Pourquoi nos patients refusent-ils nos traitements implantaires ? Et bien sûr son corollaire : pourquoi les acceptent-ils ?

A l'heure d'une concurrence accrûe en particulier en raison du développement des centres dentaires low cost, le praticien doit non seulement savoir être bon dans sa pratique de l'implantologie, mais aussi savoir faire accepter ses devis à ses patients.

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Parution LS N°74, Juin 2017, par le Dr Jacques Vermeulen


La présentation d’un plan de traitement implantaire simple ou complexe est une étape importante qu’il ne faut surtout pas négliger. Je rajouterai « encore plus de nos jours » où nous avons dans notre rue, quartier ou ville des centres LowCost et des mutuelles de réseaux.
Comme libéral et dentiste au service de nos patients nous avons négligé de nous préoccuper de la forme et nous sommes concentrés sur le fond et les techniques.
Ce comportement  est préjudiciable et certains le ressentent comme une véritable injustice :
Pourquoi mes patients refusent-ils mes traitements implantaires? Avec en sous entendu : je suis compétent, expert, et je veux « son bien être »..! Pourquoi refuse-t-il ?
Pour vous amener des éléments de réponse, je vous propose une approche à trois niveaux :
1. Le besoin
2. La persuasion
3. La typologie de nos patients
La compréhension de ces 3 mécanismes, vous permettra, je l’espère d’améliorer votre taux d’acceptation.
NB : Je pars du principe que vous êtes un expert en implantologie….! dans mon esprit, c’est un confrère qui a suivi au minimum un D.U d’implantologie et des formations en implantologie pendant plusieurs années. J’exclus de cette catégorie tous les praticiens type « Dentexia », sans aucune expérience ni formations ad hoc, que les commerciaux de centres LowCost présentaient comme des « implantologues »… mon ami et maître le Dr Scortecci les appelle des« Trouologues »..!  et je le rejoins.
On voit maintenant où cela a mené des milliers de patients : à un scandale sanitaire.

 

1. Le besoin


Le besoin est un ressenti d’ordre physique ou mental d’une nécessité.
Le besoin s’exprime par un sentiment de manque ou/et une douleur provoqués par une privation de quelque chose nécessaire à l’organisme ou à l’existence.
En réponse, la satisfaction comme la non-satisfaction d’un besoin s’exprime à travers des sensations.
La non-satisfaction d’un besoin est une entrave à la vie et au développement de l’individu.
Il s’oppose au désir qui est une émotion.
Un exemple de besoin très simple.
Problème—>Il pleut—>conséquence—>je me mouille
—>besoin—> parapluie

Pour un problème dentaire nous sommes dans le même schéma.
Si vous faites prendre conscience au patient de son problème et de ses conséquences, vous identifiez « un besoin » qui débouchera sur l’acceptation du plan de traitement.
Mais cette acceptation interviendra à plus ou moins long terme, ce phénomène s’appelle la conversion.
C’est là ou il y a une différence importante avec « l’achat » du parapluie (client) et l’acceptation du plan de traitement (patient).
Le patient qui accepte un plan de traitement n’est pas dans un acte d’achat, et nous devons éviter de nous placer, nous CD, dans un acte de vente.
C’est pourquoi cette acceptation interviendra à plus ou moins long terme.
Nous sommes dans un processus dit de conversion, (voir le point sur les mécanismes de la persuasion).
Ne pas respecter ce délai de réflexion (conversion) c’est se mettre dans la situation  des centres LowCost type « Dentexia » où tout est fait pour « forcer la main »  du « patient-client » à signer le plan de traitement et à régler par avance.

2. La persuasion

 

Persuader n’est pas manipuler !
Des chercheurs ont étudié les facteurs qui nous influencent à dire “oui” aux demandes des autres.
Il existe une science dans la manière de  convaincre, et c’est parfois très surprenant.
En effet lorsque nous prenons une décision, ce serait bien de dire que toutes les informations disponibles sont prises en considération et que nous prenons une décision rationnelle.
Mais la réalité est bien souvent différente…
En effet avec le mode de vie que nous menons, nous sommes de plus en plus surchargés d’informations, et nous avons plus que jamais besoin de raccourcis et de règles qui nous guident et nous aident à prendre nos décisions.
Les études de Robert Cialdini ont montré qu’il y a six raccourcis universels qui guident le comportement de l’être humain notamment :
1. La réciprocité,
2. Le manque,
3. L’autorité,
4. La cohérence ou congruence
5. La sympathie ou l’empathie
6. Le consensus
Ces “ leviers ”  permettent d’influencer les personnes…  tout en respectant l’éthique car le but est de ne pas manipuler. je rajouterai 2 autres leviers.
7. Le désintéressement (agir contre son intérêt)
8. L’incongruité
Je tire ces 2 derniers points des études sur la persuasion de Fabrizio Butera de l’Université de Grenoble

La réciprocité :
Par exemple, si un ami vous invite à une fête, vous vous sentirez obligé de l’inviter à une fête que vous organiserez plus tard.
De même si un collègue vous fait une faveur, vous lui devrez une faveur et c’est un enchaînement mis en place par la société.
C’est un sentiment d’obligation que de dire « oui » à une personne qui vous a fait une faveur.
On peut compter jusqu’à 23% d’augmentation et uniquement  parce ce que l’on vous a donné de manière personnelle.
Donc le mot clé qui doit être retenu dans le principe de la réciprocité est « Soyez le premier à donner et faites en sorte de donner quelque chose de personnalisé ». Dans nos cabinets c’est le dossier « Plan de traitement ».
Je vous parle de dossier parce que c’en est un ! avec un courrier descriptif, des devis, des fiches explicatives, des radiographies et photographies du patient, le tout dans une chemise personnalisée et au nom du patient.
Voilà ce qui fait la «réciprocité». Il y a en fin d’entretien une gestuelle qui accentue encore cet effet (photo ci dessus) et aussi un facteur déterminant : c’est un acte gracieux (Définition :  fait avec gentillesse, amabilité).

Le manque :
Ce n’est pas toujours facile de dire aux gens les bénéfices qu’ils auront s’ils optent pour votre plan de traitement et vos soins, mais vous devrez leur dire ce qu’il y a d’Unique dans ce que vous proposez.
« Ce plan de traitement m’a pris beaucoup de temps parce que je voulais qu’il corresponde à vos problèmes dentaires ».
Une de mes consœurs le Dr Florence Dèmes-Acquiers (Cannes) me confiait que quand un patient hésite à se décider pour un traitement implantaire et argumente : « je suis trop vieux (vieille) », elle leur disait « Si vous avez besoin d’une prothèse de hanche, vous refusez ? Dans ce cas vous serez obligé d’avoir recours à une chaise roulante et bien pour l’implant dentaire c’est pareil vous pouvez vous en passer mais la solution de remplacement est beaucoup moins confortable, à vous de choisir ! »

L’autorité:
Nous sommes a priori dans une position confortable…le patient nous perçoit comme un expert (dentiste).
Une source est définie comme fiable, si elle est perçue comme compétente, intelligente, d’un statut social élevé et d’un haut niveau d’éducation (dentiste).
Mais attention aux effets pervers de l’expertise, qui sont : l’acharnement à convaincre, le rabâchage, les lieux communs.
Vous devez également adopter une image d’expert : la tenue vestimentaire, le port de lunettes vont influencer la décision finale.


La cohérence ou congruence :
Je vais proposer un ou des traitement(s) que je ferai à un proche (père, mère, frère, sœur, enfants) « soigne ton patient comme tu souhaiterais être soigné ».
Probablement c’est le moyen le plus simple et le plus efficace pour éviter de « se prendre la tête ». Bien entendu le choix final reviendra au patient en fonction de nos propositions, et de ses possibilités financières.

La sympathie ou l’empathie :
L’empathie est une qualité indispensable et qui s’exprime par une attitude…l’attitude emphatique.
Comment ? Vous devez regarder votre patient droit dans les yeux les sourcils en avant.
Ce message corporel de l’émetteur (le dentiste) est reçu par le récepteur (le patient) de manière très claire. C’est cette part de non verbal qui représente 80% des informations échangées entre 2 individus. (photo ci après)


Le consensus ou la preuve sociale :
Le fait de donner des exemples cliniques (anonymes il va de soi), de présenter des photos de traitements similaires apporte un pouvoir de persuasion. D’où l’importance d’iconographier nos cas cliniques.

Le désintéressement :
Votre patient doit être sûr que le traitement que vous proposez est dans son intérêt.
Pour un édenté complet qui me consulte pour une réhabilitation implantaire, lors de la présentation du plan de traitement et après lui avoir exposé les différentes solutions ainsi que leur coût, je vais lui proposer de commencer par la réhabilitation de la mandibule et de conserver le complet mobile maxillaire. Je lui explique que 60% de mes patients sont très satisfaits de ce compromis et que je leur ai fait économiser beaucoup d’argent et que si vous êtes dans les 40% et bien il sera toujours temps de passer à la solution implantaire maxillaire. Le patient perçoit que mon argumentaire est dans son intérêt et contre le mien.

L’incongruité :
Voilà mon dernier outil de persuasion. Il arrive qu’un patient décidé à faire une réhabilitation complète implanto- portée, me dise, « Docteur peut-être que si on enlevait tout, ça serait mieux et plus facile ».
Attitude à adopter:
1. se taire
2. aller chercher le carnet de RdV ou l’afficher sur votre écran.
3. dire «  on prend RdV quand ? » (attendre 7 secondes )
4. immanquablement le patient va vous répondre mais « pour quoi faire ? »
5. « eh bien pour extraire les dents et tout enlever »
6. et le patient vous répondre toujours « Docteur je plaisantais »
7. « mais moi non! »

Voilà la démonstration de l’incongruité.

3. Les 3 typologies de patients.


(Il faut bien sûr nuancer car il existera toujours des patients à comportement gradué).
Celui qui exprime « son » besoin,  « j’ai une douleur » mais dont l’examen révèle d’autres problèmes.
Celui qui n’a pas de « besoin », c’est à dire qui n’exprime pas un besoin ex. « je viens pour un contrôle de routine », « c’est ma femme qui m’envoie !»
Celui qui consulte pour un besoin (désir) global, « je ne supporte plus mes appareils mobiles », «mon sourire me déplaît », « je suis adressé par un de vos confrères… »
Les deux premières typologies  représentent un véritable challenge pour le Chirurgien Dentiste (CD) et surtout nous amènent  en « terra incognita »: savoir expliquer un problème, ses conséquences et créer le besoin de le voir résolu.

Patient 1
C’est la situation la plus classique et « confortable » pour nous, dentistes. La grande majorité des CD se cantonnent à cette typologie de patients. Le CD répond au seul besoin exprimé, et c’est tout!
 Le plus grand danger réside dans l’occultation d’autres problèmes majeurs comme : L’hygiène, la maladie parodontale, le bruxisme, les édentations postérieures de Kennedy, etc.
Pourquoi le CD occulte l’évocation de ces problèmes? Parce qu’il ne se sent pas capable de les expliquer clairement au patient ou pire ne sait pas traiter ces pathologies et plutôt que de déléguer, se tait ! et de se justifier :
De toute manière il n’est pas venu pour ça !
Combien de patients arrivent dans notre cabinet en nous disant « mais mon CD ne m’en a jamais parlé! »?
Ce comportement concerne également quelques « implanto exclusifs » (je fais une grande différence avec les paro- exclusifs au risque de me faire des ennemis, tant pis) qui vont mettre un ou plusieurs implants à la demande du référent en occultant les autres problèmes présents en bouche.

Patient 2
Ce patient, est le plus difficile à aborder, la bouche n’est pas pour lui une priorité, il n’est pas prêt à « investir » dans la santé bucco-dentaire, il a des a priori, c’est celui qui répond à l’occasion des sondages sur les raisons pour lesquelles il ne se fait pas soigner: » ça coûte trop cher! ». Cette réponse est un leurre qui lui permet de clore la discussion. Vous redoutez ces patients. Il sera celui pour lequel une véritable stratégie de communication doit être mise en place avec beaucoup de rigueur.
Le premier rendez-vous est primordial, vous devez le codifier.
C’est un rendez-vous de sémiologie médicale comportant: interrogatoire + analyse du comportement + examen clinique + imagerie médicale + photographies et biologie (si nécessaire).
Ce rendez-vous doit se conclure par une évocation concise des problèmes et de leurs conséquences, sans rentrer dans le détail. Votre conclusion doit être « Nous reparlerons de ces conséquences à notre prochain rendez-vous. Si bien sûr cela vous intéresse? »
Ainsi vous transférez la responsabilité au patient.
Le risque est que lors du rendez-vous de présentation du plan de traitement le patient ne soit toujours pas concerné ! Si tel est le cas appliquez les mécanismes de la persuasion. (cf chapitre persuasion) et attendez que les mécanismes de conversion s’établissent. Remettez le dossier au patient et attendez…! Ainsi vous respectez vos obligations d’information déontologiques.

Patient 3
Est-il besoin de décrire ce patient ?
Oui, car il y a des pièges à éviter.
C’est le patient idéal que tout les CD rêvent dans leur salle d’attente.
Il a conscience des problèmes, mais sous forme de désir et cela peut être dangereux dans la prise de décision de l’acceptation du  plan de traitement. Il faut transformer ce désir, en besoin, car cela conditionne le degré de satisfaction en fin de traitement. Le sentiment post-traitement est essentiel dans la cadre de la fidélisation du patient.
Le premier rendez-vous se déroulera in fine comme pour un patient de type 2, il faudra s’attarder à bien définir les raisons de la consultation, ses aspirations et noter.
Il vaudra mieux en fin de première consultation donner au patient une enveloppe financière large du montant des traitements envisageables et noter sa réaction. La pire: « Docteur faite ce qu’il y a à faire, l’argent n’est pas un problème », mais si ! C’est un problème et cette réponse du patient est un leurre, et la plupart du temps il ne donnera pas suite. Les autres réactions qui vont du silence au pleurs sont au contraire saines et de bon pronostic. A vous de préparer un plan de traitement(s) construit et réfléchi pour le prochain RdV.

Conclusion
Notre métier est en pleine évolution, certains parlent de crise, il n’en est rien ! Les choses ne seront plus jamais comme avant, nous devons regarder vers le futur, adapter notre comportement à celui de la société et non l’inverse.
Etre un expert ne suffit plus à exercer dans de bonnes conditions, c’est un préalable.
Il nous faut convaincre nos patients du bien fondé des plans de traitements que nous leur proposons, étayer notre argumentation, construire des dossiers solides, savoir se positionner face à la concurrence LowCost et les réseaux.
Apprendre à mettre en avant l’extrême personnalisation des techniques utilisées, les expliquer avec clarté.
Pour tous ceux qui accepteront cet effort je leur promet un avenir radieux, pour les autres (les plus nombreux ) ils vont subir comme ont subi les confrères Espagnols et autres.
Pour approfondir ce thème, je vous donne rendez-vous à l’ADF 2017 vendredi 24 Novembre D104 de 16h-17h.   

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