Le déficit transversal de la mandibule postérieure

A propos d'une technique alternative à la greffe autogène
Dr Luigi Bertaud – Chirurgien-dentiste - Ancien Interne - 97100 Basse-Terre
Dr Nicolas SEIBERT -  Chirurgien-dentiste


Introduction
La fonte osseuse post extractionnelle, affecte le secteur mandibulaire postérieur, en réduisant progressivement sa morphologie dans les sens transversal et vertical.
La composante transversale de ces défauts osseux, progresse en direction centripète, limitant le volume disponible pour la mise en place implantaire, contrariant le positionnement tri dimensionnel optimal, et perturbant les rapports inter maxillaires dans le sens transversal.
La réflexion chirurgicale, débute naturellement par la simulation des objectifs prothétiques, qui seuls pourront mettre en évidence le décalage potentiel, entre la situation de l’os disponible, son volume, et les impératifs liés à la réalisation prothétique.
La restauration du volume des supports osseux et muqueux déficients, est le point de départ d’une réhabilitation au rendu naturel, et pérenne.
De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites, pour permettre l’aménagement de la région mandibulaire postérieure, et nécessitent classiquement le recours au prélèvement osseux autologue.
La technique du split mandibulaire, est  une proposition alternative à la greffe, dans la gestion de ces défauts osseux. Cet article décrit la procédure chirurgicale, au travers de cas cliniques variés.

Cas n°1 :
Patiente 57 Ans, HTA stabilisée, édentement mandibulaire postérieur droit, prémolo molaire, avec composante transversale majeure, et bonne préservation verticale.
Souhaitant une réhabilitation prothétique fixe.
L’examen clinique met en évidence une dépression transversale importante, que le cone beam confirme et précise. Un aménagement pré implantaire est indiqué, et la technique du split est retenue, puis mise en œuvre sous anesthésie locale.

Le split consiste en une luxation de la portion de la table externe à épaissir, réalisée sous contrôle de la vue, donc après avoir exposé parfaitement le relief squelettique de la région déficiente, sur ses faces vestibulaire et linguale.
Cette luxation ne détache pas le volet, mais au contraire préserve une liaison avec le site mandibulaire, par la base.
Le nerf mentonnier doit être systématiquement recherché, exposé et protégé durant la procédure.

Image 1 : Schéma du tracé du volet externe. Vue latérale.
(Le bord inférieur est en pointillés, avec une alternance de traits d’ostéotomie pénétrant jusuq’au spongieux, et de traits n’effractant que partiellement la corticale.)


Image 2 :Schéma du tracé du volet, vue transversale.

Le tracé du volet est anticipé sur le bilan d’imagerie 3D, et mis en œuvre au piezotome, à l’aide d’un insert non denté, fin.
Le trajet neurologique du V.3, dans sa portion intra osseuse est analysée au cone beam, dans le plan vertical, et transversal, lors de la planification.
La technique du split ne permet qu’un élargissement de la crête et la composante verticale d’un défaut ne peut être prise en charge lors du geste.


Image 3 Exposition du relief squelettique  
 
Image 4  Réalisation du tracé


Image 5 : Détail de l’insert utilisé. (ici un SG30 de NSK) L’insert doit etre fin, et non denté.

La réalisation du tracé débute par le sommet de crête, et l’opérateur veille à franchir la corticale, selon un plan médian entre les surfaces osseuses linguale et vestibulaire. L’insert doit progresser dans le spongieux de façon à libérer toutes les adhérences existantes entre les deux tables, sur toute la hauteur du volet à détacher.
Les deux piezo incisions verticales, sont ensuite réalisées, et encadrent de façon définitive la longueur de la portion de crête à aménager.


De la même façon que pour le sommet de crête, l’engagement de l’insert recherche le contact avec la face interne de la table linguale, sur toute la hauteur du volet.
Le dernier temps du tracé, est celui du bord inférieur.
Il est entamé de façon superficielle, reliant les deux extrémités inférieures des traits verticaux, en évitant naturellement le nerf mentonnier. Une marge d’1 mm est suffisante au delà de l’émergence.
Le trait inférieur est ensuite approfondi, en débutant par un des angles, franchissant la corticale en totalité sur le premier millimètre, puis n’entamant que la moitié de cette épaisseur sur le millimètre suivant. L’ostéotomie est ainsi réalisée en pointillés, jusqu’à rejoindre le l’angle opposé, dans un franchissement total, de nouveau.
La mobilisation de la table, est amorcée délicatement, au moyen d’un ostéotome fin, et de façon progressive. Toute résistance est liée à un défaut de préparation lors de la pénétration de l’insert sur les trois premiers segments, et impose une exploration directement à l’insert.
 
6 Luxation de la table externe
 
 7 Comblement de l’espace dégagé, au Bio Oss(s)
Le volet ainsi espacé, est maintenu dans sa position par le biomatériau, qui tassé dans l’espacement ménagé, doit garantir la stabilité parfaite du montage.

Cas n°2 :
Patiente 50 ans, très bon état de santé générale. A déjà bénéficié d’une reconstruction osseuse pré implantaire globale (arcade maxillaire édentée atrophiée, et les deux secteurs mandibulaires postérieurs édentés atrophiés.)
La reconstruction, réalisée à l’aide d’os d’origine ramique et iliaque, s’est avérée insuffisante au niveau des secteurs mandibulaires postérieurs, consécutivement à la résorption secondaire importante, qu’ont subie les zones augmentées.

Un complément d’aménagement a été proposé, et mis en œuvre, sous anesthésie locale.


8 Exposition du secteur 4

 9 Réalisation du tracé et mobilisation du volet.

La situation de l’émergence du nerf mentonnier peut aisément etre contournée lors de l’ostéotomie.

10 Comblement au Bio Oss (s)  


 11    Exposition du secteur 3.
 
12  Réalisation du tracé


 13  Mobilisation du volet.


14 Comblement au Bio Oss(s)
Cette situation clinique, permet de mettre en évidence deux points particuliers :

  • La possibilité de spliter une zone reconstruite antérieurement, avec un os de faible densité. Cela est possible à condition de veiller à lever un volet externe qui présente de la corticale native, sur toute sa face interne. Le risque étant la destruction partielle du volet lors de la luxation.
  • Le design du tracé, et notamment celui de la base inférieure, qui doit être adaptée à la situation de l’émergence du nerf mentonnier. Ce tracé n’est donc pas nécessairement régulier et droit, mais contourne le trajet nerveux, afin d’éviter toute plaie neurologique lors de la luxation.

Cas n°3 :
Patiente, 43 ans, bon état de santé générale.
Edentement non compensé de 45-46-47. Déficit transversal contre indiquant la mise en place d’implants dans ce secteur. La patiente exprime d’emblée son souhait d’éviter un prélèvement. Un split est proposé et réalisé sous anesthésie locale.
La particularité de cette situation clinique consiste en la survenue d’une libération totale du volet externe lors de la luxation. Cette complication per opératoire est liée à la fois à la densité de l’os mandibulaire, à la finesse du trait de base inférieure, et à l’impératif d’augmenter de plus de 3 mm la largeur du sommet de crête.
   
15 Le tracé du split est réalisé au piezotome.   

 16 Une vis Osteomed maintient le volet externe.

Le volet doit alors être maintenu fermement contre la table linguale, et perforé de façon à laisser passer librement une vis d’ostéosynthèse. (ici une OSTEOMED de 8mm)
La vis est alors ancrée dans la table linguale sans préparation aux forets.
La longueur de la vis est choisie en fonction de l’épaisseur de la table linguale, qu’elle ne doit pas traverser, et le gain visé en épaisseur.
Le biomatériau est ensuite mis en place. Le vissage rapproche secondairement le volet, garantissant contre le matériau, la rigidité du montage.
Il est rare qu’une seconde vis soit utile. Si c’est la cas, elle peut être ajoutée matériau en place.

     
17 Le comblement est réalisé

   
18  Le dédoublement muco-périosté est réalisé

Conclusion :
La technique du split transversal, occupe une place de choix dans l’arsenal pré implantaire.
Il s’agit d’une procédure élégante, reproductible et aux résultats cliniques naturels lors de la réouverture à + 4 mois.
Elle partage avec la chirurgie des greffes osseuses les impératifs d’une excellente stabilité du montage en fin d’augmentation, une élimination des coins osseux saillants, ainsi qu’une couverture réalisée sans la moindre tension.
La surveillance comprend une visite de contrôle clinique à + 7 jours et 21 jours, ainsi qu’un contrôle radiologique de la consolidation à + 4 mois. L’implantation après augmentation est possible à + 4 mois, si aucun aménagement muqueux n’est utile au cours d’un temps opératoire distinct.
Cette technique ne permet la correction que des défauts du sens horizontal, et ne peut etre indiquée dans la gestion des défauts verticaux ou mixtes, pour lesquels la greffe osseuse et en particulier le coffrage, demeure l’option thérapeutique appropriée.