Reconstruction verticale et horizontale à la mandibule postérieure 

Nouveau protocole biologique et chirurgical pour la simplification de la régénération osseuse en mandibule postérieure.

 

Auteurs : Dr Jérôme Surmenian,  Dr Joseph Choukroun - Parution LS 75, anciennement La Lettre de La stomatologie, Septembre 2017

Correspondance :

Dr Jérôme Surmenian, 23 rue Alphonse Karr, 06000 Nice, France. E-mail : surmenianjerome@yahoo.fr

 

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Résumé :

La régénération osseuse en mandibule postérieure est un acte hors du commun qui requiert un large prélèvement osseux autogène et qui implique aussi une forte technicité concernant la manipulation des blocs osseux ainsi que des tissus mous pour la fermeture passive du site.

Nous présentons dans cet article un nouvel abords biologique et technique qui permet de largement simplifier l’acte chirurgical en mandibule postérieure. Ainsi nous occultons désormais le recours à l’os autogène et nous introduisons une nouvelle manière d’aborder les déplacements des tissus mous en toute sécurité.

 

La régénération osseuse en mandibule postérieure est une intervention chirurgicale complexe qui requiert classiquement un prélèvement osseux autogène intra-oral au niveau de l’angle mandibulaire, voire même extra-oral (iliaque ou pariétal). Différentes techniques ont été proposées, la greffe en onlay avec des résorptions assez importantes, et la technique du coffrage décrites par Tessier et reprise ensuite par Khoury. Ces techniques de manipulations osseuses sont bien décrites et fiables, mais elles restent réservées à un public averti et engendre des interventions relativement lourdes pour les patients. Le clinicien doit également faire face aux techniques de déplacement tissulaire afin de pouvoir refermer le site opératoire sans tension. Ce geste de dissection est classiquement réalisé au niveau vestibulaire, mais aussi il doit être fait au niveau du lambeau lingual afin de pouvoir déplacer coronairement les deux lambeaux (vestibulaire et lingual) 2,3. Cette gestion tissulaire permet ainsi de maintenir la ligne de suture sur la crête, précisément là où l’incision crestale initiale a été réalisée. L’approche conventionnelle du déplacement tissulaire implique une incision du périoste, avec des risques qui sont inhérents à toute incision : possible lésion des structures anatomiques adjacentes, risque de perforation des lambeaux, et pour finir risque vasculaire et donc hémorragique. C’est pourquoi la régénération mandibulaire postérieure n’est pas une chirurgie à la portée de tous.

Nous proposons une nouvelle approche qui va satisfaire à tous les prérequis chirurgicaux, mais simplifiée par des protocoles minimalement invasifs : Fast-System, Soft-Brushing, Sticky Bone et A-PRF, sutures en matelassier apical, aboutissant à l’abandon des prélèvements autogènes au profit d’une ROG réalisée avec de l’os allogenique cortico-spongieux. Ces protocoles, qui respectent les fondamentaux biologiques tissulaires, ont été développés dans une volonté de simplification et proposent une chirurgie sécurisée en diminuant les incisions, et minimalement invasive en occultant le recours à l’os autogène.

 

  1. Le Fast-System (Tous les Biomateriaux.com) :

Il s’agit d’un système utilisant une plaque en titane de grade 2 (non ostéointegrable) maintenue par deux vis qui va servir à créer un espace biologique « dénué de toute pression ». L’absence de pression est la condition obligatoire pour la promotion de l’angiogenèse. La régénération osseuse s’en trouve ainsi favorisée4. Cette plaque va aussi servir à protéger le greffon des pressions verticales nocives dans les zones postérieures.

La plaque est ajustée uniquement en vertical et elle ne réalise pas de coffrage horizontal (Fig.1). Le maintien de l’espace vertical va autoriser une formation osseuse rapide, verticale et horizontale (Fig.2), faisant perdre tout l’intérêt lié aux complexes techniques de coffrage.

Fig. 1

Fig. 2

 

  1. Gestion des tissus mous : Le Soft Brushing (Fig.3) :

 

Préparation du lambeau vestibulaire :

Un des éléments clés de la reconstruction osseuse est l’obligation d’obtenir un relâchement suffisant des lambeaux pour une fermeture sans tension. La seule solution connue à ce jour est l’incision du périoste vestibulaire. Cette incision est efficace mais elle est redoutée par certains en raison de la proximité de l’émergence du nerf mentonnier.

Le périoste incisé (partie fibreuse du périoste) est tout simplement une membrane de collagène (comme tous les tissus fibreux du corps humain et notamment la peau). Cette rigidité est due à la cohésion des fibres de collagène induite par l’élastine et les protéoglycanes5. L’idée retenue est donc simple : séparer les fibres en rompant les ponts d’élastine par des instruments adaptés. C’est la technique du Soft Brushing : brosser sans traumatisme le périoste afin d’allonger le lambeau, sans incision. Le brossage est réalisé avec des instruments non-tranchants, de différentes tailles (ST-UP™ Process for PRF, Nice, France). La laxité obtenue est réellement impressionnante, sans rupture vasculaire et permet de fermer à toutes occasions les lambeaux.

Préparation du lambeau lingual :

Au niveau lingual, il s’agit de séparer les fibres du muscle mylo-hyoïdien du lambeau lingual par un mouvement de brossage de la face interne de ce lambeau. Ceci nous permet d’obtenir facilement 20mm de laxité du lambeau (Fig.4 et 5).

Fig. 4

 

Fig. 5

Cette procédure se réalise en toute sécurité, l’instrument étant non tranchant il n’y a donc pas d’incision des fibres musculaires qui sont ancrées au niveau du lambeau lingual, c’est un simple brossage qui va servir à délicatement séparer les fibres musculaires du muscle mylo-hyoïdien du lambeau lingual. Au niveau vestibulaire, ces mêmes instruments vont venir brosser le périoste afin de désorganiser sa structure collagénique dans un mouvement apico-coronal.

  1. Preparation du « Sticky Bone Allogenique » :

La non-mobilité des granules lors de la ROG est un facteur primordial de la revascularisation rapide du greffon. La technique du A-PRF liquide permet d’obtenir très simplement un greffon solide par mélange des granules avec le A-PRF liquide (Obtenu après 5mn seulement de centrifugation). Le liquide coagule en quelques secondes à quelques minutes et permet de modeler la forme du greffon par compaction avec un instrument ad-hoc. En même temps, le greffon se retrouve mélangé à la fibrine et aux fractions cellulaires du A-PRF (plaquettes et leucocytes). Le greffon est placé dans la zone à reconstruire et moulé à la forme désirée.

  1. Les sutures en matelassier apical

La non-mobilité des lambeaux va également être une condition obligatoire pour l’angiogenèse rapide. Pour immobiliser les lambeaux de manière durable, la suture en matelassier apical est aujourd’hui la technique la plus adaptée et la plus efficace : Les points sont très profonds, à au moins 1 cm de la berge du lambeau (Fig.6). Ces sutures sont réalisées au moyen d’un monofil résorbable de longue durée (1 mois environ). C’est la présence tardive des sutures qui permet de maintenir les lambeaux immobiles pendant plusieurs semaines, évitant à coup sûr toute exposition de la plaque ou des vis.

Fig. 6

Cas Clinique :

Mme D. nous a été adressée pour la réhabilitation osseuse et implantaire du secteur 3. Le scanner initial met en évidence une atrophie osseuse sévère avec perte osseuse verticale et horizontale (Fig.7). Une chirurgie d’augmentation osseuse en 3 dimensions a été programmée afin de recréer le volume osseux nécessaire à la pose des implants.

Fig. 7

Une incision crestale est réalisée de la partie postérieure de la mandibule jusqu’à la face distale de la canine, puis une incision de décharge est réalisée en mésial de celle-ci. Au niveau lingual l’incision est poursuivie jusqu’à l’incisive latérale. Ensuite classiquement un lambeau de pleine épaisseur est décollé.

Le lambeau lingual est préparé par Soft-Brushing comme décrit précédemment, et nous pouvons observer l’étirement des fibres musculaires qui sous l’effet du brossage se sépare délicatement du lambeau lingual (Fig.8). Une fois le brossage terminé, nous n’observons plus de fibres musculaires au niveau de la face interne du lambeau, et 15-20mm de laxité sont obtenus facilement (Fig.9).

Le Fast-System est mis en place, et il est recouvert par le Sticky Bone Allogenique (Allodyn, Osteopure, Clermont-Ferrand) (Fig.10). Le site est ensuite recouvert de membrane de A-PRF puis des sutures hermétiques sont réalisées en 2 plans : des matelassiers apicaux en profondeur et un surjet passé sur la crête (Fig.11).

Fig. 8

Fig. 9

Fig. 10

Fig. 11

A 3 mois post-opératoire, un Cone Beam de contrôle met en évidence une augmentation osseuse horizontale et verticale (Fig.12). La chirurgie de réouverture a été programmée, et après une incision crestale la plaque de titane du Fast a été mise en évidence (Fig.13) et nous pouvons objectiver la régénération osseuse en 3 dimensions avec une densité permettant la pose des implants à 3 mois postopératoire (Fig.14). 2 implants de type tissu-level de 4x10mm (Anthogyr TL, Sallanches) ont été posés dans cette nouvelle crête osseuse (Fig.15).

Fig. 12

Fig. 13

Fig. 14

Fig. 15

 

Conclusion :

La simplification de l’approche chirurgicale de le régénération osseuse en mandibule postérieure implique néanmoins l’application de protocoles stricts : maintenance de l’espace par une structure rigide (plaque en titane) ; Greffons osseux allogeniques sous forme de Sticky Bone pour la stabilisation des granules et pour l’apport biologique du A-PRF ; Gestion des tissus mous par la technique du Soft-brushing qui occulte le recours à l’incision du périoste, maintenant ainsi l’intégrité de son apport vasculaire ; Déplacement coronaire du lambeau lingual par Brushing du mylo-hyoïdien. Évidemment, le site devra être suturé passivement, mais la suture devra immobiliser totalement les lambeaux grâce aux matelassiers apicaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Références:

1. Depeyre ATouzet-Roumazeille SLauwers LRaoul GFerri J. Retrospective evaluation of 211 patients with maxillofacial reconstruction using parietal bone graft for implants insertion. J Craniomaxillofac Surg. 2016; 44: 1162-9.

2. Ronda M, Stacchi C. Management of a coronally advanced lingual flap in regenerative osseous surgery: a case series introducing a novel technique. Int J Periodontics Restorative Dent. 2011; 31: 505-13

3. Tinti C, Parma-Benfenati S. Vertical ridge augmentation: Surgical protocol and ret- rospective evaluation of 48 consecutively inserted implants. Int J Periodontics Restorative Dent 1998;18:434–443.

4. Mammoto A1, Connor KM, Mammoto T, Yung CW, Huh D, Aderman CM, Mostoslavsky G, Smith LE, Ingber DE. A mechanosensitive transcriptional mechanism that controls angiogenesis. Nature. 2009 Feb

5. Jacquemoud C. Mechanical characterization and behavioural modelling up to rupture of fibrous biological membrane. Thesis 2007 : Institut National des Sciences Appliquées.


 


 

Figures

Figure 1 : Le Fast-System est une plaque en titane qui est ajustée uniquement en vertical pour la régénération osseuse en 3 dimension (Fast-System, Process, Nice).

Figure 2 : Cone Beam de contrôle à 4 mois post-opératoire avec mise en évidence de la reconstruction horizontale et verticale avec le Fast-System.

Figure 3 : Soft Brushing Kit avec différentes tailles et angulations pour l’accessibilité.

Figure 4 : Brossage de la face interne du lambeau lingual avec l’instrument ST-UP. Les fibres du mylo-hyoïdien sont étirées et détachées du lambeau lingual par le mouvement du Brushing (ST-UP, Process, Nice).

Figure 5 : 20mm de relaxation du lambeau lingual peuvent ainsi facilement être obtenu par le Soft-brushing Lingual.

Figure 6 : Description du point matelassier apical afin d’obtenir une immobilisation totale du lambeau.

Figure 7 : Cone Beam initial mettant en évidence une atrophie mandibulaire sévère. Notez la proximité de l’émergence du mentonnier.

Figure 8 : Soft-Brushing du lambeau lingual afin de séparer l’insertion des fibres du mylo-hyoïdien.

Figure 9 : Relâchement du lambeau lingual qui permettra de recouvrir le greffon passivement.

Figure 10 : Sticky Bone Allogenique avec du A-PRF recouvrant la plaque en titane du Fast-System (Allodyn, Osteopure, Clermont-Ferrand).

Figure 11 : Le site est suturé avec un mono filament resorbable (Glycolon, Resorba). En profondeur se trouvent les matelassiers apicaux pour charger le lambeau et l’immobiliser complètement.

Figure 12 : Cone Beam de contrôle à 3 mois post-opératoire et objectivation de la régénération osseuse verticale et horizontale par le simple maintien de l’espace vertical du Fast-System.

Figure 13 : Réouverture du site à 3 mois post-opératoire. La plaque a bien protégé l’espace et a promue une belle cicatrisation osseuse.

Figure 14 : Mise en évidence de la nouvelle crête à 3 mois postopératoire.

Figure 15 : Pose de 2 implants de type tissue-level (Anthogyr 4x10mm).

 

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