Apport de l’empreinte optique et du cone-beam dans les cas d’extraction implantation immédiate en secteur antérieur

Auteur:
Docteur FOUGERAIS Guillaume,
implantologiste exclusif
NANTES (44)
 
Parution Lettre de la Stomatologie 59 - Septembre 2013
 
 

texte

Apport de l’empreinte optique et du cone-beam dans les cas d’extraction implantation immédiate en secteur antérieur.
 

Introduction

Certains cas implantaires nécessitent le recours à une implantation immédiate après une extraction, notamment dans le secteur antérieur.

Le recours à ce type d’acte ne sera pas utilisé pour limiter ou empêcher la résorption osseuse, car comme l’ont démontré de nombreux auteurs (1, 2, 5), l’extraction implantation immédiate n’empêche pas la résorption osseuse de se faire après une extraction. On recherchera donc surtout une simplification de la temporisation et un gain de confort pour le patient en limitant le nombre d’intervention.

Par contre, la difficulté de ce type d’intervention réside dans le placement de l’implant. Celui-ci doit être en position plus palatine que la racine de la dent à extraire (6). Le forage du logement implantaire dans la corticale palatine de l’alvéole est délicat à réaliser et le risque de voir l’implant en position plus vestibulaire une fois mis en place est très présent. Le résultat esthétique serait alors compromis et l’épaisseur des tissus péri-implantaire vestibulaire serait réduite. Sur le long terme, le risque de récession gingivale en regard de l’implant pourrait être augmenté (3).

Pour palier à ce type de problématique, il convient alors d’avoir recours à des guides chirurgicaux pour positionner de façon précise l’implant dans l’alvéole d’extraction rendant prédictible et reproductible ce type d’intervention. L’implant pourra alors être placé exactement comme il aura été planifié sur les examens radiographiques en 3D.

De plus, la position de l’implant étant connue grâce à l’utilisation d’un guide chirurgical, il devient aisé de faire réaliser la couronne provisoire à l’avance afin de la positionner immédiatement après la mise en place de l’implant.

L’utilisation d’un système de prise d’empreinte optique couplé à l’examen radiographique réalisé avec le cone-beam va pouvoir nous aider dans la planification implantaire mais également dans la réalisation des guides chirurgicaux.

Nous allons décrire au travers d’un cas clinique, la procédure utilisée avec le système développé par la société SIRONA : caméra optique CEREC Omnicam et cone-beam GALILEOS.

Cas clinique :

La patiente nous est adressée pour le remplacement des deux incisives centrales maxillaires qui doivent être extraites. On peut  noter une position plus apicale de la 11 en relation avec un traumatisme subi il y a plusieurs années (luxation et réimplantation).
L’analyse esthétique du cas met en évidence une incisive centrale gauche trop courte (forme carrée) et une incisive centrale droite trop longue (forme rectangulaire). Concernant la 11, le défaut sera corrigé  par addition (greffe conjonctive enfouie). Au niveau de la 21, nous laisserons la résorption osseuse post-extractionnelle faire son travail car certains auteurs ont montré l’apparition d’une récession tissulaire moyenne de 0,9mm après extraction implantation immédiate (4). Cette donnée nous évitera de travailler par soustraction au niveau de cette dent.
La conjonction des deux nous permettra d’avoir des collets alignés au niveau du résultat final.
Par ailleurs, le sourire gingival de la patiente ajoute une composante esthétique très importante à la réussite de ce cas implantaire. Fig. 1 et 2


Fig. 1 : vue vestibulaire montrant le décalage des collets gingivaux au niveau des deux incisives centrales


Fig. 2 : sourire gingival de la patiente accentuant le défaut esthétique lié à la dysharmonie des collets de 11 et 21

Le traitement envisagé est donc le suivant : remplacement des deux incisives centrales par deux couronnes unitaires implanto-portées avec greffe conjonctive enfouie au niveau de la 11.
L’étude radiologique du cas nous a permis de valider la faisabilité de ce projet implantaire et d’envisager l’extraction des deux dents et la mise en place des implants dans la même séance. Deux couronnes provisoires seront également mise en place immédiatement sur les implants.

Une empreinte optique est réalisée avec la caméra CEREC Omnicam (Fig. 2 et 3). Cette caméra présente l’avantage d’être en couleur et s’utilise sans poudre. Elle est par ailleurs très simple à utiliser et l’empreinte des deux arcades ne prend pas plus de 10 minutes.

Fig. 2 : vue vestibulaire de l’arcade maxillaire

Fig. 3 : vue occlusale de l’arcade maxillaire

L’étape suivante consiste à fusionner le fichier issu de l’empreinte CEREC et l’examen radiographique en 3D. La fusion est faite dans le logiciel de planification Galiléos Implant (Fig. 4). Une fois les deux fichiers numériques fusionnés, la planification implantaire devient alors plus simple et surtout plus fiable en l’absence d’artéfact sur les vues 3D (Fig. 5 et 6).


Fig. 4 : image radiologique obtenue après fusion des fichiers CEREC et Galiléos Implant

Fig. 5 : vue en 3D du positionnement des implants par rapport au modèle numérique issu du CEREC

Fig. 6 : vue occlusale en 3D permettant de valider le positionnement des implants (émergence palatine). Aucun artéfact lié aux couronnes métalliques des deux dents ne gêne la planification.

Le positionnement des implants sur les coupes obliques permet de valider la faisabilité du traitement implantaire et notamment d’anticiper une bonne stabilité primaire des implants, condition indispensable à la mise en charge immédiate avec des couronnes provisoires transvissées  (Fig. 7 et 8). Le positionnement des manchons du guide chirurgical qui guideront les forets est objectivé sur les vues en 3D et sur les coupes obliques. La faisabilité de réalisation du guide chirurgical est ainsi validée.


Fig. 7 : dent n°11 et implant planifié en position palatine par rapport à l’alvéole


Fig. 8 : dent n°21 et implant planifié en position palatine par rapport à l’alvéole

Une fois l’ensemble des éléments planifiés et validés, le guide chirurgical Optiguide va pouvoir être commandé à la société SICAT (par transfert de fichiers numériques via internet). Le fichier numérique envoyé comprendra la planification implantaire et l’empreinte optique.
Le guide chirurgical Optiguide (Fig. 9) sera livré au cabinet dans un délai maximal de 5 jours. Une fois réceptionné au cabinet, il sera alors envoyé au laboratoire de prothèse avec un modèle en plâtre afin de faire réaliser les deux couronnes provisoires avant l’intervention.


Fig. 9 : guide chirurgical Optiguide (SICAT) avec les manchons métalliques

L’ensemble des éléments étant au cabinet (guide chirurgical Optiguide et couronnes provisoires), l’intervention peut alors être programmée.
Les dents sont extraites, le guide chirurgical est mis en place et les logements implantaires sont réalisés à l’aide de forets à butée au travers de cuillères de positionnement (système Facilitate ASTRA Tech). Fig. 10


Fig. 10 : système Facilitate ASTRA Tech (cuillère et foret à butée) et Optiguide (SICAT)

Les implants sont insérés avec des portes implants guidés dans les manchons du guide chirurgical. Leur positionnement est ainsi parfaitement en accord avec la planification implantaire. Fig. 11, 12 et 13.


Fig. 11 : mise en place de l’implant 11 avec porte-implant guidé


Fig. 12 : implants en place avec le guide chirurgical.

Fig. 13 : Implants en place après avoir retiré le guide chirurgical

Les deux couronnes provisoires unitaires sont essayées et vissées manuellement. Le gap vestibulaire est partiellement comblé dans la partie la plus coronaire avec l’os de forage et un greffon conjonctif est glissé en vestibulaire au niveau de la 11 pour compenser le manque de gencive kératinisée et épaissir le volume gingival vestibulaire (Fig. 14, 15, 16 et 17).


Fig. 14 : les couronnes provisoires sont vissées et de l’os de forage vient combler le gap vestibulaire au niveau des implants

Fig. 15 : insertion du greffon conjonctif en vestibulaire de la 11

Fig. 16 : les implants sont en place avec les couronnes provisoires transvissées. Le greffon conjonctif est suturé au lambeau.

Fig.17 : vue occlusale

La patiente est revue en consultation 8 jours après l’intervention pour contrôler la cicatrisation et déposer les fils de suture. L’intégration gingivale des couronnes provisoires est très satisfaisante (Fig. 18). 


Fig. 18 : vue clinique à 8 jours post-opératoire

A 4 mois post-opératoire, un contrôle clinique et radiographique est effectué pour valider l’ostéo-intégration des deux implants et la bonne cicatrisation gingivale. Le niveau gingival obtenu est stable et les volumes gingivaux sont en adéquation avec ce que nous cherchions à obtenir : allongement de la 11 et réduction de la 21 (comparaison avec le collet gingival de la 22) (Fig.19, 20 et 21). Les deux incisives centrales redeviennent prédominantes dans le sourire.
Les couronnes provisoires sont dévissées et déposées pour objectiver la cicatrisation gingivale. (Fig. 22 et 23). 

Fig. 19 : vue clinique à 4 mois post-opératoire


Fig. 20 : vue occlusale des couronnes provisoires

Fig. 21 : très bonne intégration osseuse des implants. On peut noter le parallélisme des deux implants obtenus grâce à la planification informatique et au guide chirurgical. L’enfouissement des implants ainsi que l’espacement entre eux ont permis d’obtenir une papille osseuse centrale qui sera garante de la présence d’une papille gingivale centrale.


Fig. 22 : vue occlusale des implants à 4 mois post-opératoire.


Fig. 23 : vue vestibulaire de la cicatrisation gingivale une fois les couronnes provisoires déposées. On peut noter la présence de la papille centrale et deux festons gingivaux vestibulaire parfaitement symétrique.

Les implants étant ostéo-intégrés et les tissus gingivaux étant stables, la réalisation des restaurations prothétiques définitives va pouvoir être réalisée. Le sourire gingival de la patiente met en évidence cette parfaite intégration des restaurations provisoires (Fig. 24).

Fig. 24 : sourire de la patiente à 4 mois post-opératoire avec les couronnes provisoires en place

Au final, la réalisation de ce cas aura nécessité deux rendez-vous.
Un premier rendez-vous numérique pendant lequel nous avons réalisé un cone-beam, une empreinte optique et deux empreintes alginates pour anticiper la fabrication des deux couronnes provisoires au laboratoire de prothèse une fois le guide chirurgical Optiguide reçu au cabinet.

L’intervention a été réalisée au deuxième rendez-vous et la patiente a pu repartir du cabinet avec les deux couronnes provisoires vissées sur les implants immédiatement après leur mise en place. Des conseils post-opératoires lui ont été donnés afin qu’elle évite de se servir de ses deux incisives centrales pour croquer.

La fusion des fichiers numériques (empreinte optique CEREC Omnicam et cone-beam GALILEOS) a permis dans ce cas de planifier avec précision les deux implants (profondeur, parallélisme et émergence palatine). Le guide chirurgical Optiguide  (SICAT) a été réalisé à partir de ces fichiers numériques sans qu’aucune empreinte physique ne soit nécessaire. 

Conclusion :

La prédictibilité et la reproductibilité des cas d’extraction implantation immédiate dans les secteurs antérieurs esthétiques sont nettement améliorées grâce à l’utilisation de cette chaine numérique et du guide chirurgical élaboré à partir des fichiers numériques.
Il convient malgré tout de faire une bonne analyse préalable de ces cas afin d’anticiper les phénomènes de résorption osseuse post-extractionnelle inévitable.
La question qu’il convient donc de se poser est la suivante : « devons-nous nous passer de ces aides numériques et chirurgicales dans des secteurs où l’esthétique est importante et primordiale pour nos patients ? ».


Bibliographie :

1 - Araújo MG, Wennström JL, Lindhe J. Modeling of the buccal and lingual bone walls of fresh extraction sites following implant installation.
Clin Oral Implants Res. 2006 Dec;17(6):606-14.

2 - Caneva M, Salata LA, de Souza SS, Baffone G, Lang NP, Botticelli D. Influence of implant positioning in extraction sockets on osseointegration: histomorphometric analyses in dogs.
Clin. Oral Impl. Res. 21, 2010; 43–49.

3 - Chen ST, Buser D. Clinical and esthetic outcomes of implants placed in postextraction sites.
Int J Oral Maxillofac Implants. 2009;24 Suppl:186-217.

4 - Evans CD, Chen ST. Esthetic outcomes of immediate implant placements.
Clin Oral Implants Res. 2008 Jan;19(1):73-80. Epub 2007 Oct 22.

5 - Ferrus J, Cecchinato D, Pjetursson EB, Lang NP, Sanz M, Lindhe J. Factors influencing ridge alterations following immediate implant placement into extraction sockets.
Clin Oral Implants Res. 2010 Jan;21(1):22-9. doi: 10.1111/j.1600-0501.2009.

6 - Tomasi C, Sanz M, Cecchinato D, Pjetursson B, Ferrus J, Lang NP, Lindhe J. Bone dimensional variations at implants placed in fresh extraction sockets: a multilevel multivariate analysis.
Clin Oral Implants Res. 2010 Jan;21(1):30-6.