Minimisation des chirurgies de reconstructions osseuses

Peut-on avec la même prédictibilité de réussite remplacer l’os autogène avec un autre biomatériau ?

 

Dr Franck Albert ZERAH
149, Avenue de Wagram
75017 PARIS
Exercice limitée à la chirurgie osseuse et implantaire

 

Auteur : Dr Franck Albert ZERAH - PARIS

Cette présentation  montre qu'aujourd'hui en respectant un cahier des charges très précis, l'os autogène peut être remplacé par un autre biomatériau, dans ce cas précis de l’os allogénique.
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Résumé

 

La perte d'os dans la cavité buccale est fréquemment un obstacle difficile à surmonter en regard d’une thérapie d'implant.
Le but de cette présentation est d'essayer de montrer qu'aujourd'hui en respectant un cahier des charges très précis, l'os autogène, considéré longtemps comme «l’Etalon or», peut être remplacé par un autre biomatériau, dans ce cas précis de l’os allogénique, avec la même prévisibilité de succès.
L’autre  intérêt consiste à démontrer que l'utilisation d'un biomatériau autre que l’os autogène permet de minimiser le fardeau de la chirurgie et réduire les suites post-opératoires

 

Introduction


La perte de substance osseuse dans la cavité buccale est très fréquemment un obstacle difficile à surmonter lorsque l’on envisage une thérapie implantaire.
La chirurgie implantaire a pendant longtemps été réalisée en fonction de l’architecture osseuse résiduelle.
L’importance de la bonne ostéointegration, la pose de l’implant dans un site osseux englobant celui-ci, a fait que ces mêmes implants ont parfois été placés dans des situations rendant la réalisation de la prothèse supra implantaire extrêmement difficile voire impossible. (fig.1)
Aujourd’hui et devant l’exigence de plus en plus importante de la part des patients nous sommes confrontés au problème suivant :
Avons-nous assez d’os résiduel pour pouvoir placer nos implants dans le couloir prothétique idéal à la réalisation d’une prothèse qui satisfera le patient ?
Malheureusement, très souvent la perte des dents, ou un traumatisme de la face, entraîne une résorption si importante qu’il n’est pas possible de répondre favorablement aux aspirations et exigences du patient sans l’apport de tissus mucco-gingivaux et osseux. (fig.2)

 

 

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Ces apports vont nous permettre de recréer une architecture osseuse et gingivale optimale et une prothèse totalement acceptable.
A partir de ces considérations le but de cet article est d’essayer de prouver que dans certaines grandes reconstructions, l’os autogène même si il semble être le plus indiqué, peut être remplacé par des matériaux qui nous donnerons la même satisfaction quant à la qualité de résultat obtenu.


Discussion


Comme vu précédemment, la perte de dents ou un traumatisme de la cavité buccale entrainent une perte de substance gingivale et osseuse, qui se révèle très souvent être un obstacle difficile à surmonter.
Cet obstacle va nous contraindre à redonner un volume et une architecture harmonieuse à l’os et ceci par l’intermédiaire de greffe osseuse associée ou non à une greffe gingivale.
Quels types de matériau pouvons-nous utiliser pour ce genre de reconstructions ? :


Il existe divers types de biomatériaux qui sont les suivants :
1/ Les matériaux synthétiques :
De type verres biologiques ou phosphates tricalciques
2/ Les xénogreffes :
On utilise le plus souvent de l’os d’origine bovine ayant subi un traitement thermique nécessaire à sa conservation.
3/ Les allogreffes :
Il s’agit d’os humain prélevé sur des patients lors de chirurgies orthopédiques.
Cet os subit divers traitements chimiques, est déminéralisé et stérilisé.
4/ L’os autogène :
Comme son nom l’indique il s’agit de l’os du patient prélevé dans différents sites, intra (Ramus ou symphyse mentonnière) (fig.3) et extra buccaux (iliaque, pariétal, ulna Proxima …) (fig.4)
Devant ces différents types de biomatériaux, une question se pose :
Quels rôles jouent ces matériaux lors de la régénération osseuse ?
Pour répondre à cette question il est bon de rappeler les trois règles d’or qui régissent la régénération osseuse :
L’ostéoinduction, l’ostéoconduction et l’ostéogénèse.
L’ostéoinduction se définit par la « création » (néoformation) d’os, dans un site qui en est dépourvu, à partir de cellules mésenchymateuses sous l’action des protéines morphogénétiques (BMP) (Urist 1965)
L’ostéoconduction se caractérise par la croissance osseuse à la surface d’un matériau ostéoconducteur, à partir de l’os environnant.
L’ostéogénèse ou résultante de deux premières actions aboutira à une croissance osseuse à partir des cellules vivantes présentes au sein du greffon.
L’os autogène, matériau vivant est le seul à être à la fois ostéogénique, ostéoconducteur et ostéoinducteur (même si la plupart des cellules transplantées meurent, faisant perdre au greffon une partie de ses propriétés ostéogéniques).
Les biomatériaux (allogreffes, xénogreffes et matériaux synthétiques) ne peuvent être qu’ostéoconducteurs, et ne sont généralement pas considérés comme ostéoinducteurs.
De cette conclusion, une question fondamentale se pose :
Comment obtenir une ostéoinduction lorsque l’on utilise un autre biomatériau à la place de l’os autogène ?
La réponse à cette interrogation est très simple :
Le seul moyen d’obtenir une ostéoinduction lors d’utilisation de biomatériaux pour une reconstruction osseuse, est d’une part de « préparer » le site receveur (au moyen de perforations intra-osseuses de ce même site) pour obtenir une libération de cellules mésenchymateuses qui accompagne le saignement de ce site, et surtout, d’essayer à chaque fois qu’il est possible de récupérer des copeaux d’os autogène dans différents sites intrabuccaux, afin de les mélanger avec le biomatériau utilisé.
A partir de ces considérations le but de cette présentation, est de démontrer qu’aujourd’hui, nous pouvons obtenir le même résultat fonctionnel et esthétique en utilisant une allogreffe à la place d’un os autogène, et ainsi minimiser la lourdeur de l’intervention chirurgicale.
En premier lieu il est bon de rappeler quelles sont les procédés de fabrications des allogreffes.
Dans les reconstructions osseuses intrabuccales, trois types d’os peuvent être utilisés :
L’os spongieux, l’os cortical et l’os cortico-spongieux.
Le choix entre les trois types se fait en fonction de l’indication d’utilisation :
Si l’on a besoin uniquement d’os « vivant », on utilisera du spongieux.
S’il est nécessaire d’avoir une stabilité du greffon le temps de son remodelage, on utilisera du cortico-spongieux, l’os cortical étant plus résistant à la résorption.
Enfin si l’on veut recréer des parois absentes, l’os cortical semble le mieux indiqué.
Les allogreffes sont prélevées sur des têtes fémorales de patients donneurs sains, découpées ou broyées, et après divers traitements chimiques entrecoupés de rinçages à l’eau purifiée, les greffons sont déshydratés au moyen d’éthanol, afin d’obtenir un produit sec, sans avoir recours à une étape de lyophilisation.
Ce traitement est réalisé suivant le procédé « OSTEOPURE » mis au point par la société « OST DEVELOPPEMENT ».
Ce procédé permet en outre, de préserver le réseau de collagène naturel de l'os qui lui donne de la souplesse et lui permet de ne pas casser comme de la craie.
Le fait de préserver ce réseau est fondamental, car il va nous permettre de manipuler par diverses retouches pour ajustage le greffon en per opératoire sans risquer un effritement ou une fracture de ce même greffon.
Les allogreffes sont ensuite stérilisés dans un emballage à usage unique. (fig.5)
L’importance de ce processus de préparation, permet d’obtenir des greffons, qui après réhydratation, sont utilisables immédiatement.


Cas clinique

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Un patient de 25 ans est adressé à mon cabinet par un confrère pour une réhabilitation osseuse antérieure pré implantaire.
Ce jeune patient, suite à une rixe, a subi un trauma de la face.
Après avoir été envoyé dans un service d'urgence maxillo-faciale, deux incisives ont dû être extraites, avec malheureusement la perte associée de la corticale externe au niveau de ces dents. (fig.6)
Il se présente donc à mon cabinet avec une prothèse partielle amovible remplaçant ces dents. (fig.7)
Le confrère qui me l’adresse souhaiterait lui poser deux implants, le plus possible dans le futur couloir prothétique de ces deux dents absentes.
Or, après étude du volume résiduel intrabuccal et radiographie panoramique (fig.8), il se rend compte que le volume osseux, suite à la perte de ces dents et de leur cortical externe, est largement insuffisant.
Je reçois donc ce patient, et lui propose de reconstruire, au moyen d’une greffe osseuse, le manque de volume.
Après un examen endobuccal et réalisation d’un Cône Beam à mon cabinet (fig.9), j’envisage de lui réaliser une greffe autogène avec prélèvement intrabuccal (Ramus ou symphyse mentonnière) ou extrabuccal (pariétal ou ulna Proxima).
Il s’avère que ce patient, a déjà subi une intervention extrêmement traumatisante, suite à son hospitalisation, et qu’il aimerait minimiser au maximum l’ampleur de la chirurgie.
Devant son refus d’un deuxième site opératoire, je lui propose une apposition d’une lamelle d’os allogénique, qu’il accepte volontiers.
Protocole opératoire
Cette intervention, ne nécessitant pas de prélèvement, se déroule, devant l’appréhension extrême du patient, sous anesthésie générale.
Après infiltration à la xylocaïne adrénalinée, une incision crestale et deux incisions de décharge, sont pratiquées, au contact osseux.
L’os est mis à nu, laissant apparaitre une architecture totalement anarchique. (fig.10)
On prévoit pour cette apposition la mise en place d’une lamelle cortico-spongieuse avec interposition de poudre d’os spongieux ou cortico-spongieux (le choix varie en fonction de l’espace à combler entre le site receveur et la lamelle). (fig.11)
Pour ma part, chaque fois que j’utilise une lamelle d’os allogénique, je retire l’os spongieux de la lamelle pour la raison suivante :
L’os spongieux apposé à l’os cortical provient d’une tête fémorale.
Or, dans cette zone, l’os spongieux est extrêmement lâche (type 3 ou 4 en densité), et je préfère le remplacer par de la poudre d’os que je peux condenser contre le site receveur pour en augmenter la densité.
Ainsi, j’obtiens une forte densité et une parfaite coaptation entre la greffe et le site receveur, sans risquer la présence d’une vacuole, vacuole qui pourrait entrainer la pseudarthrose du greffon.
Après avoir mis à nu l’os, je « prépare » celui-ci en le perforant en divers endroits, afin d’obtenir un saignement de mon site receveur, et permettre un « bourgeonnement » de ce même site. (fig.12)
De plus, j’essaie en régularisant légèrement ce site de récupérer des copeaux d’os autogène, propice comme nous l’avons vu précédemment à l’ostéoinduction, que je mélangerai avec l’os allogénique.
Pendant le déroulement de l’intervention, la lamelle d’os est placée dans de la métronidazole liquide (à la concentration de 5mg/1ml), pour la réhydrater et la protéger contre les agressions bactériennes qu’elle pourrait subir.
Un prélèvement de sang a été effectué en début d’intervention, centrifuger afin de créer des P.R.F., et de récupérer un culot plaquettaire. (fig.13)
Les P.R.F. serviront ensuite à recouvrir le site pour une plus grande rapidité de coaptation des tissus gingivaux.
Le culot plaquettaire, étant additionné à la métronidazole liquide, est mélangé à la poudre d’os allogénique et à l’os autogène récupéré pour en faire un coagulum extrêmement stable. (fig.14)
Après avoir essayé la lamelle, et l’avoir méticuleusement retouchée pour l’adapter au site receveur, le mélange osseux préparé précédemment est placé sur le site,(fig.15) servant ainsi de « matelas osseux », puis la lamelle est placée sur ce lit et fixée au moyen de deux vis de synthèse. (fig.16)
On utilise ensuite le reste de poudre d’os pour effectuer une « joint » tout autour de la lamelle, et obtenir ainsi, une parfaite étanchéité de la greffe.
Pour compléter cette étanchéité, protéger et éviter toute fuite du biomatériau, on recouvre le tout avec une membrane de collagène acellulaire de type 1, résorbable au minimum à 3 mois, que l’on fixe avec des pins, pins beaucoup plus facile à mettre en place qu’une suture et permettant une parfaite stabilité de la membrane le temps de la cicatrisation osseuse. (fig.17)
On recouvre le tout avec des membranes de fibrine, réalisées à partir de la centrifugation du sang prélevé, processus activant très rapidement la fermeture primaire des lambeaux gingivaux.
A partir de cette étape, il faut fermer le site en suturant les lambeaux gingivaux.
Le problème est, que l’augmentation du volume osseux après la greffe, empêche de fermer ces lambeaux sans tension.
Il est fondamental pour la pérennité de la greffe, d’obtenir une laxité totale des lambeaux gingivaux, car si la greffe s’operculise, il y a de gros risque de la perdre.
Pour se faire, on scarifie le périoste au niveau de la face interne du lambeau gingival, puis à l’aide de ciseaux de « Metzenbaum » (utilisés à l’envers en écartant plutôt qu’en coupant) on donne un maximum de laxité aux lambeaux.
On teste l’absence de tension des lambeaux (on considère que la laxité est obtenue à partir du moment où les deux lambeaux se recouvre l’un sur l’autre d’au moins 8 à 10 mm)
On effectue ensuite une suture primaire en « cathédrale » au moyen de points de « Blair Donati » puis avec une série de points simples, afin d’obtenir une parfaite étanchéité du site opéré. (fig.18)
Le patient est ensuite, en per-os, mis sous antibiotiques, corticoïdes, antalgiques, bains de bouche et gel à l’acide hyaluronique.
La prothèse amovible est retouchée et évidée afin d’éviter toute pression sur la greffe.
Les fils sont retirés à 15 jours pour les points séparés, et 30 jours pour les « Blair Donati », le tout suivi d’un contrôle au moyen d’une radiographie panoramique. (fig.19)

Conclusion


Il est possible aujourd’hui de minimiser avec la même prédictibilité de réussite des interventions chirurgicales de reconstructions osseuses.
Le succès de ces chirurgies reste assujetti au respect de plusieurs points essentiels.
En premier lieu, il faut toujours essayer d’obtenir une ostéoinduction (perforations du site receveur et adjonction d’os autogène, même en faible quantité).
Ajustage parfait de la lamelle d’os allogénique.
Joint étanche entre le site receveur et la lamelle au moyen de poudre d’os allogénique et autogène associés.
Protection et stabilisation de la greffe avec une membrane stabilisée.
Parfaite coaptation sans tension, des lambeaux gingivaux.
En conclusion, si ce cahier des charges est respecté à la lettre, on peut affirmer que l’on peut réussir ces chirurgies osseuses sans avoir à intervenir sur un deuxième site opératoire.

Remerciements :
"Je tiens à remercier Mr Jean Claude MAUGEZ de la société OST DÉVELOPPEMENT pour son étroite collaboration à élaboration de cet article.
Je remercie aussi Me Monique SAVA de la société ALPHA BIO FRANCE pour son aide à la réalisation de l'iconographie."

 

Parution LS 65