L'empreinte numérique côté labo...

ÇA C’ETAIT AVANT… Une rubrique orchestrée par le docteur Michel Abbou pour le Magazine LS. Cette fois-ci : focus sur l'empreinte numérique... avec Didier Akoun

 

Ces protocoles, techniques, matériels et matériaux que nous avons délaissés au profit de…

Une chose est sûre: celui (celle) qui ne rencontre aucun problème d’occlusion ou de mise en place prothétique n’exerce pas le métier de chirurgien-dentiste ! … Ou alors dans un domaine spécialisé exclusif qui n’implique pas le champ des prothèses dentaires.

Pour cette 3ème édition de notre rubrique, j’ai choisi de donner la parole a un prothésiste chevronné qui a opté pour l’évolution de son exercice vers le numérique et qui s’est lancé dans le traitement et la maitrise des empreinte optiques, sans délaisser pour autant ses clients-dentistes traditionnels non encore convaincus par cette évolution technologique. D’autres praticiens progressistes ont fait le choix du tout numérique depuis suffisamment longtemps pour pouvoir en mesurer aujourd’hui les nombreux avantages acquis, ainsi que certains inconvénients (1)…


 

L’EMPREINTE NUMERIQUE – côté labo

Didier AKOUN (DG Laboratoire PROFIL/ Brie-Comte-Robert)


 

Avec la collaboration de :

Docteur Julien SEVEYRAC (Omni pratique et implantologie/ Paris)  

   

Denis GIER (DG Labo + / Bruxelles)

Arnaud LEVY (société HD LAB)

 

J’exerce le métier de prothésiste dentaire depuis 35 ans. Parmi les paramètres qui régissent notre travail, il en est deux qui me préoccupent de façon récurrente : l’occlusion et la limite cervicale.

Les empreintes sont réalisées communément au cabinet avec divers matériaux (élastomères, polyéthers, hydocolloides…) au gré des situations cliniques à reproduire et des habitudes ou préférences des praticiens (2). Les propriétés respectives de ces matériaux comme leurs impératifs d’utilisation ont des incidences directes sur les résultats attendus de la collaboration praticien/prothésiste.

Si l’on s’en tient aux seuls hydrocolloides irréversibles (alginates), il faut bien avouer que la banalisation de leur utilisation en pratique courante est source de multiples facteurs de déception.

Problématique : alginate et occlusion

Certains alginates sont de très bonne qualité mais c’est leur utilisation qui est trop souvent galvaudée. « L’alginate c’est juste pour l’antagoniste » : économique, facile à manipuler, suffisant pour la fonction qui lui est dédiée… Mais cela ne correspond pas à l’interface nécessaire praticien / laboratoire.

Rappels des impératifs concernant l’alginate :

  • Recours recommandé aux porte empreintes type RIMLOCK en inox fermé (société ASA). Un porte empreinte perforé ne comporte pas une rétention mécanique suffisante et engendre souvent un décollement sur les bords.

  • Mettre de l’adhésif dans l’intrados du PE (réf. 7307 et 30600 société 3M) ou alors utilisation d’un PE encollé TM (société 3M)

  • Utilisation d’alginate de haute précision HYDROCOLOR, HYDROGUM, mélange mécanique préconisé

  • Une fois prise, l’empreinte est idéalement coulée dans la foulée car l’alginate se déforme rapidement - environ 50 minutes - (3-4). L’hygrométrie idéale est difficile à gérer, rendant sa conservation problématique. S’ajoutent à cela les défauts a types de tirages et de bulles ainsi que la nécessité, parfois de procéder à une équilibration occlusale sur articulateur semi adaptable (3-4). Le repositionnement du BITE TRAY semble souvent approximatif. Tout ceci n’est pas la réflexion d’un « obsessionnel » mais le quotidien de la plupart des prothésistes.

Compte tenu de ces seules observations, le recours à l’empreinte numérique apparait comme bien salutaire : transmission fiable et immédiate des données cliniques vers le laboratoire; latéralité et protrusion ne sont plus parasitées lors des réglages.

Les récents progrès technologiques confèrent à l’empreinte numérique une définition remarquable des limites et de la préparation. De surcroit, le praticien a une perception globale de la taille via l’écran de visualisation: il peut corriger ainsi aisément les éventuelles contre dépouilles, retravailler la morphologie de sa préparation et gérer la hauteur du moignon avec la même distance que le prothésiste via les modèles. Quand le praticien perçoit un défaut sur le scan (par exemple, tâche de sang ou bulle de salive au niveau des limites de la préparation), il peut aisément « gommer » et rescanner juste le défaut sans tout refaire… puis envoyer le travail d’un clic vers le labo !

Intéressé depuis longtemps aux apports du numérique dans l’exercice de notre métier, je collabore depuis deux ans avec le Dr SEVEYRAC et Mr Arnaud LEVY (Société HD LAB) sur un choix approprié de scanner intra oral. Nous en avons testé 3. Incontestablement, c’est la MEDIT i500 qui nous donne à ce jour le plus de satisfaction.

Alors bien sûr, certains diront qu’il y a encore mieux. C’est un débat sans fin… En ce qui me concerne, près de 1000 cas réalisés avec 8 praticiens et 98% de réussite me paraît un résultat édifiant.

En réalité, la différence est plus flagrante entre le numérique et le manuel qu’entre les divers systèmes d’empreintes optiques disponibles sur le marché. Les praticiens qui avaient parfois des soucis d’ajustage ou de limites se voient débarrassés de ces tracas. La bonne utilisation des matériaux silicone et polyéthers – comme pour les alginates – n’est pas si simple qu’il n’y parait.

Avec l’empreinte numérique, les conceptions de plans prothétiques sont beaucoup plus simples autant au niveau fonctionnel qu’esthétique. Un mock-up peut être réalisé rapidement et présenté au patient.

Dès maintenant, un praticien peut acquérir un printer à petit plateau et dès lors qu’il a ratifié notre proposition digitale esthétique… un simple clic de souris et le mock-up devient un provisoire !

Un autre avantage non négligeable : n’ayant plus besoin de la décortication manuelle du modèle de travail, nous pouvons travailler sur des représentations qui respectent les contours gingivaux, autorisant ainsi des reconstructions prothétiques plus en adéquation avec les structures cliniques périphériques festons gingivaux / embrasures+++). Les dies numériques peuvent en plus se désinsérer autour d’une gencive intacte (carotte)… Autant d’éléments dont la prise en compte manuelle (fausse gencive amovible) est plus fastidieuse et plus coûteuse.

Comme pour toute (r)évolution technologique, la prise d’empreinte numérique comporte bien entendu une courbe d’apprentissage, particulièrement pour scanner au-delà d’une demi-arcade (bien faire attention à la calibration notamment).

Autour de ce sujet, le Dr SEVEYRAC, Mr LEVY et moi-même avons le projet de publier un protocole complet d’utilisation du scan intra oral et des précautions à prendre.

 


 

Références bibliographiques et techniques :

  1. Le numérique au quotidien : usinage chairside ou transmission au laboratoire ? – Dr Bertrand DINAHET

LE FIL DENTAIRE – 22 avril 2019


 

  1. La prise d’empreinte – Dr Olivier GUASTALA

LE FIL DENTAIRE – 05 juillet 2010


 

  1. Sciences des Matériaux Dentaires – Pr E-W. SKINNER et R-W PHILIPPS

Julien Prélat, 1971 – 6ème édition


 

  1. Les matériaux à empreinte – Dr B. CHAUVEL & Y-L TURPIN

LE FIL DENTAIRE – 05 juillet 2010

Cours de la Société Francophone des biomatériaux dentaires (SFBD) 2009-2010


 

Sur les photos ci-dessous, on compare des modèles en plâtre issus d’un alginate et des modèles numérisés. L’écart parle de lui-même et je précise que les modèles en plâtre ont été rectifiés.