Rétrospective de 20 ans d'implantologie dentaire

Nouvel article de la rubrique SICT mieux - Parole au Dr Cédric Boileau

 

Ces protocoles, techniques, matériels et matériaux que nous avons délaissés au profit de…

 

Auteur : Dr Cédric BOILEAU


Pour le 6 ème volet de cette rubrique, j’ai sollicité un praticien niçois expérimenté en implantologie et dont j’ai fait la connaissance via nos réseaux sociaux professionnels. J’ai en commun avec Cédric BOILEAU d’avoir débuté ma pratique implantaire sous l’impulsion et l’influence de Gérard SCORTECCI. En marge de ses diplômes, Cédric fait montre régulièrement d’une intelligence d’esprit qui lui fait appréhender ses cas implantaires non pas de façon scolaire mais avec un sens pratique qui lui a permis de se détacher avec le temps de certains enseignements sans fondements scientifiques ou pour le moins obsolètes, tels que je les dénonçais officiellement moi-même en 2016 *. *LE BON SENS CLINIQUE ENVERS ET CONTRE LES DOGMES INSTITUTIONNELS  Le Dentoscope, 04 Nov 2016 ; p 12-28

 

 

 

La vie d’un homme est faite de rencontres…


Lorsque j’ai commencé l’implantologie au début des années 90, fraîchement diplômé, j’ai eu la chance de rencontrer un pionnier de l’implantologie, qui avait déjà une vingtaine d’années d’expérience dans ce milieu : le Docteur Gérard Scortecci.
Le compagnonnage, la disponibilité et la bienveillance qu’il m’a accordés m’a permis de me rassurer et de m’épanouir dans cette nouvelle discipline.
C’est tout naturellement que j’ai commencé mes premiers cas avec le système qu’il avait mis au point : les implants structures® à insertion axiale et les disk-implant® à insertion latérale.


Photo de mon 1 er cas d’implantologie en 1993, publié dans Implants and Restorative Dentistry, p311, Editions
Martin Dunitz, 2001

 

1993, 2000

 


2020


Quelques années plus tard, je passais mon DU d’implantologie sous sa responsabilité.
L’enseignement de ce DU à Nice fût d’une qualité remarquable avec des intervenants comme Carl E Misch, Patrick Missika, , Philippe Leclercq, Robert Fromental,Patrick Palacci…etc et bien sûr Gérard Scortecci.
Le sujet de mon mémoire était « Extraction implantation immédiate avec le système structure ». Pendant cinq ans, j’ai utilisé les implants Bone Level à surface lisse et hexagone externe de la marque Victory Implant (Structure® et Disk Implant).Très vite la chirurgie en deux temps chirurgicaux ne me posait plus beaucoup de problèmes.
J’avais parfois quelques difficultés à avoir une stabilité primaire de l’implant que je compensais par un implant de plus gros diamètre sans reforage (Implant Helper).
Exemple : pour la pose d’un implant de diamètre 3.8,si l’on n’obtenait pas de stabilité primaire, on posait un implant de diamètre de 4.5 de même longueur sans reforage En revanche, le deuxième temps chirurgical était parfois très difficile parce que souvent l’os avait cicatrisé au- dessus de la visse de couverture, ce qui nous obligeait à fraiser l’os. Cette nouvelle intervention était souvent très mal perçue par le patient qui ne pensait pas subir à nouveau une chirurgie.
Lorsque je fis mon post-graduate à New-York en 1998, je fus amené à rencontrer des confrères français qui commençaient à utiliser l’implant Serf EVL et qui en étaient très satisfaits.
Cet implant était à l’époque très en avance sur son temps :
- Utilisation en un temps chirurgical grâce à l’extraction de l’anneau esthétique ou en deux temps chirurgicaux en laissant cet anneau (Bone Level ou Tissue Level)
- Surface rugueuse de l’implant
- Stabilité primaire de l’implant accru grâce à un pas de vis à filet d’artillerie
- Connexion interne de 1,2 mm par hexagone évitant les dévissages intempestifs


1er Cas clinique
Extraction, implantation, mise en charge immédiate d’unitaire chez une femme de 35 ans fumeuse ayant subi un traumatisme dentaire.
Rétro-alvéolaire 2005

 

Provisoire d’extraction implantation MCI à 5 mois post-op


Céramique d’usage sans l’anneau esthétique

12 ans post-opératoire 2017 avant le décès de la patiente


Discussion:
Aujourd’hui j’utilise les EVL K cylindro-conique uniquement pour les MCI je place le col lisse de l’implant légèrement sous créstal ,l’implant est torqué entre 80 &120 nwt, la prothèse provisoire est réalisée sur faux moignon du commerce et rebasé sur une
réplique au flow (Fig 1& 2 )


Fig1


Fig2

2 éme cas clinique
Patient de 42 ans présentant une parodontose terminale, gros fumeur, phobique du dentiste, habitant dans une autre région.
Le plan de traitement réalisé pour ce patient est : extractions, implantation, comblement, empreinte MCI pour 6 mois, nouvelle empreinte directe implant pour la réalisation de 6 unitaires (13à 23) sur des faux moignons zircone et de 2 bridges 14 à 16 et 24 à 26.
7 ans plus tard le bas a été réalisé, alors qu’il devait être fait dans la foulée du haut, les 2 interventions ont été réalisées sous sédation consciente avec un anesthésiste.

 

Provisoire de 8 dents mise en place pendant 4 jours scellée sur 3 faux moignons provisoires

4 jours post-opératoire MCI

 

Après vissage de la prothèse transitoire de 12 dents sur 10 implants

 

6 mois post-opératoire


Démontage des piliers et empreinte directe implant, pour la réalisation de 10 faux moignons

 

3 ans post-opératoire


Malgré les conseils et l’investissement, Il faut noter le manque d’hygiène du patient !!

 

Panoramique 7 ans post-opératoire avant la MCI du bas et la dépose de l’implant en 26

Extraction, implantation mise en charge immédiate, provisoire de confort de 8 dents sur 2 faux moignons pendant 4 jours.

 

Provisoire avec une armature trans-vissée de MCI sur 6 implants, les 2 autres implants sont mis en nourrice .
Une adjonction de composite flow de forme ovoïde a été réalisé au niveau des pontiques pour permettre une cicatrisation des alvéoles extractionnelles qui préfigurera le berceau de la future prothèse céramique.

 

Panoramique post-opératoire (4 jours) pour le bas et 7 ans pour le haut


Discussion:
Le plan de traitement initial comportait une EIMCI sur la mandibule après avoir terminé le haut avec un plan d’occlusion optimisé mais il ne l’a pas fait… La panoramique et les photographies à 3 ans post-opératoire ont été prises par un confrère, je n’ai jamais revu le patient depuis la pose de sa prothèse maxillaire.
La perte de l’implant au niveau de la 16 était prévisible, en effet une légère douleur lors du vissage du faux moignon avait été ressentie par le patient, je l’ai donc prévenu que je devrais sûrement ré-intervenir à ce niveau lors de l’intervention du bas.
Il est intéressant de noter sur ce cas que, malgré une absence d’hygiène, une parodontale terminale sur la mandibule et une absence de contrôle, aucune perte osseuse n’est apparue sur les autres implants. Je pense que dans le cas d’un all on 4 la situation aurait sûrement pris une autre tournure en terme de pérennité, pour ma part je pense que sur un patient jeune, il est important de mettre en place un minimum de 8 implants au maxillaire et de 6 implants à la mandibule pour une réhabilitation prothétique de 24 dents et 10 implants maxillaires et 8 implants mandibulaires.
En 28 ans d’implantologie, je n’ai jamais encore fait un maxillaire ou une mandibule avec moins de 6 implants.
Il est évident que dans la conjecture actuelle avec des centre low cost, de plus en plus de confrères cèdent à la tentation de proposer des réhabilitations sur peu d’implants sur des patients jeunes, mais il faut garder à l’esprit que le plus souvent ces patients n’ont pas perdu leurs dentspar hasard, ils n’ont aucune culture de l’hygiène dentaire, les forces occlusales peuvent engendrer des contraintes très importantes qui, avec le temps, vont provoquer des lyses osseuses et ou des fractures de matériel sur peu d’implants.


Conclusion:
J’ai commencé l’implantologie à une époque pendant laquelle cette discipline était encore régie par les paradigmes de la période Brånemarkienne, en vue d’obtenir l’ostéo-intégration, mais très vite au milieu des année 1990, tous ces dogmes au nombre de 9 sont devenus peu à peu obsolètes. Il reste aujourd’hui uniquement l’utilisation d’un matériau compatible et un forage atraumatique de l’os. De nos jours, de nouveaux dogmes sont apparus :
-la prothèse doit être trans-vissée
-le torque des implants lors de la pose ne doit pas dépasser 50nwt
-ne pas utiliser de gros diamètre…etc.
alors qu’à ma connaissance, aucune étude randomisée n’a été faite pour apporter la preuve scientifique sur ces affirmations. Il faut croire que l’homme a besoin de dogmes pour se sentir rassuré…
Le plus important dans notre discipline est la satisfaction du patient ainsi que la pérennité de nos restaurations.
« L’intelligence, ça n’est pas ce que l’on sait mais ce que l’on fait quand on ne sait pas »
Jean Piaget

 

Bibliographie:
Scortecci/Mich/Benner
Implant and restorative dentistry
Edition martin Dunitz 2001


Davarpanah /Szmukler-Moncer
Théorie et pratique de la mise en charge immédiate
Quintessence international 2007


Brånemark/Zarb/Albrektsson
Prothèses ostéo-intégrées
L’ostéo-intégration en pratique clinique
Edition CdP Paris 1988


Zuffetti/Capelli/Galli/Del Fabro/Testori
Post-extraction implant placement into infected vs non infected sites :A multi center
rétrospective clinical study
Cin Implant Dent Relat Res 2017


Bakouche Dan
La prothèse transitoire supra-implantaire au service des tissus mou en zone esthétique
Thése Nice 2020 n°42-57-20-08


Tarnow/Elian/Fletcher
Vertical distance from the crest of bone to the height of the interproximal papilla between
adjacent implants
J Periodontal 2003


Nordland/Tarnow
A classification system for los of papillary height
J Periodontal 998


Boileau Cédric
Extraction implantation immédiate avec le système Structure
Diplôme Universitaire d’Implantologie 1997 N°97.09.D06