EXTRACTION – IMPLANTATION IMMEDIATE ET ESTHETIQUE

Auteurs:
 
Dr Ammanou Terence
Chirurgien-dentiste DFCDP
DU d’Implantologie de l’Université d’Evry
CES de parodontologie
Lauréat de l’académie de chirurgie dentaire
Master en parodontologie
Master 1 en recherche mention BCPP
 
Dr Ammanou Yvon
Chirurgien-dentiste DFCDP
Post Graduate of New York University
Diplômé d’études supérieures en odontologie chirurgicale
Diplôme universitaire d’implantologie orale et maxillo-faciale
Diplômé de parondontologie
 
 
Parution Lettre de la Stomatologie 59 - Septembre 2013
 
 

texte

Résumé :

L’extraction-implantation immédiate (EII) a fait l’objet de nombreuses études expérimentales et cliniques. Aujourd’hui, l’intérêt pour cette technique chirurgicale ne cesse de croître car elle permet de réduire la durée de traitement et le nombre d’interventions. Les questions étant de savoir si  l’EII peut représenter une alternative fiable au protocole conventionnel : extraction-implantation différée (EID) et si oui quelles sont les indications et contre indications. 
Après une brève revue de la littérature, nous présenterons un cas clinique d’extraction implantation immédiate réalisé au cabinet dentaire.

Mots clefs :
Tooth extraction, Dental implant, imediate-delayed, Socket preservation, bone augmentation. 


Introduction

Lorsque l’on aborde l’EII, il est important de comprendre la physiologie de la cicatrisation d’une alvéole d’extraction. Entre une dent et l'os alvéolaire, il y a une petite partie d'os alvéolaire (os de liaison ou bundle bone) qui sert à l'insertion des fibres de Sharpey. Cet os de liaison ceinture l'ensemble de la racine, et son avenir est associé à celui de la dent. L'os de liaison débute sa résorption immédiatement après extraction ; à 4 semaines elle est de 20% ; à 3 mois elle est de 50 à 70 % du volume de l’alvéole. L’alvéolyse sera plus ou moins importante en fonction de plusieurs paramètres : parodonte fin, dent en position vestibulaire, pathologie générale, mauvais gestes chirurgicaux (Nevins et Coll 2006). La perte osseuse alvéolaire post-extractionnelle est donc inéluctable : les études d’Araujo en 2005 sur l’animal et en 2006 sur l’homme montrent que la pose d’implants post-extractionnels ne réduit pas plus la perte osseuse qu’une extraction simple (cependant, on pourra reprocher à cette étude que le gap entre l’implant et le mur osseux n’a pas été comblé). La réalisation d’un lambeau de pleine épaisseur incluant le périoste étant un facteur d’aggravation de la perte osseuse (Blanco et Coll 2008) une chirurgie sans lambeau sera préconisée dés que cela est possible. Enfin dans le cas d’une EII un espace est souvent présent entre l’implant et le mur osseux : il sera nécessaire de combler ce gap voir de surcorriger le déficit afin de compenser la perte osseuse qui est inévitable après une extraction. Plusieurs techniques existent ; la méta-analyse d’Esposito en 2010 ne conclue pas à la supériorité d’une technique par rapport à une autre. Dans le cas clinique présenté ci-dessous, on a décidé de réaliser une greffe osseuse associée à une greffe conjonctive.

 

Avantages de l’EII


Le principal avantage est chirurgical : en effet une seule intervention est nécessaire ; les délais de cicatrisation sont donc diminués. Ainsi, il existe une différence statistiquement significative au niveau  de la satisfaction des patients entre EII et EID (Sanz et Coll 2012).
Cette technique semble entraîner une cicatrisation osseuse plus rapide qui pourrait s'expliquer par la vascularisation  du site osseux provoquée par l'extraction, l'ouverture des espaces médullaires et le moindre échauffement de forage.
 Enfin, la revue Cochrane d’Esposito et collaborateurs en 2010 affirme qu’EII pourrait maintenir plus ou moins le volume osseux afin de donner de bons résultats esthétiques. 


Inconvénients de l’EII

Cette accélération du temps de traitement n’est pas sans risque, et augmente les problèmes infectieux et/ou les échecs  d’ostéointégration (Esposito et Coll 2010). D’autre part le placement de l’implant peut être plus délicat afin d’obtenir une stabilité primaire. Or la prédictibilité du succès dépend en grande partie du bon positionnent de l’implant :

Sur le plan sagital, l’implant ne doit pas réduire l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire et celle-ci doit être de 1,5 au minimum, voir de 2 mm (Spray et Coll 2000). L’épaulement de l’implant devrait idéalement situé au niveau de la ligne tangente aux faces vestibulaires des dents bordant l’édentement (Khayat et Coll 1987)  

Sur le plan horizontal, le diamètre de l’implant doit ménager le pic osseux interdentaire dont l’épaisseur minimale ne doit pas être inférieure à 1,5 mm (Esposito et Coll 1993) afin de générer une papille entre un implant et une dent (Gastaldo et Coll 2004)

Sur le plan vertical, le col de l’implant doit être situé entre 1,5 et 3 mm de la jonction amélo cémentaire de la dent adjacente


Indications de l’EII

Les indications de l’EII sont multiples : 
les traumatismes : tels que les expulsions dentaires traumatiques, les fractures radiculaires (horizontales ou verticales), les résorptions radiculaires (internes ou externes) ; 
les perforations radiculaires 
 les caries intraitables : telles que des caries radiculaires sous-gingivales ou dans les cas de rapports couronne clinique/racine clinique défavorables après élongation coronaire ; 
le remplacement de dents lactéales résiduelles.
les lésions péri apicales persistantes sans signe de douleur, de fistule ou de suppuration: l’étude de Crespi et collaborateurs en 2010 conclue que sur 24 mois il n’existe pas de différence statistiquement significative au niveau des différents paramètres cliniques et radiologiques entre les patients tests (extraction implantation immédiate au niveau de dents  présentant une lésion péri apicale sans signe de douleur de fistule ou de suppuration) et le groupe témoin (extraction implantation immédiate au niveau de dents sans lésion péri apicales). Dans ce cas, un curetage alvéolaire minutieux devra être réalisé. (Novaes  et coll 2004)


Liste des paramètres à évaluer avant traitement :

Afin de pouvoir répondre aux exigences des patients dans les meilleures conditions, il faudra évaluer en aval de l’intervention plusieurs facteurs :

-le profil psychologique : demande réalisable ou non réalisable. 
- le contexte facial : symétrie faciale, dysharmonie des tiers.
- le type du sourire du patient : dentaire, intermédiaire ou gingival. Le sourire gingival reste bien sur le challenge le plus difficile pour un chirurgien dentiste. 
- le contexte gingival : biotype  épais ou fin ; absence ou présence de gencive kératinisée
- la morphologie alvéolaire : intacte, perte horizontale, perte verticale, perte mixte
- le type d’édentement : unitaire ou multiple
- l’état parodontal : sain ou pathologique
- la localisation du point de contact : incisal, intermédiaire ou cervical : afin d’avoir un bon pronostic au niveau de la présence de la papille il faudra que la distance entre le pic osseux et le point de contact soit inférieur à 5 mm (Salama et Coll 1998)
- la classe d’Angle et le plan d’occlusion.

 

Cas clinique

Le patient, qu’on appellera Monsieur Dupont, se présente en consultation en urgence  pour une douleur au niveau de 21. A l’examen clinique 21 est fracturée, le morceau cassé est extrait afin de soulager le patient ; une couronne provisoire sur 21  a été réalisée en urgence. Un cône beam objective le trait de fracture qui est infra osseux. La conservation de cette dent est impossible.


Photo 2 : Cône beam  (Kodak 9000 3D) au niveau de 21

Photo 3 : Panoramique dentaire pré opératoire

De plus le patient présente une parodontite chronique modérée généralisée, localement sévère. Un traitement parodontal a été réalisé. 46 et 27 ont dû être extraites. Le patient présente un biotype parodontal épais. Il a été décidé de poser 3 implants : 46, 47 et 21. L’implant sur 21 sera posé le jour de l’extraction de cette dent (21 ne présente pas d’infection). 11  présente un inlay en or. Il sera déposé. Un retraitement endodontique a été réalisé associé à un inlay core et une couronne provisoire sur 11 avec une extension sur 21 (photo 4). Cela permettra au patient d’avoir une solution transitoire fixe pendant la phase d’ostéointégration de l’implant. 



4 (A) Radio pré opératoire,          

       

4 (B) Radio retraitement réalisé,

4 (C) Radio inlay core en place sur 11 

    

Photo 5 : (A et B) Vue Clinique pré implantaire

(C) Bridge provisoire 11-21 avec 21 en extension.

Afin de compenser la perte osseuse due à l’extraction de 21, une greffe osseuse en excès associée à une greffe conjonctive a été réalisée (Photo 6). L’implant est positionné dans le couloir osseux.

            

6 (A) Photo clinique après ouverture du lambeau  6 (B) Photo Clinique après extraction de 21

        

6 (C) Photo clinique implant en place                 6 (D) Photo clinique après greffe osseuse au Bio Bank ®

             

6 (E) Photo clinique avec une membrane de PRF    6  (F) Photo clinique du greffon conjonctif

6 (G) Photo clinique greffon conjonctif fixé à la face interne du lambeau vestibulaire

6 (F) Photo clinique fin de l’intervention.   

Après 6 mois de cicatrisation un deuxième temps chirurgical a été réalisé. Une couronne provisoire été laissé 2 mois afin d’aménager les tissus. Les couronnes céramiques définitives ont ensuite été réalisées. (Photo 7)

 

Photo 7 : (A) Radio retro alvéolaire le jour de la pose

7 (B) Photo clinique le jour de la pose des 2 couronnes céramiques sur 11 et 21

 

Conclusions

Selon la revue cochrane d’Esposito et collaborateurs en 2010, il n’y a pas aujourd’hui suffisamment de preuve pour affirmer la supériorité de l’extraction implantation immédiate par rapport à l’implantation retardée (entre 2 à 8 semaines après l’extraction) ou différée (2 mois à 1 an après l’extraction). Cependant, il est admis que l’extraction implantation immédiate ou retardée sont les techniques présentant le plus de risques d’échec et d’infection ; en revanche elles permettent d’avoir un résultat esthétique plus important. En outre, en choisissant un de ces deux  techniques, le chirurgien devra avoir un bon sens clinique  et savoir rebondir. En effet, l’extraction peut entrainer une destruction du mur vestibulaire rendant l’ancrage implantaire impossible, il faut alors savoir rebasculer vers une ROG et attendre le délai de  cicatrisation nécessaire afin de pouvoir placer un implant dans de bonnes conditions. 

 


Bibliographie:


1. Araújo, M. G. & Lindhe, J. Dimensional ridge alterations following tooth extraction. An experimental study in the dog. J. Clin. Periodontol. 32, 212–218 (2005).

2. Araújo, M. G., Wennström, J. L. & Lindhe, J. Modeling of the buccal and lingual bone walls of fresh extraction sites following implant installation. Clin Oral Implants Res 17, 606–614 (2006).

3. Blanco, J., Nuñez, V., Aracil, L., Muñoz, F. & Ramos, I. Ridge alterations following immediate implant placement in the dog: flap versus flapless surgery. J. Clin. Periodontol. 35, 640–648 (2008).

4. Crespi, R., Capparè, P. & Gherlone, E. Fresh-socket implants in periapical infected sites in humans. J. Periodontol. 81, 378–383 (2010).

5. Esposito, M., Grusovin, M. G., Polyzos, I. P., Felice, P. & Worthington, H. V. Timing of implant placement after tooth extraction: immediate, immediate-delayed or delayed implants? A Cochrane systematic review. Eur J Oral Implantol 3, 189–205 (2010).

6. Nevins, M. et al. A study of the fate of the buccal wall of extraction sockets of teeth with prominent roots. Int J Periodontics Restorative Dent 26, 19–29 (2006).

7. Novaes, A. B., Jr et al. Influence of implant microstructure on the osseointegration of immediate implants placed in periodontally infected sites. A histomorphometric study in dogs. Clin Oral Implants Res 15, 34–43 (2004).

8. Sanz, I. et al. Surgical protocols for early implant placement in post-extraction sockets: a systematic review. Clin Oral Implants Res 23 Suppl 5, 67–79 (2012).