ÇA C’ETAIT AVANT… Une rubrique orchestrée par le docteur Michel Abbou pour le magazine LS avec la participation du Dr Abensur
Pour le 5ème volet de cette rubrique, Michel Abbou a sollicité un « compagnon de route » en la personne de David Abensur.
Ces protocoles, techniques, matériels et matériaux que nous avons délaissés au profit de…
Pour le 5ème volet de cette rubrique, j’ai sollicité un « compagnon de route » en la personne de David Abensur. Amis de promotion fraichement thésés, nous fûmes derechef recrutés à Garancière en 1982, au titre d’attachés de consultation et d’enseignement, dans le même service de chirurgie … qui deviendra, en 1986, le 1er département odontologique parisien dédié à l’implantologie.
En 1996, David Abensur a fondé (avec Pascal Valentini) le D.U d’implantologie de l’Université de Corse au sein duquel j’ai moi-même été chargé de cours pendant plusieurs années… Et il en est encore aujourd’hui le co-directeur scientifique.
Dr David Abensur
Enseignant et co-directeur au D.U d’implantologie de Corté.
Expert près la Cour d’Appel de Paris
Je ne suis pas un homme de convictions. Ou alors tardives. J’ai toujours été admiratif de ceux qui, pétris de convictions, pouvaient s’appuyer sur des postulats, leurs postulats, pour avancer dans leur vie en général. A l’instar du religieux, la conviction rassure. On ne se pose plus de questions, on construit sans se retourner.
A l’origine il y eut l’ostéointegration.
1986, Michel Abbou et moi posions nos premiers implants qui coïncidaient, faut-il l’avouer, avec ...nos premiers échecs. C’était à l’époque, des lames de Linkow des Disk-implants de Scortecci, des IMZ, des Denar ainsi que des Screw-Vent, ancêtres pour ces derniers d’implants actuels. Nous nous retrouvions dans nos cabinets respectifs sous des airs de conspirateurs pour pratiquer cette implantologie encore bannie de nos facultés. Après quelques années, première conviction : l’osteointégration ça marche si l’on respecte les dogmes édictés par Pier I Branemark (1). Et pourtant... Nous aurions pu en rester là. Mais le propre de l’homme c’est d’aller plus loin et de remettre en cause l’ordre établi. Au sein même de l’École Suédoise la fronde gronde. Enhardis sans doute par la chute du mur de Berlin Ivanoff, Lekholm et d’autres (2,3) déboulonnent les principes fondateurs. Il est possible de contaminer la surface d’un implant avec du tissu mou et du métal autre que le titane… Un implant sans stabilité primaire peut s’ostéointegrer… Il est possible de poser des implants chez des patients autres que les édentés complets… Enfin d’autres arrivent et défient le maître montrant des implants posés à la suite immédiate d’une extraction (4, 5) !
Les années 90 marquent un tournant. Puisque les implants ça marche, comment en poser plus et plus vite ?
1/ Poser plus :
- Poser des implants de petite taille lorsque le volume osseux est réduit mais aussi faire de l’os là où il n’y en a pas assez. Les implants courts, ce fut difficile à accepter et pourtant grâce à Franck Renouard (6) et d’autres il fallut se rendre à l’évidence. On s’était habitué à poser le plus large et le plus long possible avec comme souci principal accroître la surface d’ostéointegration. De fait, les implants courts ça marche. Pire les implants longs ainsi que l’appui bicortical montrent plus d’échecs à moyen terme ! Exit les implants de 19mm fierté de nos panoramiques d’antan.
- Faire de l’os par tous les moyens en déplaçant les obstacles anatomiques et en greffant. À partir de 1991 avec Pascal Valentini (7,8), nous nous sommes essayés aux greffes de sinus. Fort des travaux d’Urist sur les BMP et le DFDBA nous l’utilisions mélangé pour moitié à de l’os bovin (Bio-Oss®). Le DFDBA induisant la différenciation cellulaire de cellules souches en cellules osseuses (ostéoinduction) et le Bio-Oss® apportant l’échafaudage pour favoriser l’ostéoconduction au sein du greffon. A nouveau l’analyse histologique venait détruire nos convictions. Pas d’induction observable grâce au DFDBA. Exit donc de ce dernier dans nos sinus et autres défauts osseux à reconstruire.
2/ Poser plus vite :
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L’extraction implantation immédiate, cheval de bataille de Michel Abbou encore aujourd’hui (9, 10). Beaucoup d’errements à l’époque et d’idée préconçues. Non, l’implant ne stabilise pas le volume osseux de l’alvéole déshabitée… Non un implant large dans l’alvéole n’est pas une bonne décision, au contraire… Non le caillot ne suffit pas dans l’espace entre l’implant et la paroi osseuse périphérique (11, 12). Et si aujourd’hui cette technique délicate offre de bons résultats elle a cependant était largement modifiée avec le temps et... les échecs.
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La mise en charge rapprochée, chimère des années 90 avec l’avènement des implants recouverts d’Hydroxyapatite. Les ingénieurs nous enseignaient à l’époque l’excellence de la bio-intégration ainsi améliorée, permettant une mise en charge à 3 ou 4 semaines! Et nous, éperdument reconnaissants, nous précipitions à poser ces implants à surface révolutionnaire… Hélas, à moyen terme, nous avons observé plutôt une bio-désintégration de cette composante de surface qui ne résistait pas à l’inflammation !
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La mise en charge immédiate (13, 14) des implants, autre voie de recherche fin 90, avec des patients multi-implantés pour résister aux forces masticatoires avant que l’ostéointégration n’opère. Beaucoup d’implants… Beaucoup d’échecs ... Et une technique aujourd’hui qui devient fiable après de nombreuses mises à jour !
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La chirurgie guidée (15, 16) pour améliorer et préciser la pose des implants avec la mise en place d’un provisoire préalablement préparé pour la mise en charge immédiate. Séduisante technique qui laisse pourtant à croire que le lambeau peut être aujourd’hui délaissé. Si peu à peu cette avancée me convainc je reste persuadé que la vision du col de l’implant entouré d’une épaisseur osseuse suffisante reste indispensable au succès à long terme.
Pour finir les matériaux de reconstruction prothétique : la résine acrylique ainsi que certaines résines composites avec une esthétique améliorée, nous ont laissé espérer une meilleure adaptation occlusale de nos reconstructions ainsi qu’une protection de notre os péri implantaire… Hélas elles vieillissent mal dans le temps.
Bilan…
Mes seules certitudes aujourd’hui:
1. L’os en général (pas toujours) aime le titane
2. La gencive kératinisée est utile pour une bonne maintenance et une bonne stabilisation des limites prothétiques
3. L’os est préférable au titane : mieux vaut un petit implant étroit avec beaucoup d’os autour qu’un gros implant long avec une fine pellicule osseuse prête à disparaitre
4. L’étude pré-implantaire approfondie est garante de nos taux de survie implantaire
5. Si la préparation initiale du patient est un prérequis indispensable, a maladie parodontale attaque dents et implants avec une petite préférence pour ce dernier et les matériaux de comblement.
6. Enfin il est de notre devoir de prévenir les patients du taux d’échecs plus élevé :
- du fait du terrain (maladies parodontales ou autres), avec nécessité d’un suivi prophylactique rigoureux,
- du fait de certaines habitudes délétères : tabac, bruxisme ...
Bibliographie
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Abbou M – L’extraction-implantation immédiate… Mieux ou moins bien en zone esthétique ?
Dentalespace.com – Paroles d’experts 02-11-2016
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Abbou M – Extractions-implantation immédiates en zones molaires.
Dentalespace.com – Paroles d’experts 08-01-2019
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Abbou M, MISSIKA P - Extractions-implantations immédiates et membranes Gore-Tex®. 2ème partie: considérations cliniques et techniques.
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