Traçabilité
Traçabilité des dispositifs médicaux (DM) et des dispositifs médicaux implantables (DMI) au cabinet dentaire : Contrainte ou opportunité?
Parution LS 83, Novembre 2019
Auteurs : WURTZ Aurélie, GOETZ Mélina, FORESTI Christophe
Faculté de Chirurgie Dentaire de Strasbourg,
Université de Strasbourg
8, rue Sainte Elisabeth, 67000 Strasbourg – France
Hôpitaux Universitaire de Strasbourg (HUS)
Pôle de Médecine et Chirurgie bucco-dentaire
1 place de l’Hôpital, 67000 Strasbourg – France
Le Ministère de la Santé a édité dans le Guide de Prévention des Infections liées aux Soins en Chirurgie Dentaire et en Stomatologie un paragraphe concernant la traçabilité du processus de stérilisation énonçant : « la traçabilité permet de faire le lien entre un dispositif médical, un cycle et un patient. Elle doit être effectuée pour chaque cycle de stérilisation. L’étiquetage des dispositifs, la constitution d’un dossier de traçabilité et l’archivage de tous les cycles quotidiens accompagnés de leurs tests effectués en routine sont nécessaires pour assurer la traçabilité. » La traçabilité des DM et DMI est une donc obligation légale dans un cabinet dentaire.
Cependant, pour de nombreux praticiens, le processus à mettre en place apparait souvent compliqué, fastidieux et source de perte de temps compte tenu des nombreux DM à tracer au quotidien ; puisque peu de praticiens la pratiquent, pourquoi s’en formaliser ?
Mais en tant que patient, n’est-il pas légitime de s’interroger si les instruments utilisés pour nos soins ont bien été stérilisés, que l’autoclave est régulièrement révisé et qualifié ?
Il est donc recommandé de suivre les procédures décrites car elles peuvent faire référence en cas de litige.
La maîtrise de la traçabilité des DM en stérilisation permet de réaliser deux types de recherche. La traçabilité ascendante permet de retrouver les DM qui ont servi à opérer un patient, alors que la traçabilité descendant permet de retrouver les patients opérés avec un DM donné.
Cette traçabilité descendante et ascendante est très facile à mettre en place en prenant de simples mesures d’organisation reproductibles.
Il suffit pour cela de s’équiper d’un moyen de marquages des DM connecté à un autoclave, d’un moyen de lecture des DM marqués connecté à un logiciel informatique compatible dans la salle de soin ainsi que d’un contrat de service avec une société habilitée à réviser, réparer et qualifier régulièrement son autoclave de classe B.
Fig. 1 : Imprimante connectée au stérilisateur délivrant des étiquettes code barre lues par une douchette 2D
Fig. 2 : Exemple de contrat de maintenance de l’autoclave
Les étapes de la traçabilité descendante sont alors les suivantes :
• En stérilisation
La date et le numéro de cycle des tests à vide et Hélix sont tracés chaque jour. Les tests Hélix sont à répertorier dans le classeur.
A la fin d’un cycle de stérilisation «Prion », lorsque celui-ci est validé par l’autoclave et que la charge contrôlée par l’assistante, le nombre d’étiquettes code-barres correspondant au nombre de sachets de stérilisation présents dans l’autoclave est édité. Une étiquette est collée sur chaque sachet.
Les paramètres du cycle de stérilisation sont quant à eux automatiquement stockés sur la clef USB de l’autoclave ou sur le Cloud du fabricant pendant 22 ans. L’ensemble de ces données doit être conservé au moins 5 ans [6]. L’Ordre National des Chirurgiens-Dentistes recommande d’observer une période de conservation de 20 ans.
Fig.3 : Exemple de cahier de traçabilité de stérilisation
• En salle de soin
Le praticien affiche le dossier informatique de son patient. Le marquage du DM utilisé lors du soin est alors scanné avec le lecteur connecté à l’ordinateur permettant ainsi l’enregistrement des informations dans le logiciel au sein de la fiche patient dans la rubrique traçabilité. (fig. 4)
Fig.4 : Etiquettes code-barres imprimées, apposées sur le DM puis scannées via la douchette 2D permettant ainsi l’archivage de la traçabilité dans le logiciel informatique
En cas de contrôle ou d’une demande d’un patient, le cabinet dentaire va devoir procéder à la traçabilité ascendante, à savoir :
• Date des soins du patient
• Edition du numéro du code-barre des DM stériles lors de chaque soin de ce patient ou du QR code des DMI.
• Lien entre ce numéro code-barre et les paramètres du cycle de stérilisation (conservé sur la clef USB, l’informatique du cabinet ou sur le Cloud externalisé du fabricant) qui prouve que les DM utilisés ont bien été stérilisés.
• Lien pour les DMI avec le nom du fabricant, n° de lot, date de fabrication du DMI .
Ce premier niveau de traçabilité permet d’établir le lien direct entre le patient, le numéro de cycle de stérilisation et le DM/DMI.
Mais il existe un deuxième niveau d’obligation pour le cabinet qui consiste à prouver que l’autoclave fournit un cycle Prion conforme. C’est pourquoi, il est préférable de tracer la maintenance, les réparations de son autoclave ainsi que la qualification et les requalifications de celui-ci.
Il est donc judicieux d’établir dès l’acquisition d’une autoclave un contrat d’entretien et de maintenance préventive et curative intégrant la qualification à l’installation et les requalifications périodiques. Certains fabricants intègrent ce service dans la location mensuelle.
Le cabinet doit également tenir à jour dans un classeur de supervision de l’autoclave répertoriant les documents nécessaires.
Fig. 5 : Documents à répertorier dans le cahier de supervision de l’autoclave
Aujourd’hui, le cycle de la chaine de stérilisation est parfaitement défini, nos outils sont de plus en plus performants (bac de prétrempage, autoclave, cuve à ultrason, laveur-desinfecteur, automates de nettoyage des PID…), et nous avons de multiples options qui s’offrent à nous pour mettre en place une traçabilité inhérente à nos cabinets dentaires. Cependant, il subsiste toutefois trois écueils et non des moindres.
Fig. 6 : Traitement des dispositifs médicaux réutilisables
Le premier écueil est l’interconnexion de tous ces outils : ont-ils été conçus pour travailler efficacement ensemble ? Manque-t-il des étapes à nos traitements pour en garantir le résultat ?
En effet, il existe une multitude d’outils de traçabilité présents sur le marché. En matière de de marquage, on retrouve les étiquettes code-barre, datamatrix et puces RFID.
La puce RFID semble être le système le plus perfectionné mais elle présente des inconvénients : un coût d’utilisation élevé, une immobilisation de l’instrument longue durant le marquage et des interférences si il y a trop de puces RFID au même endroit.
Les codes-barres 1D tendent à disparaître car ils ne permettent pas le stockage de suffisamment d’informations pour être adaptés au contexte de traçabilité des DM.
Ainsi, la symbolisation sous forme de codes-barres en 2D (Datamatrix) est un bon compromis tant au niveau fiabilité que coût d’utilisation.
Ces marquages peuvent être lus par des lecteurs fixes, lecteurs de présentation type douchette, lecteurs sans fil mobiles. Le choix d’un moyen de lecture repose sur un taux de lecture élevé (lecture nette sans entrainer d’erreur), une vitesse de lecture la plus rapide possible et le coût (le coût des lecteurs à une dimension est moins onéreux que celui des codes en deux dimensions et puces RFID).
Une fois les marquages scannés, les informations sont intégrés dans un logiciel. Il serait souhaitable que le logiciel de traçabilité soit facile d’utilisation, de grande capacité d’archivage et polyvalent ce qui signifie qu’il doit avoir la capacité à tracer la procédure de stérilisation et les DM, mais également avoir la possibilité de tracer les DM selon la méthode choisie que ce soit à l’instrument ou au contenant et enfin avoir une compatibilité avec toutes les symbolisations des DM. Il doit fournir également un historique disponible à tout moment du processus et peut faire partie intégrante d’un logiciel de gestion globale du cabinet dentaire. Ainsi le personnel n’aura qu’une seule plateforme à appréhender facilitant les procédures de standardisation.
Le deuxième écueil est de quantifier au plus juste, le nombre de matériel disponible de la simple cassette d’examen aux instruments rotatifs permettant d’assurer le flux d’utilisation en fonction de son exercice.
De plus, il est conseillé d’identifier des charges standards reproductibles pour simplifier l’identification des instruments utilisés avec la méthode du travail au contenant (conteneur, caissette et trays).
Le troisième écueil est la date limite d’utilisation (DLU) des sachets qui est fixée automatiquement à 1 mois. Même si ces DLU ne font pas l’objet d’une obligation de traçabilité, il n’en demeure pas moins qu’en fonction de la rotation des instruments dans le cabinet dentaire, certains DM peu utilisés, doivent au-delà de la DLU reprendre le cycle complet de la chaine d’hygiène ce qui représente une contrainte supplémentaire difficile à gérer au quotidien et un énorme surcroit de travail pour nos assistantes.
Cette problématique peut être résolue en fixant une DLU maximale aux instruments et diminuer ainsi la rotation des traitements. Pour ce faire, il suffit de se référer à la grille de points ci-dessous permettant le mode de calcul des DLU en fonction de différents paramètres.
L’emballage primaire (sachet papier /plastique) et le lieu de stockage dans la salle de soins attribuent le score de 130 points, ce qui correspond à une durée de validité de l’état stérile de 2 mois.
En organisant simplement salle de soin ou son espace de stérilisation de façon à ce que les sachets soient placés dans une armoire fermée et régulièrement entretenue la DLU passe à 3 mois.
En protégeant les sachets stériles lors de leur transport dans un bac clos la date est de un an ; ce qui rend alors accessible à tous le travail « tout sous sachet ».
Tableau 1 : Nombre de points attribués au DM selon les modes de conditionnement et les conditions de stockage
Tableau 2 : Barème associant le nombre de points et la durée limite de validité de l’état stérile
La traçabilité des DM, DMI ainsi que la DLU des instruments dentaires stériles reste un véritable challenge dans un cabinet dentaire au vu des exigences réglementaires et d’organisation générale. La traçabilité reproductible procure au cabinet dentaire une sécurité des pratiques envers les patients, une sécurité juridique mais aussi une analyse détaillée des procédures de nettoyage : il s’agit d’un réel bénéfice pour les patients et l’équipe du cabinet.
Ainsi, afin de travailler sereinement et permettre à toute l’équipe soignante de dédier le maximum de son temps aux soins de nos patients, il est nécessaire rester critique et évolutif sur ses pratiques pour discerner les écarts et améliorer les procédures.
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BIBLIOGRAPHIE
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5. Direction Général de la Santé (DGS), Ministère de la Santé. Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie.2006
6. Goullet D, Deweerdt C, Valence B, Calop J. Fiches de stérilisation. Hygiènes 1993, mise à jour en 2003. Accessible sur : https://www.sf2s-sterilisation.fr/wp-content/uploads/2016/08/fichesterilisation-hygiene_2003-1-2.pdf
7. ONCD (Ordre National des Chirurgiens-Dentistes). Accessible sur : http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/actualites/annee-en-cours/actualites.html?tx_ttnews%5Btt_news%5D=576&cHash=2bb1d6461d8350827740c8dd53861ed8
8. Rocher P. Les tests de routine des autoclaves. L’information Dentaire 2016;4:26-27.
9. Rocher P. Qualification et requalification de vos autoclaves. L’information Dentaire 2015;40:26-27.
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11. Association dentaire française (ADF). Grille technique d’évaluation pour la prévention des infections associées aux soins.2015
Nos remerciements à Christophe B.