Utilisation des différentes longueurs d'onde laser dans un traitement parodontal et péri-implantaire

Mode emploi

Auteur : Christine GERONIMI-THIBAULT

Cet article présente le suivi d’un cas en omnipratique de mars 2014 à décembre 2019 associant les techniques conventionnelles à l’utilisation de plusieurs lasers (Diode 980 nm, Nd-YAP 1341 nm et Erbium Cr-YSG).

PRÉSENTATION DU CAS

    (Première consultation en mars 2014)

En mars 2014, Mme S consulte pour des problèmes de gencives récurrents malgré une bonne hygiène et des traitements depuis de nombreuses années.
La consultation parodontale va permettre d’établir un diagnostic, un traitement et une maintenance.


A. BILAN

  • Anamnèse

Cette patiente souffre de problèmes de gencive depuis son adolescence, elle a passé son enfance dans un pays d’Afrique du Nord.
À son retour en France, plusieurs dents ont été extraites et remplacées par des implants.
Elle est stressée par l’éducation et la réussite de ses 3 enfants.
Sa mère porte une prothèse complète depuis un certain nombre d’années.
Consultations régulières chez un chirurgien-dentiste, traitements parodontaux non chirurgicaux et chirurgicaux dans des cabinets de parodontologie.

  • État général

Bonne hygiène de vie.
Ne fume pas.
Aucune maladie.

  • Hygiène de vie et alimentaire

Régime alimentaire équilibré.
Brossage 3 fois par jours avec passage des brossettes.

 

  • Examen clinique

Inconfort et craquements à l’ouverture.
Bridge antérieur, couronnes, nombreux implants.
Pas de plaque dentaire.
Aspect clinique de la gencive : œdématiée, rouge et suppuration en mésial de la 21 par simple appui digital (fig.1).


Fig. 1-Etat initial


Profondeur moyenne des poches : 5mm avec des poches plus importantes sur la 11 et la 21. Dans la partie mésiale de la dent 21, la profondeur de la poche est mesurée à 7 mm

 

  • Examen radiologique

 


Fig.2-Panoramique dentaire

Pertes osseuses autour des dents et de certains implants.

 

  • Examens bactériologiques

Au microscope : flore très active

Sonde ADN : bactéries des complexes orange et jaune en quantité importante


B. DIAGNOSTIC

Le diagnostic d’une maladie parodontale chronique avec un facteur génétique, le stress est un facteur aggravant, établi avec une infiltration bactérienne importante dans les tissus parodontaux et cémentaires.

C. PLAN DE TRAITEMENT

  • Traitement de la parodontite et des péri-implantites visibles sur 33, 43, 36.
  • Réévaluation.
  • Extraction de la 12 suivi par une réhabilitation prothétique.
  • Maintenance.


II. TRAITEMENT PARODONTAL ET PERI-IMPLANTAIRE (24 avril 2014)

Il est évident que le facteur génétique ne pourra pas être supprimé. L’information sur les incidences du stress va permettre à cette patiente, très coopérante, de se faire aider.
Quant aux bactéries pathogènes, elles sont traitées par le protocole Photo-Thérapie-Dynamique Laser associé au traitement non chirurgical pour potentialiser leur élimination.
Le laser utilisé dans ce cas est un Nd-Yap (1341µm), pénétrant et caractérisé aussi par sa puissance de crête et ses effets photo-acoustiques. Un laser Erbium (Cr-YSGG) est également utilisé autour des implants.


PROTOCOLE DU TRAITEMENT D’UNE MALADIE PARODONTALE ASSISTEE AU LASER Nd-YAP ET PHOTO-THERAPIE-DYNAMIQUE (PDT)

Après avoir :

  • Éliminé les facteurs généraux aggravants (tabac, stress, diabète non équilibré…)
  • Éliminé les facteurs locaux aggravants (mauvaise hygiène alimentation déséquilibrée…)
  • Réévalué de l’inflammation locale.
  • Réalisé le passage d’ultra-sons pour un premier assainissement et un détartrage.

Le traitement se fait par secteur.

  1. Anesthésie. Port de lunettes de protection spécifique à la longueur d’onde pour le patient, l’assistante et le chirurgien –dentiste.
  2. Débridement avec des inserts ultrasoniques sous irrigation de povidone iodée diluée pour déstabiliser le biofilm bactérien. Elimination des spicules de tarte résiduels sur les surfaces radiculaires.
  3. Aéro-polissage pour éliminer la smear-layer.
  4. Irrigation avec de l’eau oxygénée.

5. Passage du laser Nd -Yap,1341nm, fibre de 320µm dans les poches, tirs du fond de la poche vers le haut, mouvements rapides et légers (comme un pinceau) pour éviter l’effet thermique. Réglages : G- :   4.8 Watts, 30 Hertz ,160 mJ.   Effectuer 3 passages avec irrigation abondante d’eau oxygénée car c’est l’action conjuguée des tirs laser sur les tissus oxygénés qui va permettre d’avoir un effet bactéricide.

5 bis. Autour des implants, le laser Nd-YAP, réglage G-(4,8 Watts. 30 Hertz,160 mJ), est déplacé avec des mouvements rapides, du fond de la poche vers le haut, parallèles à l’implant pour éviter de toucher la surface implantaire tout en répétant l’irrigation de H2O2.Veiller à éviter tout effet thermique.
Le but recherché est la décontamination de la poche péri-implantaire avec l’action du rayonnement laser conjuguée à l’eau oxygénée.
Puis utilisation d’un laser non pénétrant, Erbium Cr-YSGG 2780 nm, réglages : tips  RFPT5, 50 mj, 30 Hz  mode H, air 40%, eau 60% . Le but sera d’avoir un nettoyage de la surface implantaire avec les effets photo-acoustiques et une ablation microchirurgicale des tissus de granulation péri-implantaire

6. Avec le saignement obtenu faire une coagulation en haut de la poche avec le laser Nd :YAP et  la fibre de 320 µm, (réglages D= :3 Watts, 10 Hertz, 300 mJ). Ce coagulum, membrane biologique, permet d’isoler les facteurs de croissance, des bactéries du milieu buccal.

7.-Passer à distance sur les tissus gingivaux le rayonnement laser avec la fibre de 320 µm,  réglages G- :4.8 W, 30 Hz, 160 mJ pour avoir l’effet biomodulation permettant d’activer la cicatrisation

8. Conseils d’hygiène post-opératoire (brossage 3 fois par jour utilisation d’un hydropulseur). Il n’y aura pas de prescription d’antibiotique.

De même, ce protocole peut être réalisé avec un laser diode 980 nm et un Erbium YAG 2940 nm avec les réglages prévus sur ces deux lasers.

Pour cette patiente, le traitement a été fait dans un seul rendez-vous car elle venait de loin, ponctué de pauses associées à une biomodulation sur les ATM pour diminuer la fatigue musculaire sur cette patiente ayant déjà une fragilité dans ces zones.

 


Fig.3 – Décontamination laser assistée

 

              

Fig. 4 - Passage de la fibre en mode défocalisé


III. SEANCES DE BIOMODULATION ET CONTROLES (mai-juillet 2014)

Séances de biomodulation à 3 semaines pendant 2 mois.
Laser diode 980 µm : P 4 W, F 10.0 kHz, Ton 50 µs, Toff 50 µs, en mode défocalisé avec la lentille
Ou Laser Nd-YAP, Réglages : G- :   4.8 Watts, 30 Hertz ,160 mJ, fibre 320µm en mode défocalisé
Réévaluation à 3 mois.
Maintenances périodiques à établir selon les facteurs de risque.
Ces séances permettent de contrôler la cicatrisation et l’observance de la patiente pour son hygiène
Pour ce cas la patiente a été revue à 1 mois : le 25 mai 214
Elle n’a pas eu de douleur post- intervention, juste une fatigue car la séance malgré les pauses avait été longue et elle a ressenti rapidement une sensation d’amélioration de son état gingival.
A l’examen clinique, la gencive n’est plus inflammatoire (fig. 5)

Fig. 5 - Aspect gingival le 25 Mai 2014

 

  • A ce stade, la maîtrise de l’hygiène buccodentaire quotidienne est impérative
  • Son respect permet la cicatrisation correcte des tissus parodontaux
  • Si elle n’est pas suivie rigoureusement, la récidive de la pathologie est inévitable


Un prélèvement au microscope montre une très nette diminution de la flore pathogène et de son activité (fig. 6)


Fig. 6-Comparaison de la flore avant et après le traitement

Pour ce cas, une autre sonde ADN comparative a été réalisée (fig. 7)


Fig. 7-Comparaison des résultats des sonde ADN avant et après le traitement

Le résultat montre une très forte baisse du complexe rouge de Socransky chez cette patiente à risque fort. Les maintenances devront être régulièrement suivies pour éviter toute récidive.


IV. REEVALUATION A 3 MOIS (sept 2014)  

1. Le suivi de la motivation du patient à l’hygiène est extrêmement important
2. Suivant l’aspect de la gencive et la persistance éventuelle des poches inflammatoires, il est possible d’effectuer :

Pour des poches peu profondes :

  • Une PDT laser diode (tips 400µm, P 2.5W, F 6.O kHz, Ton 50 µs, Toff 117µ) sous H2O2 10 vol.
  • Une biomodulation avec le laser diode (lentille, P 4 W, F 10.0 kHz, Ton 50 µs,  Toff 50 µs, en mode défocalisé)

Pour des poches résiduelles supérieure à 5 mm :

  • Une PDT Laser diode (P 2.5W, F 6.O kHz, Ton 50 µs, Toff 117us) sous H2O2 10 vol.                                                        
  • Une micro-ablation du tissu de granulation avec un laser Erbium, (réglages pour Erbium Cr-YSGG : Tips RFPT5 ,1.5 W, 30 Hz  mode H, air 40%, eau 60%)
  • Une biomodulation au laser Diode (P 4 W, F 10.0 kHz, Ton 50 µs, Toff 50 µs, en mode défocalisé)

Une vérification bactériologique au microscope à contraste de phase qui permettra une confirmation ou une infirmation de la maîtrise de l’hygiène buccodentaire quotidienne qui reste la condition essentielle à la pérennité des résultats obtenus.


V. RENDEZ-VOUS DE MAINTENANCE TOUS LES 6 MOIS

Cette patiente est très observante au niveau de son hygiène bucco-dentaire.
Un passage des ultrasons pour éliminer les quelques spicules de tarte est suffisant, accompagné du laser Diode avec utilisation du protocole décontaminant sous peroxyde d’Hydrogène.
Une biomodulation termine chaque séance (laser Diode).


VI. CONCLUSION

Cette patiente au passé dentaire important (Paro, bridges, extractions, implants, etc. …) a été agréablement surprise des résultats obtenus avec les techniques lasers assistées.

Les interventions sont moins invasives, avec des suites opératoires peu ou pas douloureuses et une amélioration rapide grâce à la stimulation des processus de cicatrisation.

Une formation universitaire est conseillée pour une bonne maîtrise des différentes longueurs d’onde

 


Fig. 8 -Le sourire de cette patiente en décembre 2019

 

BIBLIOGRAPHIE

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9. Rey G, Missika P. Traitements parodontaux et lasers en omni pratique dentaire. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2010.
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