Carotte osseuse impactée transversalement

Utilisation des carottes osseuses ou ostéo-gingivales en extraction, implantation et mise, en esthétique immédiate.

 

 

Dr Sepehr Zarrine, speaker et fellow ITI
Chirurgien dentiste, implantologie exclusive, Saint-Dié, France
European Master in dental implantology : clinical surgery, prosthetics, bone grafts, Frankfort, Allemagne
Diplôme Universitaire de réhabilitation chirurgicale maxillofaciale, Médecine, Paris VII
dr.zarrine@gmail.com - surgitechstudies.fr

Animation et images 3D : Omar Bouhelal Schirmer
 

Comment greffer une carotte osseuse transversalement?


 

Les trépans sont utilisés depuis de nombreuses années en chirurgie pour récolter de l’os. Ces carottes osseuses sont moulinées ou utilisées verticalement tel un anneau autour d’un implant.
Il s’agit, dans cet article, de décrire une utilisation différente permettant de compenser une perte osseuse vestibulaire en extraction et implantation immédiate. L’utilisation de la carotte osseuse en l’impactant transversalement par rapport à la crête a été décrite et enseignée il y a une quinzaine d’année par Charbel Khoury en France.

A notre tour, nous l’avons utilisée depuis 2007 dans plus d’une centaine de cas. Comme toute technique, elle s’affine avec le temps et la multiplicité des patients. Au travers de 3 cas cliniques, nous allons décrire la méthode initiale et ses variantes qui permettent de s’adapter en fonctiondes situations cliniques. En effet, en fonction de la disponibilité osseuse et du site de prélèvement, le trépan prélèvera un bloc circulaire cortical, cortico-spongieux, ou oséto-gingival avec une utilisation et une méthodologie différentes. L’objectif sera de décrire pourquoi et comment les utiliser lors d’une perte osseuse de la paroi osseuse vestibulaire suite à une fracture radiculaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sachant que la taille du défaut est directement liée à l’ancienneté de la fissure, plus elle sera détectée précocement moins elle entrainera une résorption osseuse importante. Plus cette lésion perdurera, plus l’os sera touché et la gencive affectée. (1)
L’implantation immédiate associée à une régénération osseuse guidée peut être compromise et une mise en esthétique par une dent provisoire implantoportée sera déconseillée. (2)

Cas numéro 1 : Carotte osseuse cortico-spongieuse

Après extraction de la première prémolaire maxillaire fracturée (Fig 1), le soulèvement d’un lambeau a mis en évidence une perte osseuse vestibulaire sur toute la hauteur de la racine (Fig.2).

Figure 1 : Fracture radiculaire mise en évidence après extraction

Figure 2 : Perte osseuse verticale de la table vestibulaire

Figure 3 : Un trépan pour calibrer le défaut osseux en forme circulaire

Cette lésion en « V » est rendue circulaire par un trépan de diamètre 5mm (Fig 3). Cela correspond au calibrage du défaut (Fig 4).

Figure 4 : Calibrage du défaut

Le site d’extraction est parfaitement cureté.
Le forage implantaire est réalisé contre la corticale palatine de l’alvéole d’extraction au-delà de l’apex pour permettre l’ancrage du futur implant. Le placement tridimentionnel de celui-ci est primordial par rapport aux collets anatomiques des dents adjacentes ainsi que dans le sens mésio-distale et vestibulo-palatin. (3)
Il ne faut surtout pas être piégé par la hauteur d’os perdu et enfouir plus l’implant.
Un Tissue level     est parfaitement stabilisé grâce à ses dernières spires. (Implant TL Straumann SP 4,1 RN, longueur 12mm SLActive.

Une incision limitée en étendue et en forme de « H » est réalisée dans le secteur de la dent de sagesse inférieure pour un abord crestal. Un trépan de diamètre supérieure au trépan de calibrage (Fig 5), donc 6mm dans ce cas, permet de prélever une carotte de 4mm de profondeur (Fig 6). 

 

Fig. 5 : Un trépan de diamètre supérieur pour le prélèvement osseux

Figure 6 : Carotte corticospongieuse

Elle forme un bloc circulaire cortico-spongieux qui est impactée en force, transversalement à l’implant (Fig 7).

Figure 7: Impaction de la carotte osseuse au maillet et ostéotome

La surface SLActive de l’implant est au contact de l’os spongieux richement vascularisé et la partie corticale protège cet ensemble et referme parfaitement le défaut osseux (Fig 8).
L’os greffé est entouré par l’os du site receveur sur tout le pourtour. Son immobilité totale permettra sa consolidation et sa revascularisation. (4)
Il n’est pas utile d’enfouir l’implant ni d’utiliser une membrane car il n’y a pas de substitut osseux (Fig 9).

Figure 8:  Implant RN non enfoui, carotte osseuse totalement immobilisée

La couronne définitive est réalisée à 3 mois (Fig 10). Le suivi de cette patiente montre un excellent comportement ostéo-gingival à 10 ans tant radiologiquement (Fig 11) que cliniquement (Fig 12).

Figure 10: Contrôle à 1 an de 14

Figure 11

 

Figure 12: Contrôle à 10 ans de la 14

Cas numéro 2 : Coffrage par carotte osseuse corticalisée

La fracture radiculaire d’une incisive latérale a causé un défaut de la table osseuse vestibulaire (Fig 13).

Figure 13: Perte osseuse (photo issue de vidéo)

La préparation du site d’extraction, le placement de l’implant et le prélèvement de l’os sont réalisés avec une méthode identique à celle décrite dans le premier cas clinique :

  •   Extraction
  •   Curetage
  •  Calibrage du défaut au trépan (Fig 14)
  • Forage su site implantaire
  • Lambeau de petite étendue en secteur ramique (secteur dent de sagesse ou ligne oblique externe de la mandibule)
  • Prélèvement osseux par un trépan de diamètre supérieur
  • Pose de l’implant

Figure 14: Calibrage circulaire par un trépan

Cependant, cette carotte osseuse peut être essentiellement composée d’os cortical. Dans ce cas, la revascularisation est très lente et le greffon peut perdre sa vitalité.
Greffer un bloc corticalisé quel que soit sa forme, en apposition ou en carotte, aura un taux d’échec extrêmement élevé.
Au contraire, si la reconstruction est faite comme un coffrage en imitant une régénération osseuse guidée avec une paroi vestibulaire et des particules alors le taux de réussite sera maximal. (5)
Dans les cas cliniques présentés dans cet article, la carotte osseuse fournit une table osseuse de forme circulaire et son immobilisation est par impactage et non par vissage.
Ce sont ces 2 particularités qui nous permettront de placer l’implant dans le même temps opératoire.
En effet, la carotte osseuse est désépaissie en la coupant en 2 en épaisseur. Une partie est transformée en copeaux d’os et mélangé à l’os de forage récupéré dans les rainures des forets BLT Straumann (Fig 15).

Figure 15: Os de forage dans les rainures des forets BLT

Figure 16: Placement de l'implant cylindroconique

Une fois l’implant parfaitement ancré (Fig 16), cet os particulaire est placé contre la surface implantaire (Fig 17). La rondelle corticale restante est impactée et sert ainsi de mur vestibulaire (Fig 18).
Cet ensemble se retrouve parfaitement dans les contours osseux. L’implant ayant une stabilité primaire suffisante, une dent provisoire en composite sur pilier PMMA est transvissée.

Figure 17: Recouvrement de l'implant par l'os de forage et l_os particulaire provenant de la carotte osseuse

Figure 18: Pastille corticale impactée sur l'os particulaire et créant un coffrage

Cas numéro 3 : Carotte ostéoginigivale

Une fracture radiculaire de 22 a lésé la table osseuse vestibulaire et la gencive en regard.
Elle est extraite minutieusement à l’aide du Benex (Fig 19). Un curetage de l’alvéole est réalisé manuellement puis au contra-angle à l’aide d’une fraise boule multilame de gros diamètre.
Un lambeau de pleine épaisseur est soulevé (Fig 20).
Comme la technique initiale, le défaut osseux est calibré par un trépan (Fig 21).
Le forage implantaire est effectué, comme pour tous les cas.

Figure 19: Extraction d'une racine fracturée au Benex par une force uniquement verticale

Figure 20: Destruction osseuse verticale en regard de la racine fracturée de 22

Figure 21: Passage d'un trépan

d’extraction-implantation immédiate, plus apicale que l’apex de l’alvéole dentaire et au dépens de la corticale palatine.

Dans certaines situations cliniques, l’étude radiologique tridimensionnelle montre un volume osseux exploitable en position de 18 ou 28. Il est alors aisé de réaliser le prélèvement au trépan sur ces sites habituellement larges. Toute la pertinence dans ce cas est de le réaliser à travers la gencive kératinisée et obtenir ainsi une carotte ostéo-gingivale (Fig 22).

Figure 22: Prélèvement à travers la gencive en secteur tubérositaire

De ce fait, il ne faut pas faire d’incision ou de lambeau pour ouvrir l’accès au trépan.
Le geste devient extrêmement rapide mais nécessite une bonne connaissance anatomique, une excellente analyse de la planification 3D, puis un bon repérage clinique.  (6)

  •  Mal orienter l’instrument en palatin reviendrait à léser l’artère palatine descendante.
  •  Se rapprocher de l’extrémité de l’arcade pourrait léser les ailes de la ptérygoïde .
  •  Un forage trop mésial pourrait toucher la racine distale de la dernière dent.
  •  Incliner trop en vestibulaire donnerait une quantité osseuse moindre.

Il est donc indispensable de bien mesurer radiologiquement l’os disponible dans tous les sens de l’espace. Cette mesure est à reporter cliniquement à partir de la face distale de la dernière molaire et depuis la ligne médiane de la crête édentée. Cela permettra de se placer tridimentionnellement dans le volume osseux disponible.
Certains logiciels de planification permettent de simuler les volumes. Cela permet de préfigurer le bloc osseux nécessaire au site receveur puis de le reporter sur le site donneur et voir ainsi si le volume osseux nécessaire sera disponible.

Pour connaître la profondeur de trépanation, il suffit d’enfoncer la sonde parodontale et mesurer l’épaisseur de gencive sur l’os. En y ajoutant 4mm, la profondeur finale est obtenue pour avoir suffisamment d’os.

Une fois la carotte ostéogingivale prélevée (Fig 23 et 24), il ne faut pas séparer l’os de la gencive mais réduire l’épaisseur gingivale en supprimant la partie kératinisée (Fig 25).

Figure 23: Prélèvement en tubérositaire d'une carotte ostéo-gingivale

Figure 24: Les quatres parties de la carotte tubérositaire. Os spongieux, os cortical, gencive et gencive kératinisée

Figure 25: Elimination de la gencive kératinisée

Un implant cylindroconique (Straumann BLT 3,3 SLActive Roxolid) est parfaitement ancré (Fig 26).

Figure 26: Implant cylindroconique avec un excellent ancrage

La carotte d’os et sa gencive toujours adhérente sont alors impactée transversalement à l’implant (Fig 27).

Figure 27: La répartition des différents éléments autour de l'implant

La partie osseuse spongieuse est au contact de l’implant pendant que le conjonctif qui y est attaché est utilisé comme un greffon conjonctif enfoui sous le lambeau vestibulaire.
Cette technique devient alors une combinaison entre la greffe osseuse simultanée à l’implant décrite dans le premier cas clinique et une greffe gingivale (Fig 28 et 29).

Figure 28: Carotte ostéo-gingivale impactée vue vestibulaire

Figure 29: Carotte ostéo-gingivale impactée vue occlusale

Lorsque la stabilité primaire est importante, la mise en esthétique peut être envisagée. Ce sont les implants cylindro-coniques qui donneront le meilleur ancrage.
Des points de suture matelassiers verticaux plaquent et repositionnent verticalement les papilles interdentaires (Monofilament Seralon 5.0).

Figure 30: Fermeture du lambeau avec monofilament 5.0

Une dent provisoire transvissée est confectionnée sur un pilier PMMA par couches successives de composite (Fig 30).
La couronne définitive céramo-zircone sur pilier variobase est transvissée à 4 mois.
Un contrôle à 2 ans montre une stabilité de l’environnement parodontal (Fig 31).

Figure 31: Contrôle à 2 ans

Conclusion

L’utilisation d’une carotte osseuse est appliquée dans les cas de perte osseuse vestibulaire où la régénération osseuse guidée est également efficace.
L’inconvénient est le prélèvement sur un second site mais cette technique présente cependant plusieurs avantages :

  •  Extraction et implantation immédiate
  •  Pas d’utilisations de biomatériaux ni de membrane
  •   Possibilité de mise en esthétique

Le site de prélèvement est très limité et le temps chirurgical court. De ce fait, les suites post-opératoires sont très faibles et la guérison rapide. En effet, le volume prélevé est moins important qu’une extraction dentaire.
Habituellement le site donneur est le secteur des dents de sagesses mandibulaires, sur la crête ou au niveau du balcon osseux qu’offre la ligne oblique.
Lorsque les sites en extrémité d’arcade maxillaire présentent suffisamment de volume, le prélèvement d’une carotte ostéo-gingivale (dé-kératinisée) permet de reconstruire le tissu dur et de renforcer les tissus mous par l’apport de conjonctif qui y est attaché.
Cette technique de reconstruction osseuse et ostéo-gingivale est notre premier choix lors des extractions-implantations immédiates avec perte de la table vestibulaire.
Cependant, même si cette technique est notre priorité dans les types de cas décrits ci-dessus, notre décision thérapeutique sera orientée vers une ROG lorsque le stress du patient ou l’ouverture buccale risque de compliquer l’intervention.

 

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Références

  •  Implant treatment choice after extraction of a vertically fractured tooth. A proposal for a clinical classification of bony defects based on a systematic review of literature. Corbella S, Taschieri S, Samaranayake L, Tsesis I, Nemcovsky C, Del Fabbro M. Clin Oral Implants Res. 2014 Aug;25(8):946-56.
  • Esthetic outcomes following immediate and early implant placement in the anterior maxilla--a systematic review. Chen ST, Buser D. Int J Oral Maxillofac Implants. 2014;29 Suppl:186-215.
  • Esthetic evaluation of periimplant soft tissue of immediate single-implant placement and provisionalization in the anterior maxilla. Bonnet F, Karouni M, Antoun H. Int J Esthet Dent. 2018;13(3):378-392.
  • Greffes osseuse en implantologie. Khoury F. Quintessence International. 2010.
  • Les augmentations latérales avec de l’os autogène. Keller P., Doliveux R. Le Fildentaire: 147, 24-27
  • Atlas d’anatomie implantaire. 2ème édition. Gaudy JF, Cannas B, Gillot L, Gorce T, Charrier JL. Masson. 2011