Augmentation osseuse du prémaxillaire édenté
A propos de deux options chirurgicales.
Mots clés : Greffe osseuse – Régénération – Esthétique – Implants
Dr Luigi BERTAUD
Chirurgien-dentiste - Basse Terre Guadeloupe chirurgien-dentiste, ancien interne en odontologie (CHRU LILLE)
Introduction :
La fiabilité des implants dentaires dans la prise en charge des patients édentés n’est plus à démontrer. Des taux de succès élevés sont associés à l’intégration des racines implantaires. Les évolutions des états de surfacei, celles des protocoles chirurgicaux, et la validation des résultats par des études cliniques, permettent de repousser les limites des indications implantaires. Implants courts, implants angulés, implants ptérygoïdiens ou zygomatiques réduisent l’indication à priori large de reconstruction osseuse préalableii. Cependant, en secteur esthétique, l’impératif lié au positionnement tridimensionnel des implants s’avère déterminant dans la recherche d’un succès esthétique. Aussi, la disponibilité osseuse, et sa compatibilité avec le projet prothétique impose très régulièrement le recours aux reconstructions pré implantaires dans cette région. La chirurgie d’augmentation osseuse pré implantaire intègre différentes options parmi lesquelles la greffe osseuse pré implantaire, et la régénération osseuse guidée occupent une place de choix dans l’arsenal thérapeutique du chirurgien oral.
1 - Différentes formes de résorption osseuses du pré maxillaire :
Le processus de résorption osseuse post extractionnelle survient systématiquement après la réalisation d’une avulsion dentaireiii, et aboutit à un déficit du volume osseux alvéolaire qui doit être évalué et quantifié, tant dans dans le sens transversal (épaisseur de crête) que vertical (hauteur osseuse.) Ces défects pouvant naturellement être combinés. C’est le positionnement tridimensionnel idéal de l’implant, déterminé lors de la phase diagnostique, qui, après détermination du volume utileiv, va permettre de choisir la procédure d’augmentation adaptée à la situation clinique.
Bilan d’un déficit osseux au niveau pré maxillaire :
Lorsque l’indication implantaire est retenue pour la réhabilitation d’un édentement antéro maxillaire, l’examen clinique doit rechercher d’emblée des signes de résorption osseuse :
Décalage sagittal du pré maxillaire avec le bloc incisivo canin mandibulaire.
Espace prothétique augmenté.
Epaisseur de crête édentée étroite.
Soutien labial supérieur diminué, voire inversion des rapports labiaux dans le sens sagittal.
Iconographie
1- Concavité vestibulaire typique de la résorption horizontale
2- Augmentation de l’espace prothétique caractéristique de la fonte verticale
3- Décalage sagittal des arcades (combinaison des deux formes)
L’analyse doit être poursuivie par la prise d’empreinte et le montage en articulateur des modèles d’étude, afin de permettre la réalisation d’un wax up, qui figera le projet prothétique. Après validation esthétique du montage des dents sur cire, L’examen scannographique pourra être réalisé avec le guide radiologique en place.
Le guide, en reportant les axes implantaires idéaux sur les images issues du cone beam ou du dentascanner, confirme le décalage entre le volume osseux disponible et les attentes prothétiques, et valide l’indication de reconstruction, en précisant le volume à reconstruire.
Iconographie :
4- Coupe coronale oblique sur la zone antéro maxillaire
2 - Cas clinique 1 : Greffe osseuse pré implantaire.
Patient de 61 ans, adressé par son praticien traitant pour réhabilitation implantaire maxillaire globale. Le patient est porteur d’un appareil amovible inadapté, et un décalage squelettique dans le sens sagittal, est immédiatement évocateur d’une fonte osseuse incompatible avec la mise en œuvre d’un traitement implantaire sans augmentation osseuse préalable. Le bilan complet confirme et précise les déficits. Une procédure de greffe osseuse est planifiée.
Iconographie :
5 – Vue palatine du maxillaire
6 – Prélèvement de deux greffons ramiques droit et gauche
7 - Les greffons sont splittés dans le sens de l’épaisseur afin d’isoler la surface corticale, qui est vissée à distance du site receveur. Cette technique permet de choisir l’épaisseur de crête finale.
8 - La partie résiduelle des greffons est broyée au moulin, et mélangée au sang du patient prélevé
La reconstruction doit tenir compte du positionnement optimal du futur implant, ainsi que des 2 mm d’épaisseur osseuse vestibulaires à la surface des implants, seule garantie de la préservation à long terme de la table externev. Il semble que cette épaisseur puisse être réduite avec l’utilisation d’implants avec platform switchingvi.
Iconographie :
9 – Comblement total des espaces libres à l’aide du broyat autogène.
10 – Couverture de la reconstruction avec une membrane CREOS maintenue fixe à l’aide de clous.
3 - Cas clinique 2 : Régénération osseuse guidée per implantaire.
Patiente de 55 ans adressée par son praticien traitant pour envisager un traitement implantaire au niveau du secteur antérieur maxillaire, édenté, résorbé.
Le bilan préliminaire confirme la nécessité d’une augmentation, et une procédure de ROG est planifiée. Etant donné l’opportunité d’un ancrage primaire dans l’os natif, la mise en place des implants et la ROG sont programmées au cours d’une seule et même intervention.
Iconographie :
11 – Vue palatine du maxillaire édenté résorbé
12 – Coupe coronale oblique centrée sur la 22
13 – Vue vestibulaire de la table externe qui présente une profonde concavité vestibulaire et un sommet de crête plus épais.
14 – Mise en place de trois implants NOBEL REPLACE CC.
15 – Mise en place du volume autogène obtenu par broyat et protection de la reconstruction par deux membranes CREOS maintenues à l’aide de clous
16 – Fermeture étanche et sans tension du site receveur.
4-Points clés.
La littérature conforte le choix de procédures d’augmentations osseuses de type greffes d’apposition ou régénération sous membranes, par la démonstration de taux de succès favorablesvii, et des résultats cliniques à long terme encourageants. Un niveau de résorption post opératoire du volume reconstruit est classiquement retrouvé, avec des proportions variables selon les techniques et les équipes.
Une méthodologie diagnostique rigoureuse, et le respect des protocoles permettent de viser des résultats offrant un volume compatible avec l’insertion d’implants de diamètre adaptés aux situations cliniques, tout en respectant le positionnement optimal, critères cruciaux de l’atteinte de résultats esthétiques à long terme.
Que la procédure retenue pour l’augmentation soit la greffe, ou la régénération osseuse guidée per ou pré implantaire, quelques règles d’or générales doivent s’appliquer, quelque soit le site augmenté.
Iconographie :
17 – Points clés
1 La surface osseuse du site receveur doit être libre de tout tissu fibreux, et parfaitement avivée.
2 L’adaptation des greffons doit être parfaite, et l’immobilisation totale.
3 La fermeture muqueuse doit être étanche, et réalisée sans tension. (décharge périostée.)
4 La résorption post opératoire du volume greffé doit être anticipée par une majoration du volume reconstruit.
5 Le port d’un appareil mobile est contre-indiqué. Une temporisation fixe sans appui doit être préférée.
Conclusion :
L’édentement maxillaire antérieur est fréquemment assortie d’une fonte osseuse post extractionnelle, à laquelle s’additionne l’impact aggravant du port de prothèses mobiles mal ajustées, et anciennes. Les défects observables au moment du bilan pré implantaire, sont souvent incompatibles avec l’atteinte de résultats esthétiques à la hauteur des espérances des patients, sans reconstruction préalable. Lorsqu’elle est indiquée, l’augmentation peut être réalisée au cours d’un temps séparé de la mise en place des implants, (lorsque le volume utile est insuffisant pour permettre un ancrage primaire de qualité) ou conjointement à la mise en place des implants (régénération per implantaire.) Le choix du biomatériau pourrait également être discuté dans le cas de la régénération. Dans ma pratique, le recours systématique à l’os autogène, seul matériaux à la fois ostéo conducteur et inducteur est une règle. Le tabac constitue également une contre-indication aux procédures d’augmentation dans ma pratique. La connaissance des options chirurgicales doit être connue de tous les patients qui interviennent dans la prise en charge de ces édentements, afin de pouvoir proposer aux patients la meilleure prise en charge.