).
Cette décontamination des parois osseuses permet de créer dans le même temps des micros cratères au niveau de l’os alvéolaire et favorise ainsi un apport vasculaire relativement abondant.
Puis une thérapie photodynamique est utilisée dans l’alvéole grâce au laser Diode 980 nm. Le réglage est de 2,5 Watt de puissance pour un Ton à 50 µs et un Toff à 117µs avec une fibre de 400µ. L’effet bactéricide recherché dans la PDT n’est possible que si une oxygénation des tissus avec de l’eau oxygénée à 10 volumes est déposée dans l’alvéole au préalable (Rey G 2000).
Les tirs du laser sont entrecoupés de période de repos pour éviter l’élévation de température au niveau des tissus cibles. On évitera toute carbonisation de l’extrémité de la fibre et on reste dans le domaine de la vasodilatation (figure 6). On utilise la fistule comme voie d’entrée de la fibre lors de la PDT (figure7).
L’alvéole est comblée avec des concentrés sanguins intelligents riche en leucocytes fibrine et protéines plasmatiques. Des caillots de A-PRF+ sont utilisés dans ce cas au nombre de six membranes (figure 8) (Marx RE 1998) (Lohse N 2012) (Choukroun et al 2001).
Puis une suture sans tension est réalisée afin de respecter les règles de Mammoto grâce à un point « Apical Mattress » (figure 9).
Figure 4 : racine fracturée Figure 5 : laser Erbium Figure 6 : laser Diode
Figure 7 : PDT par la fistule Figure 8 : Membranes de PRF Figure 9 : sutures sans tension
L’ensemble des éléments apportés à l’intervention a pour but la préservation du volume osseux à visée implantaire. Une biostimulation est faite au laser diode avec une lentille défocalisante. Le réglage est de 4 Watt Ton 50 µs - Toff 50 µs pour une puissance moyenne de 2 Watt (Figure 10). La cicatrisation à une semaine est tout à fait satisfaisante, le point profond n'est pas déposé pour respecter les tensions sur la corticale vestibualire (figure 11 et 12) (Mammoto A 2009) (Nguyen L H 2012).
Figure 10 : Biostimulation Figure 11 : cicatrisation à 1 semaine Figure 12 : vue occlusale
L’analyse des coupes radiographiques du Cône Beam en postopératoire à J0 et celles à 3 mois et à 5 mois le jour de la chirurgie permet de voir la préservation du volume osseux. Il existe une préservation tant dans l'axe vestibulo-pallatin que en hauteur (Figure 13 14 et 15).
L’aspect des tissus gingivaux à 3 mois postopératoires nous permet de réaliser une prothèse implantoportée transvissée dans de bonne condition esthétique (Figure 16 et 17).
Figure 13 : Cône Beam J0 Figure 14 : Cône Beam à 3 mois Figure 15 : Cône Beam à 5mois
Figure 16 : vue vestibulaire à 5 mois Figure 17 : vue occlusale à 5 mois
A l'ouverture des lambeaux le volume osseux initial est préservé avec un os de très bonne qualité. La chirurgie est la pose d'un implant Nobel CC 4.3/11.5 avec un torque de 50Nm. (Figure 18 à 28).
Une décontamination du volume osseux avec le laser Erbium permet de poser l'implant sur un site dépourvu de tous tissus cicatriciels. Il favorise l’apport vasculaire par la création de micro cratères au niveau de la corticale osseuse. Une photo stimulation du site opératoire avec la lentille défocalisante est faite pour favoriser la cicatrisation gingivale par bio-stimulation cellulaire. Le paramétrage est faible thermiquement (3W – Ton 50 µs – Toff 50 µs – 10000 Hz – P moy : 1,5 W) dut fait de l’anesthésie des tissus cibles.
Figure 18 : vue occlusale Figure 19 : vue vestibulaire Figure 20 : crête osseuse
Figure 21 : Décontamination laser Erbium Figure 22 : implant Nobel Figure 23 : implant posé
Figure 24 : Biostimulation postopératoire Figure 25 : sutures vestibulaires Figure 26 : sutures occlusales
Figure 27 : Cône Beam postopératoire Figure 28 : rétroalvéolaire postopératoire
IV. Discussion
Si la préservation du volume osseux post-extractionnel est un défi quotidien dans les cabinets pour chaque patient subissant une avulsion de racine en vue d'une chirurgie implantaire.
Le respect de quelques principes chirurgicaux élémentaires associés à une thérapie laser assistée permet de rendre nos résultats plus prédictibles.
S’il va de soit que la chirurgie doit être le plus atraumatique possible, il faut apporter une attention particulière à la désinfection de l’alvéole, à la qualité du caillot sanguin ainsi qu’à sa stabilité, et, aux tensions appliquées sur le site en cours de cicatrisation.
Pour répondre à ces objectifs la thérapie au laser permet d’obtenir une désinfection en profondeur grâce à la PDT en combinant le laser diode 980 nm et le H2O2
Le laser Erbium YAG permet l’élimination de tous les tissus de granulations des parois de l'alvéole, la création également des micros cratères facilitant et permettant un afflux sanguins nécessaires à la néoformation osseuse.
L’utilisation du laser Diode avec sa lentille défocalisante permet une biostimulation cellulaire. Pour les tissus mous avec la synthèse d’ATP et la transformation des fibroblastes en myofibroblastes ainsi que la synthèse de collagène. Pour la stimulation osseuse avec la molécule de stress HSP70 qui permet de passer de CSM à un tissu osseux (Leonida A et al 2011).
L’utilisation de concentrés sanguins intelligents type A-PRF+ permet d’accélérer la régénération tissulaire en l’associant à une thérapie laser (Caccianiga GL et al 2005).
Enfin, pour éviter toute résorption osseuse il faut une vascularisation suffisante donc évité tous phénomènes ischémiques. L’utilisation d’une suture adéquate permet d’éviter toute tension sur le site chirurgicale. Le point «Apical Mattress » permet une répartition des tensions.
Si la thérapie laser apporte des éléments indéniablement positifs pour une cicatrisation osseuse et une préservation du volume osseux. L’association de deux longueurs d’ondes complémentaires est indispensable pour obtenir touts les effets recherchés.
L’association thérapie laser, concentrés sanguins intelligents types A-PRF+, et sutures sans tensions permet de lever le caractère anxiogène de ce type d'extraction sur site infectée et à risque esthétique.
V. Iconographie
VI. Bibliographie
Caccianiga GL, Monguzzi R, Rey G, Martelli S. Synergie entre laser et PRP dans la régénération osseuse. Alpha Omega News 2005 ; Sept. : 4-7.
Choukroun J, Adda F, Schoeffler C, Vervelle A. Une opportunité en paro implantologie, le PRF. Implantodontie 2001 ; 42 : 55-62.
Leonida A, Paiusco A, Rossi G, Carini F, Baldoni M. Effects of low level laser irradiation on mesenchymal stem cells seeded on a three dimensional biomatrix : in vitro study. Italian Oral surgery 2011.
Loshe N. fibrin matrix positively affects the osteogenic differentiation of the seeded cells by sustaining the expression of OC and VEGF .European Cells and Materials Vol . 23 2012 (pages 413 - 424 )
Mammoto A1, Connor KM, Mammoto T, Yung CW, Huh D, Aderman CM, Mostoslavsky G, Smith LE, Ingber DE. A mechanosensitive transcriptional mechanism that controls angiogenesis. Nature. 2009 Feb 26;457(7233):1103-8
NGUYEN L.H “The lack of vascularization in engineered bone tissue is a major obstacle that needs to be over come in order to achieve clinical success” . Tissue Engineering Part B: Oct 2012
Marx RE, et al. Platelet-rich plasma: Growth factor enhancement for bone grafts.Oral Surg OOOE 1998 Jun;85(6):638-46.
Rey G. “La chirurgie pré implantaire lasers assistée, quelle longueur d’onde choisir ?” L.S. nov. 2012 ; n°56 : 4-21.
Rey G. L’apport du laser dans les parodontites et les péri implantites. La lettre de Stomatologie 2001 ; avril : 6-9.