Intérêt de la photobiostimulation dans la zone péri-buccale

Utilisation des lasers à faible longueur d’onde et leur action anti-inflammatoire péri-buccale

 

 

Auteur : Dr Emeline DELTOMBE  (Marchienne - France)

  1. Introduction

 

Il y a plus de cent ans, Metchnikoff décrivait le phénomène inflammatoire comme une réaction de défense (1)de l'organisme vis-à-vis des agressions bactériennes, parasitaires, chimiques ou mécaniques précédant et favorisant la réparation des tissus lésés. On sait maintenant que le nombre de facteurs (cellules, molécules, fragments de molécules) mis en jeu dans ce phénomène est important. On est encore loin de connaitre toutes les interactions et liens entre les différents systèmes mis en jeu. Parmi ces facteurs, les radicaux libres oxygénés occupent une place de choix et c’est ceux-ci qui vont nous intéresser particulièrement.

L’inflammation est nécessaire à la réparation des tissus, cependant un excès d’inflammation peut être délétère. On constate chaque jour dans notre métier des processus inflammatoires et les plus fréquents sont bien évidemment l’inflammation post opératoire. Mais cet article va plutôt traiter des conséquences de l’utilisation des lasers à faible longueur d’onde et leur action anti-inflammatoire péribuccale.

 

  1. Quelles affections ?

    1. Aphte

Un aphte est une ulcération superficielle, douloureuse de la muqueuse buccale ou plus rarement génitale. Au niveau de la muqueuse buccale, il se forme la plupart du temps sur l'intérieur des lèvres et des joues, la langue, le palais, les gencives, la gorge ou l’œsophage.

Les mécanismes immunitaires semblent jouer un rôle essentiel dans la pathogenèse de l’aphte, notamment les dépôts d’amas immunoglobuliniques qui obturent les capillaires et provoquent ainsi la nécrose de la zone ischémiée.

La palette de traitements répond à un très large spectre de pathologie. Au degré le plus bas, les aphtes sporadiques ne nécessitent tout au plus qu’un traitement local ou antalgique de courte durée. Au degré le plus haut, les aphtoses peuvent demander une prise en charge thérapeutique complexe en fonction de l’étiologie. Les pathologies sévères, impliquent des traitements lourds, de prise en charge ou de suivi hospitalier, avec d’importants effets secondaires ou indésirables comme ceux des immunosuppresseurs notamment chez les patients séropositifs.

 

B Herpes

Après primo-infection, le virus de l’herpès reste latent dans le ganglion de Gasser depuis lequel il va induire une manifestation secondaire et récurrente dans 30% des cas.
La topographie majoritaire de l’herpès secondaire sera la lèvre, à cheval entre le vermillon de la lèvre et la peau. Il se caractérise par un bouquet de petites vésicules juchées sur un fond érythémateux. Il peut également siéger sur la muqueuse buccale, la langue, la fibromuqueuse palatine et la gencive. 

Le traitement de la manifestation secondaire repose sur l’application d’antiviraux topiques comme l’acyclovir, le valaciclovir ou le peniclovir permettant l’amélioration de la cicatrisation des vésicules.

 

  1. L’action de la photobiomodulation

 

En 1967, Mester évoque la photobiomodulation sur des expériences de souris, depuis ce jour les évolutions dans les lasers et la photobiomodulation n’ont cessé de croitre et de permettre des avancées médicales importantes.

L’irradiation des tissus cibles par des lasers de basse énergie a le bénéfice d’être antalgique, anti-inflammatoire et cicatrisante.
Les lasers utilisés pour la photobiomodulation sont appelés laser de basse énergie en comparaison à l’énergie beaucoup plus importante déployée pour l’ablation, la coagulation, la vaporisation des tissus utilisé pour les chirurgies ou l’omnipratique. Les lasers les plus couramment utilisés ont des longueurs d’onde allant de 450 à 904nm. Plus la longueur d’onde est courte, plus la pénétration est importante dans les tissus.

  1. Principe de fonctionnement de la cicatrisation

La réparation des tissus après une lésion est un processus complexe. Deux composants sont essentiels, la capacité de régénération du tissu et la qualité de la réponse inflammatoire (2).

Lors de la cicatrisation trois phases sont observées :

  • la phase vasculaire ou l’on observe une vasodilatation des capillaires et des artérioles. Ceci va amener des cellules de l’inflammation qui seront attirées vers le lieu de la plaie par chimiotactisme. Le passage des leucocytes depuis les vaisseaux sanguins vers le site de l’inflammation est alors rendu possible, c’est la diapédèse. Elle se traduit cliniquement par quatre signes cardinaux : rougeur, chaleur, tuméfaction, douleur. 


 

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                   Figure 1 Aphtes en regard de la 37 Figure 2 Vésicules herpétique 

                          

  • Puis durant la phase cellulaire, plusieurs cellules vont être recrutées : 

 

Les polynucléaires, monocytes et lymphocytes migrent depuis les vaisseaux sanguins. Les fibroblastes, les mastocytes et les macrophages résidant dans les tissus périphériques. Les cellules vont se multiplier et se différencier, il y a formation du tissu de granulation. 

L’installation du granulome inflammatoire permet la détersion par les phagocytes et les réactions immunitaires par les Lymphocytes T et ou B. C’est le nettoyage et l’élimination des tissus nécrosés et des agents pathogènes. C’est un prérequis avant la phase suivante. 

 

  • Enfin pendant la phase de réparation et de remodelage : 

Le granulome inflammatoire va être remplacé par un nouveau tissu conjonctif en formation. (Figures 1 et 2)



 

  1. Thérapie laser 

 

Elle est basée sur une action de faible énergie qui crée une augmentation du débit sanguin et une vasodilatation capillaire et va ainsi favoriser la guérison. Ces effets comprennent la stimulation des lymphocytes, des fibroblastes, l’activation des mastocytes, et l'augmentation de la production d'ATP. De plus, la prolifération de divers types de cellules telles que les fibroblastes, les macrophages, les cellules épithéliales, et les cellules souches est observée. Tous ces facteurs combinés ont des effets anti-inflammatoires et biostimulants (3). 

L’augmentation de la prolifération, la maturation et la locomotion des fibroblastes sont observées dans les effets secondaires du laser. En outre, une réduction de la production des prostaglandines E2 (PGE2) et une augmentation de la production de FGF2 (fibroblast growth factor basique) sont observées (4), ces effets favorisent la prolifération endothéliale et la formation de néo vaisseaux, donc la cicatrisation.

Le laser peut aussi diminuer le processus inflammatoire en abaissant les taux de cytokines, telles que IL-1, le TNF- α et l’IFN γ et donc diminuer les douleurs autogènes ou endogènes. La thérapie laser réduit la douleur et l'inconvénient de manger, boire, se brosser les dents (214). 

Cette thérapie est aussi d’un grand secours chez les patients séropositifs pour le VIH car ils sont sujets aux aphtes miliaires et géants, elle améliore leur qualité de vie par une disparition des symptômes et de la douleur.

Sur la base des conclusions de différentes études, il peut être conclu que la thérapie laser est une modalité efficace pour le traitement des ulcérations aphteuses (5) et les lésions herpétiques (6) (7). La photobiomodulation est un instrument efficace, non invasif, et sans effet indésirable dans le traitement de l’herpès simplex de type 1. Non seulement elle permet de réduire le temps de guérison mais elle procure également un soulagement immédiat de la douleur. De plus, les patients présentent moins souvent de résurgence aphteuse et herpétique. (8) (9)




 

Pour les cas exposés dans cet article nous avons utilisé l’ATP38 qui présente plusieurs panneaux avec des semi-conducteurs collimatés (polychromatiques et monochromatiques) , sources de 7 longueurs d’onde entre 450-835 permettant d’être dans la fenêtre d’action de photobiomodulation. (Figure 3)

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Figure 3 - Utilisation de l’ATP 38 (programme herpès ou aphte) 1 séance

La lumière laser est une forme de rayonnement qui ne s’ionise pas, elle est très concentrée et permet au contact des différents tissus et en fonction du type de laser, d’obtenir des effets photochimiques, photoélectriques, photothermiques ou photomécaniques. Le rayonnement laser n’est pas invasif, il est bien toléré par les tissus, et n’a pas d'effets mutagènes. 

La thérapie laser de faible niveau a de nombreux effets physiologiques, tels que les propriétés anti-inflammatoires et analgésiques et la stimulation de la cicatrisation. 

 

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Figure 4 - Résultat du trio aphteux en regard de la 37 deux jours après traitement.

 

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Figure 5  Résultat des vésicules herpétiques deux jours après traitement.

 

Le résultat clinique dans les deux cas est rapidement visible, 2 jours après l’exposition à l’ATP38 (figure 4et 5). En temps normal et sans action laser les lésions auraient mises entre 5 à 8 jours pour disparaitre. La disparition des symptômes est immédiate, ceci grâce à son effet photodynamique, thermique et biostimulant.

 

  1. Conséquence de cette photobiomodulation.



 

Nous avons vu précédemment le phénomène de cicatrisation dans les lésions péribuccales et l’importance de la présence des lasers dans nos cabinets dentaires. Lors de la prise en charge des patientes notamment, nous nous sommes rendus compte d’un effet tenseur de la zone labiale traitée en photobiomodulation. C’est en partant d’un postulat de cicatrisation des petites lésions que nous avons étendu l’utilisation des lasers de faible énergie à la zone péri-buccale. On peut effectivement rebondir sur l’effet de la photobiomodulation sur les effets inesthétiques du vieillissement (figure 6). 

La perte de dimension verticale par usure dentaire est classique mais avec ce phénomène il apparaît classiquement l’effet code barre au niveau du contour labial. Grace aux différents effets cicatrisants, nous avons stimulé la matrice collagénique et cela à des conséquences appréciables par nos patients. La photobiomodulation facilite le rajeunissement de la peau en augmentant la production de collagène et en diminuant sa dégradation. C

Ce processus part sur le même postulat que précédemment expliqué. L’augmentation de la production de collagène se produit par les effets de la photobiomodulation sur le PDGF et la production de fibroblastes consécutifs à la diminution de l’apoptose, à l’augmentation du débit sanguin et une meilleure densité de vaisseaux due à la vasodilation laser (figure 7).  



 

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Figure 6 - Conséquences naturelles de l’âge (effet code barre)

 

L’accélération de la maturation des fibroblastes et la formation de fibromyoblastes contribuent à l’accélération des processus de cicatrisation et de guérison des plaies, un phénomène qui se reflète par l’augmentation de la contraction des berges et une résistance plus importante des berges à la traction .Ces cellules vont migrer sur le site de la plaie et une fois activées, elles se différencieront en myofibroblastes sécrétant le collagène, élément essentiel dans la cicatrisation et dans la réduction de la taille de la plaie. De plus nous avons une diminution de l’IL-6 et l’augmentation des TIMP qui à leur tour réduisent les MMP contribuant à réduire la dégradation du collagène. Avec la photobiomodulation nous avons une matrice collagénique mieux organisé et plus dense (10). 



 

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Figure 7 - Possible mechanism of actions for LLLT’s effects on skin rejuvenation. (10)

L’action de la longueur d’onde utilisé par l’ATP 38 a permis en 6 séances programmé sur « effet tenseur liftant »et « rides et ridules », un effet de rejuvenisation non négligeable pour notre patiente (figure 8).

 

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Figure 8 - État péribuccal après 6 séances.

 

  1. Conclusion

 

De plus en plus, des thérapies non invasives contre les affections de la muqueuse, de la peau et le rajeunissement de la peau sont utilisées, en particulier dans les pays occidentaux où les revenus disponibles relativement élevés sont combinés avec le désir d'une apparence améliorée favorisée par les pressions sociétales. Les patients ne désirent plus être acteur d’une pharmacopée grandissante, nous sommes dans l'ère du naturel. Gardez à l'esprit que les lasers sont encore en plein essor, que leurs fonctionnements et résultats sont encore au balbutiement de la science. 

Le laser est un assistant qualifié, il est l’extension de votre qualité et de vos résultats.


















 

  1. Bibliographie

 

1. Leçons sur la pathologie comparée de l'inflammation. Faites à l'Institut Pasteur en Avril et Mai 1891. Metchnikoff. s.l. : masson, 1892.

2. Réparation et régénération. Beverly A. Purnell, Pamela J. Hines. JUIN 2017, Science, Vol. 356.

3. Moreira MS, Velasco IT, Ferreira LS, Ariga SKK, Abatepaulo F, Grinberg LT, et al. Effect of laser phototherapy on wound healing following cerebral ischemia by cryogenic injury. J Photochem Photobiol B. 2011 Dec 2 et 105(3):207–15. 

4. Effect of laser phototherapy on the release of fibroblast growth factors by human gingival fibroblasts. Damante CA, Micheli GD, Miyagi SPH, Feist IS, Marques MM. 885-91, Jul 2008, Lasers Med Sci., Vol. 24(6).

5. Low laser therapy as an effective treatment of recurrent aphtous ulcers: a clinical case reporting two locations. Narjiss Akerzoul, &, Saliha Chbicheb. Jul 2018, PanAfricanMedicalJournal.

6. The Effect of 670-nm Low Laser Therapy on Herpes Simplex T ype 1. Muñoz Sanchez PJ, Capote Femenías JL, Díaz Tejeda A, Tunér J. Janv 2012, Photomed Laser Surg. janv 2012.

7. Efficacy of low-level laser therapy in management of recurrent herpes labialis: a systematic review. Al-Maweri SA, Kalakonda B, AlAizari NA, Al-Soneidar WA, Ashraf S, Abdulrab S, et al. Sept 2018, Lasers Med Sci.

8. Prevention of recurrent herpes labialis outbreaks through low-intensity laser therapy: a clinical protocol with 3-year follow-up. . de Paula Eduardo C, Bezinelli LM, de Paula Eduardo F, et al. Nov 16 2011, Lasers Med Sci. .

9. Efficacy of low-level laser therapy in management of recurrent herpes labialis: a systematic review. Al-Maweri SA, Kalakonda B, AlAizari NA, Al-Soneidar WA, Ashraf S, Abdulrab S, et al. 1423‐30., 1 sept 2018, Lasers Med Sci., Vol. 33(7).

10. Low-level laser (light) therapy (LLLT) in skin: stimulating, healing, restoring. Pinar Avci Asheesh Gupta, Magesh Sadasivam, MTech, Daniela Vecchio,Zeev Pam, Nadav Pam,and Michael R Hamblin. s.l. : Semin Cutan Med Surg, Aout 2014, National Institutes Of Health.