L’APPORT DU CONE BEAM DANS L’IMAGERIE 3D EN IMPLANTOLOGIE : REVUE DE LA LITTERATURE ET CAS CLINIQUE

 

Auteurs :
Dr Ammanou Terence
Chirurgien-dentiste DFCDP
CES de parodontologie
Lauréat de l’académie de chirurgie dentaire
Master 1 en parodontologie
Master 1 en recherche mention BCPP
 
Dr Ammanou Yvon
Chirurgien-dentiste DFCDP
Post Graduate of New York University
Diplômé d’études supérieures en odontologie chirurgicale Diplôme universitaire d’implantologie orale et maxillo-faciale
Diplômé de parondontologie
 
Parution Lettre de la Stomatologie 54 - Juin 2012
 

L’imagerie 3D (scanner ou cône beam) est un élément essentiel dans l’étude pré implantaire.
Aujourd’hui le cône beam est en plein développement et pourrait devenir le gold standard en la matière.
En effet, il présente les avantages d’être moins irradiant qu’un scanner, facile à réaliser, et plus économique pour le patient. La qualité d’image des cli- chés est comparable à celle d’un scanner. La possibilité de réaliser une modélisation informatique du trajet du nerf alvéolaire ainsi qu’une simulation implantaire lui confère un atout supplémentaire. Il est probable que son implantation au sein même du cabinet va se développer au cours des prochaines années.

 


Mots clefs :
Scanner, Cône beam, Implantologie, Imagerie 3D
Introduction

      L’imagerie 3D est un élément essentiel dans l’étude pré implantaire. Le scanner, longtemps considéré comme le gold standard est un générateur à faisceau plan effectuant une rotation autour du volume à analyser associée à une translation du patient. Suivant la distance entre chaque coupe et le champ que l’on souhaite radiographier, plusieurs rotations sont nécessaires à la reconstruction de l’image 3D.
      Développé dans les années 1998, le cône beam est une nouvelle technologie d’imagerie 3D. C’est un générateur à faisceau conique permettant en une unique rotation de fournir les données suffisantes à la reconstitution de l’image. Plusieurs tailles de champ d’exploration sont disponibles : grand champ (15x15cm ou plus), moyen champ (12 à 15 cm de  large et 7 à 10 cm de hauteur), petit champ (4x5 cm). Plus le champ est petit, plus la taille des voxels est faible et donc plus la qualité d’image est importante. En outre, le coût et la limitation medico-légale de l’exploration à la sphère dento maxillaire conduiront  le chirurgien dentiste à choisir en  1° intention un cône beam  petit champ.
      Enfin, la prescription de ces clichés doit être justifiée. Il doit apporter une nouvelle information et un gain pour le patient dans le diagnostic et le plan de traitement, tout en respectant le principe de précaution au niveau de la dosimétrie et d’optimisation dans le choix de la taille du champ d’exploration. Un cône beam n’est pas indiqué si l’information peut être obtenue avec un cliché conventionnel  (recommandation européenne d’utilisation du cone beam selon EADMFR 2009)
      Le but de cet article sera de réaliser une revue de la littérature sur l’apport du cône beam en implantologie appuyée par un cas clinique

L’intérêt du cône beam en implantologie
 
      Le cône beam est un examen complémentaire de l’imagerie conventionnelle type rétro alvéolaire et panoramique qui présentent les avantages d’être peu irradiant, facile à réaliser et moins onéreux. Cependant cette technique a ses limites : la panoramique dentaire présente un grossissement non uniforme11 et une  restriction du diagnostic dans la région antérieure5. Malgré une possibilité de mesure au niveau de la radio retro alvéolaire ces clichés conventionnels n’apportent pas d’information transversale17.
      L’imagerie cône beam permet donc une meilleure visualisation et compréhension de l'anatomie du patient18. Ainsi le trajet du nerf alvéolaire inférieur pourra être plus facilement visualisé (cf cas clinique). Des simulations implantaires peuvent aussi être effectuées directement sur l’ordinateur (cf cas clinique) ainsi que des gouttières chirurgicales avec des futs de forage type Nobel guide®.
      D’autre part, le cône beam présente l’avantage d’être un examen moins cher que le scanner. Il pourra ainsi lever en partie la barrière financière qui existe au niveau des implants dentaires.
      Enfin le cône beam a l’avantage d’être moins irradiant qu’un scanner mais plus qu’une imagerie conventionnelle d’où l’importance de la justification du cliché (Tableau 1).
      
Type d’imageDose EffectivePanoramique dentaire numériqueDe 6,2 ?Sv à 14 ?SvPanoramique dentaire argentiqueDe 10 ?Sv à 21 ?SvCône beamDe 29,3 ?Sv à 331 ?SvScanner314 ?Sv ; 600 ?Sv ; 1270 ?SvScanner faible doseDe 150 ?Sv  à 610 ?Sv      Tableau 1 : Dose effective de Rx selon de type de cliché2
      
      Cependant, le cône beam présente des inconvénients. En effet, il présente un faible contraste au niveau des tissus mous par rapport à un examen scanner9,15,16. Pour un même volume, le temps d’acquisition est plus important  sur un cône beam que sur un scanner.  Ainsi, pour les patients  ne pouvant pas rester immobile pendant le temps d’acquisition (par exemple un patient atteint d’une maladie de Parkinson) il faudra privilégier un scanner de dernière génération (64 barrettes) capable de réaliser l’acquisition en quelques secondes.
      
      Cône beam et scanner

      Dans l’étude de Dreiseidler et collaborateurs en 2009, 29 patients témoins ont fait l’objet d’un scanner (Mx8000 IDT) et d’un cône beam (Galileos, Sirona®). La qualité d’image a été comparée entre les 2 avec 5 observateurs selon 10 critères (qualité d’image, foramen mentonnier, canal mandibulaire, le plancher nasal et sinusien, foramen incisif, ATM, la région incisif, l’os bordant, les dents adjacentes). L’étude ne montre pas de différence statistiquement significative entre le scanner et le cône beam. Par exemple, pour les critères canal mandibulaire et plancher sinusien les résultats sont respectivement p=0,8 (0,89-0;95) et p=0,1 (0,89-0,87).

 

 

    Comparaison entre les appareils cône beam

Tableau 2 : Caractéristiques techniques des différents cônes beam disponibles sur le marché1

      Le marché du cône beam est aujourd’hui en pleine expansion. Il est très difficile de pouvoir comparer ces différents appareils car très peu d’étude les compare (tableau 2). Seule l’étude in vitro d’Ali Alqerban et collaborateurs en 2011 compare la qualité d’image de 6 cônes beam (3D Accuitomo-XYZ, Scanora 3D CBCT, Galileos 3D Comfort, Picasso Trio, ProMax 3D et Kodak 9000 3D) dans le diagnostic des résorptions externes de l’incisive latérale lors d’une impaction artificielle d’une canine. L’étude montre une différence statistiquement significative au niveau de la qualité d’image entre les différents cônes beam (P<0,001). Cependant, il n’y a pas de différence statistiquement significative dans le diagnostic de la sévérité des résorptions entre les différents appareils et la réalité (P>0,05).
      
      Cas clinique

      La patiente, qu’on appellera Madame Dupont, se présente en consultation et se plaint d’un édentement maxillaire encastré au niveau de 15 et postérieur libre de 24 à 27 ainsi qu’un édentement mandibulaire postérieur libre de 46 à 47. Sa motivation est à la fois esthétique et fonctionnelle et elle souhaite une restauration fixée. Madame Dupont est en bonne santé générale et est non fumeuse. Un examen clinique complet a été réalisé associé à une panoramique dentaire ainsi que des modèles d’étude montés sur articulateur. (Photo1)

      
      Photo 1 : Images cliniques et panoramique dentaire  initiales
      Un cône beam a été réalisé au cabinet dentaire (Kodak 9000 3D) au niveau des secteurs 1, 2 et 4 gouttière radiologique en place.
      
      Au niveau du secteur 4, une modélisation du trajet du nerf alvéolaire inférieur ainsi qu’une simulation implantaire à été réalisé. Il sera donc facile de choisir le diamètre et la longueur des implants en respectant une distance de sécurité de 2 mm au niveau du nerf alvéolaire inférieur (Photo 2). L’indication de 2 implants en 1 temps chirurgical3 au niveau de 46 et 47 a été posée.
      
a)                                     
      
b)                     c)    
      
                                   d)    
      
      Photo 2 : a) Simulation 3D au niveau du secteur 4 avec modélisation du trajet du nerf alvéolaire inférieur en bleu et simulation implantaire en jaune. Les implants ont été placé au niveau des repères de la gouttière radiologique. b) Implant Zimmer 3,7mm de diamètre et 11mm de long au niveau de 46 et 47. c) Vue clinique implant + coiffe de cicatrisation.
d) Sutures
      
      Au niveau du secteur 1, 16 présente une version mésiale suite à l’absence de 15. 17 présente une égression dûe à l’absence de 46 et 47. Une coronoplastie sera réalisée sur 17 afin de rétablir un plan d’occlusion favorable et sur la face mésiale de 16. Au niveau clinique il n’y a pas de poche parodontale au niveau de 16. Pourtant au niveau du cône beam une lésion intra osseuse angulaire est bien visible. Il sera décidé de poser un implant de 2 temps chirurgicaux3  au niveau de 15 associés à une greffe osseuse au niveau de la face mésiale de  16. Une contention collée provisoire sera réalisée de 18 à  16 afin de stopper l’égression des dents en attendant les 4 mois de cicatrisation des implants 46 et 47 (Photo 3).

a°)                    b°)

c°)                    d°)            e°)

Photo 3: a) Cône beam au niveau de 15, présence d’une lésion intra osseuse angulaire au niveau de la face mésiale de 16. b) Modélisation information implantaire au niveau de 15, coupes tous les 2 mm. c) Photo clinique de la lésion intra osseuse + stimulation endostée. d) Photo implant mise en place + BIOBank®. e) Photo après sutures, contention collée visible.


Au niveau du secteur 2, 24, 25, 26 et 27 sont absentes. Une première gouttière radiologique à été réalisée avec un montage prothétique idéal. Cependant, après analyse du cône beam il n’était pas possible de poser les implants en position idéale. Ainsi, un deuxième montage directeur a été réalisé en montant le centre des dents prothétiques au niveau du centre des futurs implants dans les zones implantables. Ce montage est ensuite validé par la patiente. De plus, un espace prothétique faible est disponible. Après analyse du cône beam du niveau du secteur 2, il sera décidé de faire une ostéotomie afin de ne pas réaliser de coronoplasties au niveau de 34, 35, 36 et 37. On commencera par une tranchée d’une hauteur calibrée en fonction du site pour ensuite mettre à plat le niveau osseux en n’étant pas plus profond que la tranchée initiale. 3 implants seront posés : 2 implants dans la région mésiale de la zone édentée et un implant au niveau de la tubérosité maxillaire

      
      
      a)
      
      b)                         c)
      
      d)
Photo 4 a) Cône beam avec simulation implantaire, les implants sont en position plus apicale par rapport au niveau osseux présent afin de pouvoir ensuite mesurer l’ostéotectomie à réaliser. b) Photo clinique tranchée réalisée. c) Photo clinique implant en place. d) Photo clinique après sutures.


3 mois après cicatrisation, une panoramique ainsi qu’un bilan photo sont réalisés (Photo 5). Le deuxième temps opératoire au niveau de la 16 sera réalisé 3 mois plus tard : la patiente pourra ensuite réaliser la phase prothétique chez son chirurgien dentiste traitant. Une thérapeutique parodontale de soutien devra bien sur être mise en place afin garantir la pérennité de cette restauration.

      a)

 
      b)


Photo 5 a) Panoramique dentaire à 3 mois post opératoire. b) Photos cliniques à 3 mois post opératoire.


      Conclusion

      Le cône beam est un outil incontournable en implantologie qui présente de nombreux avantages par rapport au scanner. De nos jours, son implantation au cabinet dentaire est en pleine expansion. En effet, son prix de revient diminue chaque année alors que ses champs d’application augmentent. Cela permettrait ainsi de faciliter la réalisation des plans de traitement implantaires tout en étant moins irradiant qu’un scanner.
      
      
      


Bibliographie:

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