A propos d’un cas d’extraction implantation, avec mise en charge immédiate

LS 67

Auteur : Dr Luigi BERTAUD

Au niveau du secteur antéro maxillaire, ou les contraintes de temporisation et les impératifs esthétiques sont majeurs, le protocole d’extraction implantation avec mise en charge immédiate (EIMCI), doit être discuté à chaque fois que le remplacement d’une racine naturelle par une racine implantaire est envisagé. Un cas pratique qui nous montre l’intérêt et les diffucultés de cette méthode.


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A PROPOS D’UN CAS D’EXTRACTION IMPLANTATION, AVEC MISE EN CHARGE IMMEDIATE


 

Dr Luigi Bertaud – Chirurgien-dentiste. Ancien Interne.

28 rue Baudot. 97100 Basse-Terre.


 

INTRODUCTION :

Les protocoles standards de l’implantologie axiale, imposent historiquement le respect des délais biologiques de cicatrisation, et donc la segmentation des traitements en phases distinctes. Une fois l’extraction réalisée, un délai moyen de 3 mois est classiquement respecté avant l’implantation. Une fois en place, l’implant est laissé en nourrice 3 mois supplémentaires minimum, avant de procéder à sa mise en fonction, à l’empreinte, puis à la pose d’une prothèse d’usage. Un temps de traitement au moins égal à 6 mois est prévisible, lorsque la dent à remplacer est encore présente et à extraire. Au niveau du secteur antéro maxillaire, ou les contraintes de temporisation et les impératifs esthétiques sont majeurs, le protocole d’extraction implantation avec mise en charge immédiate (EIMCI), doit être discuté à chaque fois que le remplacement d’une racine naturelle par une racine implantaire est envisagé. Un cas d’EIMCI va être présenté, afin de cerner les avantages et les difficultés techniques de cette procédure devenue courante dans les cas unitaires en secteur esthétique.


 

PRESENTATION DU CAS CLINIQUE :

Mr L. 28 ans, se présente à la consultation, pour avis, concernant son incisive centrale, maxillaire droite, origine d’une douleur à la mastication, de survenue récente, et brutale.

L’anamnèse dentaire rapporte un antécédent de trauma buccal, avec fracture amélo dentinaire de 11 et 21, remontant à 2 ans avant sa date de consultation.

L’examen clinique montre fêlure fracture longitudinale de la 11, et une 21 restaurée au composite, avec préservation de la vitalité pulpaire, et une 11 légèrement mobile, sensible à la percussion. Une coloration sombre de la muqueuse alvéolaire, en regard de la région apicale de 11, est également observée.

L’examen radiographique précise le niveau de fracture sur 21, et montre un traitement endodontique de la dent 11, ainsi qu’un antécédent de résection de l’apex de cette même dent.

Les photographies relatives à la prise en charge qui a suivi le traumatisme ont pu être récupérées auprès du praticien, et ont permis avec l’aide du patient, de reconstituer l’historique de ce secteur.

Suite au traumatisme initial, il semblerait qu’une reconstitution directe en résine composite ait été réalisée. Quelques mois plus tard, des signes infectieux ont poussé M. L à consulter de nouveau. Un traitement endodontique a été réalisé classiquement, secondairement au diagnostic de nécrose avec apparition d’une lésion apicale sur 11. Le dépassement de pate d’obturation dans le péri apex, associé à des douleurs aigues et persistantes, ont amené le praticien à réaliser une chirurgie apicale sur 11. La racine naturelle de cette dent a été fracturée 2 ans plus tard, à la mastication.

  1. Lésion apicale sur 11.

  2. Traitement endodontique par voie orthograde.

  3. Obturation radiculaire.

  4. Cliché post traitement endodontique.

  5. Chirurgie apicale.

  6. Fermeture.

  7. Cliché post chirurgie apicale.

PROBLEMES POSES PAR LA PROCEDURE CLASSIQUE EN TEMPS SEPARES :

Plusieurs études témoignent d’une résorption post extractionnelle, significative et précoce.(1) pouvant compliquer la gestion esthétique du secteur antérieur. En effet, la fonte osseuse peut atteindre 50% dans le sens de l’épaisseur de la crête, et se produire dès les trois premiers mois de cicatrisation.

Le secteur antéro-maxillaire, avec sa fine table externe, est particulièrement concerné par cette diminution de volume, et par ses conséquences esthétiques :

  • Concavité vestibulaire, et donc préjudice esthétique en termes d’harmonie des volumes avec les dents adjacentes, et troubles liés au naturel de l’émergence de la prothèse.

  • Diminution du volume et du niveau d’attache des papilles, et donc préjudice esthétique, (triangles noirs) et fonctionnel à l’élocution.

  • Effondrement du volume crestal dans le sens vertical, et donc augmentation de la hauteur de la couronne clinique.


 

La temporisation est également problématique, et néanmoins indispensable à ce niveau :

  • Prothèse amovible. (Difficulté psychologie d’intégration, esthétique parfois peu satisfaisante, difficultés fonctionnelles.)

  • Prothèse collée. (Impose le collage aux dents adjacentes, avec nécessité de dépose et recollage au 2ème temps, à la réalisation de l’empreinte, et dépose finale le jour de la pose.)

PRINCIPE ET INTERET DE l’EIMCI :

Dans le cas de l’EIMCI, l’avulsion de la dent condamnée, est immédiatement suivie de l’implantation. Elle a lieu en tenant compte des impératifs prothétiques, et non du volume anatomique disponible. Le volume « utile » doit donc être favorable, et implique de savoir reconnaitre les contre indications anatomiques locales. (Déficit osseux vestibulaire notamment.)

Une fois mis en place, un faux moignon provisoire sur lequel est rebasé (fixé) la coiffe provisoire, est transvissé directement sur l’implant. La stabilité primaire doit donc être suffisante, et on estime qu’un minimum de 40 Ncm en serrage final de l’implant doit être obtenu. (La encore, le volume osseux disponible, et notamment la hauteur « sus apicale » initiale sont des paramètres à prendre en compte.)

Au niveau fonctionnel, une sous occlusion statique et dynamique doit être observée, afin de limiter les contraintes mécaniques nuisibles.

La sélection des patients pouvant bénéficier d’une EIMCI doit donc tenir compte du niveau de coopération, ainsi que d’éventuelles parafonctions occlusales.

MISE EN ŒUVRE DU PLAN DE TRAITEMENT :

Etant donné les conditions anatomiques favorables, et le souhait du patient d’éviter une temporisation amovible, un protocole d’EIMCI est proposé, puis mis en œuvre chez ce patient.

8.Vue clinique initiale.

9.Vue occlusale, en phase d’urgence.

10. Implant Icone 50 – 15 (Medical Production.)

11. Vue occlusale post implantation. Niveau du col 3 mm sous la JAC

L’extraction- implantation avec mise en fonction esthétique immédiate améliore le maintien des papilles interdentaires, indispensable au succès esthétique final (2), tout en garantissant le confort d’une solution fixe pendant les 3 mois de la période d’ostéointégration. L’utilisation d’un pilier provisoire antirotationnel transvissé dans l’implant et noyé dans la résine d’une structure armée comportant un blocage palatin limite les risques de mobilité de l’implant et apporte ainsi une solution rapide et fiable.

12. Vue vestibulaire post implantation. 13.Vue après mise en place de la couronne transvissée.

14.Vue à + 4 mois. (Dépose de la coiffe provisoire)

15. Vue avec transfert en place.

La 21 est également préparée sur demande du patient, qui la trouve finalement inesthétique, en comparaison de la coiffe provisoire sur implant.

16.Vue avant mise en place définitive des 17. Vue occlusale avant pose. prothèses. (+ vue du moignon de 21 après dépose du composite et préparation.)

18.Mise en place du pilier transvissé. 19.Scellement des coiffes zircone-

céramique.

 

20.Cliché post extractionnel immédiat. 21.Cliché post implantation

 

22.Cliché avec coiffe provisoire en place. 23. Cliché de fin de traitement.

 

24. Vue clinique de face, à + 4 ans post pose de la coiffe sur implant.

 

25. Cliché retro alvéolaire, réalisé 4 ans après le dernier RDV.


 

CONCLUSION :

La réhabilitation de l’édentement unitaire antérieur, présente des particularités multiples, dont l’impératif d’une intégration esthétique parfaite, au sein du volume parodontal. La gestion de ces édentements nécessite une approche thérapeutique spécifique, notamment en terme chronologique. A chaque fois que la qualité et le volume du site à implanter le permettent, le protocole d’extraction implantation est à privilégier, avec mise en charge immédiate.(3) Parmi les avantages du protocole, la temporisation fixe immédiate, et donc l’absence d’impact psychologique lié à la perte d’une dent, en particulier dans ce secteur. De plus, en offrant aux tissus mous superficiels, un « conformateur » immédiatement après l’extraction, le relief papillaire, et gingival en général est préservé d’une fonte difficilement quantifiable, et parfois complexe à gérer secondairement.


 

  1. ATWOOD DA : Post extarction changes in the adult mandible as illustrated by microradiographs of mid sagittal sections and serial cephalometric toengenograms. J Prosth Dent 1963 ; 13 :810-824.


 

  1. JEMT T : Regeneration of gingival papillae after single-implant treatment. Int J Periodontics Restorative Dent 1997 Aug ; 17(4) : 326-33

  2. LEVING BP : Immediate temporization of immediate implants in the esthetic zone evaluating survival and bone maintenance. Compend Contin Educ Dent. 2011 May ; 32(4) : 52-6, 58-60,62.