Intérêt du volet osseux dans la gestion des complications implantaires
Utilisation de la technique du volet osseux initialement décrite pour la réalisation des résections apicales des molaires mandibulaires, dans la gestion des complications implantaires. Cette technique permet de repositionner le volet osseux dans sa position initiale afin d’optimiser la cicatrisation osseuse et d’éviter l’invagination des tissus mous.
Auteurs : Dr KELLER Pierre, Dr SCHEID Fabien
Dr Pierre KELLER, Chirurgien-dentiste, spécialiste en chirurgie orale
Activité libérale de chirurgie orale et implantologie, Strasbourg-Kehl
En collaboration avec l’équipe du Peers Grand Est
(Jean-Martin Offerle, Julien Raidot, Lea Rocchi, Pierre-Olivier Sage)
Introduction :
La technique du volet osseux a été décrite par Pr. Fouad Khoury dans le but de conserver l’os vestibulaire et d’avoir une bonne visibilité lors des résections apicales des molaires mandibulaires (1). Cette technique repose sur le principe de repositionner le volet osseux dans sa position initiale afin d’optimiser la cicatrisation osseuse et d’éviter l’invagination des tissus mous.
Le volet osseux peut être réalisé à l’aide de la Microsaw® (Dentsply Sirona) ou de la piézochirurgie. La technique du volet osseux est utilisée dans de nombreuses indications en chirurgie orale et implantaire : kystectomies, avulsion de racines incluses, nettoyage d’infections du sinus, recherche de corps étranger dans le sinus, dépose d’implants fracturés ou mal positionnés etc... Le but de notre travail est d’exposer différentes indications de l’utilisation de la technique du volet osseux réalisé avec la Microsaw® dans la gestion des complications implantaires.
Utilisation de la technique du volet osseux initialement décrite pour la réalisation des résections apicales des...
Publiée par LS Journal Stomato Implanto sur Mardi 30 juin 2020
1) Dépose d’un implant à l’aide du volet osseux sans implantation simultanée. Le patient est adressé pour la gestion de 2 implants avec des connectiques fracturées
(Fig1). Les implants ne peuvent pas être conservés et doivent être extraits. L’utilisation d’un trépan n’est pas indiquée en raison du faible volume lingual. Le dévissage des implants avec un tourne à gauche avait déjà été tenté chez le dentiste traitant.
L’indication du volet osseux a été posée pour préserver au maximum le volume osseux vestibulaire du patient afin de pouvoir reposer des implants par la suite. Un lambeau d’épaisseur totale est levé afin d’avoir une bonne visibilité (Fig2). Deux ostéotomies verticales parallèles sont réalisées à l’aide de la Microsaw® montée sur pièce à main (Fig3) puis une ostéotomie horizontale suivie d’une ostéotomie apicale sont réalisées avec la Microsaw® montée sur contre angle (Fig4). Ces ostéotomies doivent se surcroiser, et être réalisées de dépouille afin de pouvoir repositionner le volet osseux dans sa position initiale. Les traits de coupe obtenus avec la Microsaw® sous irrigation, ont une épaisseur de 0,29mm qui facilite le repositionnement du volet osseux.
La vitesse de rotation du disque diamanté est ajustable entre 800 et 2000tours/minute en fonction de la densité osseuse. Une distance d’au moins 2mm par rapport aux dents adjacentes ou aux structures anatomiques à préserver est respectée. Le volet osseux est luxé à l’aide d’un ciseau à os et d’un maillet (Fig5). Pour augmenter le confort du patient, ce dernier mord sur une compresse. Lors de la luxation, le bloc s’est fracturé (Fig6). Le volet osseux est conservé dans du sérum physiologique. Les implants sont déposés (Fig7). Le volet est repositionné dans sa position initiale et stabilisé à l’aide d’une vis d’ostéosynthèse (Micro-screw®, Stoma) (Fig8). Le lambeau est fermé de manière hermétique à l’aide de sutures résorbables (Fig9).
Figure1 : Cone beam pré-opératoire : le volume osseux lingual est insuffisant pour utiliser un foret trépan.
Figure 2 : Réalisation d’un lambeau muco-périosté pour exposer des implants avec la connectique fracturée.
Figure 3 : Les ostéotomies verticales sont réalisées avec la Microsaw® (Dentsply Sirona) pièce à main.
Figure 4 : Réalisation de l’ostéotomie horizontale à l’aide de la Microsaw® (Dentsply Sirona) contre angle.
Figure 5 : Luxation du volet à l’aide d’un ciseau à os, le patient mord sur une compresse pour limiter les mouvements de la mandibule.
Figure 6 : Lors de sa luxation, le volet osseux s’est fissuré dans sa partie distale.
Figure 7 : Situation clinique après la dépose des implants à l’aide d’un davier.
Figure 8 : Repositionnement du volet osseux dans sa position d’origine et stabilisation à l’aide d’une vis d’ostéo-synthèse (Micro-screw®, Stoma).
Figure 9 : Fermeture hermétique du lambeau à l’aide de sutures résorbables (Neohm,Monofast 5/0).
2) Dépose d’un implant fracturé avec pose simultanée d’un nouvel implant
Le patient est adressé pour la gestion d ‘une connectique fracturée. Suite à la tentative de conservation implantaire, il a été décidé d’extraire l’implant.
L’indication du volet osseux a été posée pour préserver au maximum le volume osseux du patient afin de pouvoir insérer un nouvel implant dans la même séance.
Après décollement d’un lambeau muco-périosté (Fig10), deux ostéotomies verticales (Fig11) et une ostéotomie horizontale sont réalisées en vestibulaire de l’implant à l’aide de la Microsaw®.
Figure 10
Figure 11
Le volet osseux est clivé à l’aide d’un ciseau à os et d’un maillet (Fig12-13).
Figure 12
Figure 13
L’implant est facilement luxé en vestibulaire et retiré à l’aide d’un davier (Fig14).
Figure 14
Le forage implantaire est réalisé sans irrigation afin de pouvoir récupérer des particules d’os autogène sur les forets. Le dernier forage est toujours réalisé sous irrigation pour ne pas échauffer l’os.
Les particules d’os autogènes récupérées sont conservées dans du sérum physiologique.
Une fois l’implant Xive S (Dentsply Sirona) 4,5/ 13mm posé (Fig15), les particules d’os autogènes sont appliquées contre les spires de l’implant. Le volet osseux est repositionné et stabilisé à l’aide d’une vis d’ostéo-synthèse (Micro-screw®, Stoma) (Fig16).
Figure 15
Figure 16
Le lambeau est fermé sans tension et de manière hermétiques à l’aide de sutures résorbables (Fig17).
Figure 17
La radiographie 3 mois après l’intervention montre une conservation du volume osseux vestibulaire (Fig18).
4
Figure 18
3) Dépose d’un implant dans le sinus maxillaire
La patiente a été adressée pour la gestion des complications d’un implant projeté dans le sinus maxillaire suite à une tentative de technique de SUMMERS.
Le cone beam montre la présence de l’implant dans le sinus maxillaire droit, et une opacité totale du sinus maxillaire (Fig19).
La patiente se plaint d’une symptomatologie douloureuse dans ce secteur.
Figure 19
Les abords possibles du sinus sont la paroi médiale (par une chirurgie endoscopique via le méat moyen) ou la paroi antérieure via ostéotomie vestibulaire.
L’abord par la paroi médiale est réalisé par un ORL sous anesthésie générale.
L’abord par la paroi antérieure peut être réalisé par le chirurgien dentiste sous anesthésie locale.
Deux techniques permettent l’accès vestibulaire au sinus maxillaire : la technique de Caldwell-Luc ou la technique du volet osseux.
L’inconvénient de la technique de Caldwell Luc est la non préservation du mur osseux vestibulaire compliquant la réalisation dans un second temps d’un soulevé de sinus pré-implantaire. Avec la technique du volet osseux, le soulevé de sinus peut être réalisé de manière conventionnelle après cicatrisation.
L’abord ORL a été évoqué pour réaliser l’intervention sous anesthésie générale par méatotomie. L’état de santé de la patiente contre indique une AG et l’alternative de réaliser cette intervention par abord vestibulaire, sous anesthésie locale est choisie.
Après réalisation d’un lambeau de pleine épaisseur, deux ostéotomies verticales et deux ostéotomies horizontales sont réalisées avec la Microsaw® montée sur pièce à main (Fig20). L’utilisation de la Microsaw® contre angle n’est pas indiquée dans ce secteur. Les quatre ostéotomies doivent se surcroiser, et elles sont réalisées de dépouille afin de pouvoir repositionner le bloc osseux dans sa position initiale.
Figure 20
Des perforations avec le foret drill sont effectuées afin de pouvoir repositionner le volet osseux en fin d’intervention et de le stabiliser à l’aide de sutures résorbables. En effet, la corticale vestibulaire du sinus maxillaire est trop fine pour stabiliser le volet par friction.
Le volet est luxé à l’aide d’un ciseau à os et d’un maillet (Fig21).
Figure 21
L’implant positionné dans le sinus est récupéré à l’aide d’une précelle (Fig22).
Figure 22
Le sinus est nettoyé à l’aide d’une curette et les polypes sont tous éliminés (Fig23). Le sinus est rincé avec du sérum physiologique.
Figure 23
Le volet osseux est repositionné dans sa position initiale et suturé grâce aux perforations préalablement réalisées (Neohm, Monofast 6/0) (Fig24-25).
Figure 24
La fermeture du lambeau se fait à l’aide de sutures hermétiques.
Discussion
L’ostéotomie vestibulaire à la fraise pour l’exérèse d’un implant est une alternative très invasive. La suppression de la corticale lors de l’extraction d’un implant entraine une compétition tissulaire sur le site opératoire. La prolifération épithéliale et conjonctive est plus rapide que la prolifération osseuse, ce qui entraine une diminution de volume osseux. La conservation de l’os cortical grâce au volet osseux, assure une barrière physiologique. Elle guide la cicatrisation muqueuse, et permet la protection de l’os trabéculaire sous-jacent.
L’utilisation de foret trépan pour la dépose d’implant est également décrite dans la littérature (2). La difficulté de la technique du trépan est de trouver le bon axe implantaire afin de ne pas trop fraiser le titane. Il est parfois nécessaire de fraiser l’os jusqu’au niveau de l’apex implantaire pour pouvoir déposer l’implant. La proximité des racines dentaires des dents adjacentes peut rendre l’utilisation du foret trépan impossible.
Le tourne à gauche est un autre instrument conçu pour effectuer la dépose atraumatique d’un implant. En revanche le filetage interne de l’implant doit être intact pour l’utiliser, ce qui exclut son utilisation pour les implants fracturés ou pour les implants ayant des fractures de connectiques.
La technique du volet osseux décrite par Khoury pour les résections apicales est également applicable pour l’exérèse d’implants. Dans une étude de 2013, Khoury décrit 200 patients traités en utilisant la technique du volet osseux pour des interventions chirurgicales pré-implantaires et implantaires(3). Chez 124 patients, le volet osseux a été remis en place sans pose d'implant simultanée ou de greffe osseuse simultanée. La largeur moyenne de la crête alvéolaire après réimplantation du volet est de 7,6 +- 0,8mm. Chez 76 autres patients, le volet osseux a été replacé dans sa position initiale simultanément à la pose d’un implant et, dans certains cas, avec des procédures d'augmentation osseuse. Une cicatrisation normale sans aucune infection a été observée.
La réussite de la technique du volet osseux dépend de la précision et la finesse des ostéotomies qui conditionnent le repositionnement final du volet. La MicroSaw® permet un tracé de coupe plus fin que le piézotome. Cependant, certains auteurs décrivent que, lors d’une coupe au piézotome, les premières phases de cicatrisation sont plus efficaces grâce à l’activation des Bone Morphogenetic Protein (BMP-4) (4). La production de fortes températures des instruments rotatifs peut altérer le tissu osseux au niveau du trait de coupe dans le cas d’un défaut d’irrigation (5). La MicroSaw® est équipée d’un système d’irrigation continu afin d’éviter les risques d’échauffement.
Jung et al ont traité 10 patients en utilisant la technique du volet osseux pour retirer les implants fracturés ou mal positionnés (6). La modification de la technique originale consiste en utilisation de biomatériaux associée ou non à une membrane résorbable. Chez 3 patients, les implants ont été reposés immédiatement.
Cependant, une nouvelle formation osseuse spontanée sans avoir besoin de substituts osseux est possible avec la technique du volet osseux. En effet le caillot sanguin stabilisé dans le défaut se différencie tissu osseux, même à la mandibule (7).
Le temps opératoire est un facteur important à prendre en considération. Dans l’étude de Hanser et Doliveux, il compare sur 53 patients le temps de préparation du prélèvement rétromolaire entre la Microsaw® et la piézochirurgie (8).
Le temps moyen pour réaliser un prélèvement avec la Microsaw® est de 5,63min et de 16,47 min avec la piézochirurgie. La durée de l’acte est donc considérablement réduite avec la Microsaw®.
Avec la Microsaw®, la stabilisation du volet n’est pas nécessaire dans la majorité des cas (3). Grâce à des traits d’ostéotomies fins et réalisés de dépouille, la friction des bords suffit à stabiliser le volet. Les traits d’ostéotomies de la piézochirurgie sont plus épais.
Le volet doit être stabilisé soit avec l’apport de vis d’ostéosynthèse, soit de mini-plaques ou de sutures résorbables. Une corticale épaisse supporte des vis d’ostéosynthèse, tandis qu’une corticale fine préférera un amarrage par des sutures.
Conclusion
Ce protocole permet d’obtenir une bonne cicatrisation osseuse et un maintien du volume osseux lors de la gestion des complications implantaires. Ce maintien du volume peut permettre la pose d’implant simultanément ou lors d’un second temps chirurgical sans forcément avoir recours à des techniques d’augmentation osseuse et des biomatériaux.
Cette intervention est rapide lorsque le volet osseux est réalisé à l’aide de la Microsaw®.