Intérêt de la logueur d'onde 980 nm en omnipratique

Reconstructions pré-prothétiques et endodontie.

Auteur : Elisabeth Hollard-Milhem

INTRODUCTION

La longueur d'onde 980 nm est très pénétrante à travers les tissus mous et les tissus durs. Son coefficient d'absorption dans l'eau est identique à celui dans l'hydroxyapatite.
Par différents réglages de puissance, de fréquence et de durée impulsionnelle, ainsi que par différents diamètres de fibre disponibles, cette longueur d'onde permet d'accomplir des actes très différents : allant d'effets photo ablatifs superficiels à des effets de biostimulation des tissus mous et durs sur des volumes importants en passant par les effets de décontamination par photothérapie dynamique sans colorant. Le tout en contrôlant parfaitement les effets thermiques associés grâce à des réglages précis et une gestuelle adaptée.

Nous verrons au travers de deux situations cliniques très courantes comment le laser diode 980 nm peut être intégré quotidiennement dans l'exercice de l'omnipraticien.


              
Fig.1 – Laser Diode Wiser Icone 980 nm et les différents embouts adaptés

Reconstructions pré-prothétiques de dents fortement délabrées : Présentation d'un protocole clinique en une séance

Considérations générales

Situation extrêmement fréquente en pratique quotidienne : la reconstruction de dents fortement délabrées par la carie. Le délabrement s'étend la plupart du temps en zone proximale, sous une restauration pré-existante réinfltrée et entraîne une inflammation de la papille interdentaire parfois accompagné d'un syndrome du septum.


Le diagnostic se fait par un examen clinique minutieux :
- douleur éventuelle ou gêne ressentie par le patient
- visuel : défaut d'ajustage, couleur
- passage de la sonde sous la restauration,
- œdème de la papille /saignement.

L'examen radiologique confirme le diagnostic clinique et permet d'évaluer l'extension carieuse en direction apicale notamment, et la possibilité ou non de conserver la dent. Notons toutefois qu'une restauration très radio-opaque comme un amalgame ou une coiffe métallique masque facilement tout ou partie du problème.

L'éviction carieuse à la fraise boule tungstène se fait généralement aux dépens de l'espace biologique entraînant un saignement gingival plus ou moins important.
La limite dentaire saine devient difficilement accessible à l'accès visuel direct ainsi qu'à l'ensemble des procédures permettant la reconstruction de la substance dentaire perdue : pose d'un champ opératoire, prise d'empreinte, collage ou scellement exsangue et sans salive.

Cette situation peut amener le praticien à travailler dans un champ opératoire inadéquat vecteur de stress - pour le praticien avec toutes les conséquences que cela induit sur lui même, son équipe et le patient - et conduisant à un protocole mal conduit rendant le résultat clinique peu pérenne.

L'objectif est alors de pouvoir recouvrer l'accès à cette limite dentaire afin d'obtenir l'étanchéité de notre restauration garante de la pérennité du traitement.

 

Anamnèse et Diagnostic :

Un patient de 64 ans se présente en consultation pour contrôle annuel. L'interrogatoire préalable est sans particularité.
L'examen clinique complet révèle, entre autre, une restauration très volumineuse en CVI sur 47. La dyschromie au niveau de la cuspide disto-linguale laisse supposer une reprise de carie. Une radiographie rétroalvéolaire permet d'objectiver l'absence d'ajustage cervical distal (Fig. 2). La dépose de la partie la plus distale de la restauration met en évidence la zone cariée ainsi qu'un bourgeon gingival s'étendant dans la cavité de carie (Fig. 2).


Fig.2 – Situation clinique et radiographique préopératoire

Traitement :

Il est proposé au patient une reconstruction prothétique de cette dent par coiffe après retraitement endodontique et réalisation d'une reconstitution corono-radiculaire collée par tenon fibré.

Dépose de l'obturation pré-existante

Une clé silicone est réalisée. Elle permet d'enregistrer la morphologie de la dent en amont de l'intervention et servira à la réalisation d'une prothèse provisoire ultérieurement.

La restauration défectueuse est retirée à la fraise. Une petite partie de ce matériau en regard des entrées canalaires est provisoirement conservée afin d'éviter de les obstruer par les étapes de collages qui vont suivre (Fig. 3). Dans les cas où la totalité du matériau pré-existant est retiré, un peu de digue liquide de couleur, photopolymérisée simplifiera la réalisation de la nouvelle cavité d'accès endodontique.

Eviction gingivale

Le retrait du bourgeon gingival, indispensable à la poursuite du traitement est alors effectué au laser diode 980 nm grâce à ses effets photo-ablatifs selon les modalités suivantes :

- Une anesthésie locale est effectuée en distal de la zone d'intervention avec une petite quantité d'articaïne adrénalinée 1/200 000 è.

- Le Tip de 300 µm de diamètre (vert) est activé (Fig. 3)
 "L'activation" d'une fibre consiste à noircir la gaine entourant la fibre optique diminuant ainsi la pénétration du rayonnement dans les tissus. L'efficacité photo-ablative au contact entre l'extrémité de la fibre et les tissus mous est ainsi décuplée.

- Le laser réglé sur 3 Watts en continu pour permettre un effet ablatif. Un code couleur entre les Tips et l'interface du laser rend l'utilisation de ce laser très ergonomique autant pour le praticien que pour l'assistante. Les paramètres préprogrammés peuvent être modifiés si besoin. (Fig. 3)


Fig.3 – Interface des réglages photoablatifs et fibre de 300 µm activée

- Un mouvement de balayage par contact tangentiel de la surface gingivale permet le retrait de la quantité de tissus mous nécessaire sans saignement (Fig. 4). Une bonne visibilité du site opératoire est ainsi maintenue tout au long de l'intervention.
La gencive retirée a tendance à se coller à l'extrémité de la fibre ainsi l'assistante tient à disposition une compresse permettant d'essuyer la fibre périodiquement. Des temps de repos sont ménagés par l'opérateur pour éviter des effets thermiques associés trop importants qui pourraient entraîner des complications post opératoires.  L'utilisation de l'aspiration à proximité immédiate de la zone traitée est très utile.


Fig. 4 : Éviction gingivale laser assistée et résultat obtenu
   
Pose du champ opératoire et reconstruction des parois

La limite dentaire ainsi dégagée permet la mise en place d'un champ opératoire satisfaisant (Fig. 5A). La reconstruction des parois résiduelles est alors faite en résine de reconstruction injectable dual (MultiCore® Flow Ivoclar Vivadent) associée à un système adhésif performant (MR3 : All-Bond 2®).

Retraitement endodontique

La cavité d'accès endodontique est retaillée, et les entrées canalaires dégagées. Le retraitement canalaire est réalisé par un système de rotation continue classique associé à une décontamination par une solution d'hypochlorite de sodium à 3% activé par laser diode en utilisant la fibre de 200 µm (Fig. 5B).


Fig.5 - A - Champ opératoire  - B - Décontamination intra canalaire avec l'embout de 200 µm
C - Radio postopératoire

    
Reconstitution corono-radiculaire collée

A l'issue, la cavité d'accès est parfaitement nettoyée des résidus de matériaux d'obturation endodontique. Un micro-sablage vient parfaire la préparation de la cavité et la préparer au collage d’une reconstruction par tenon fibré avec la même résine dual et le même système adhésif qu'en début de séance.

Une radiographie post opératoire permet de contrôler la réalisation du tenon et le polissage cervical de la restauration. (Fig. 5C)

Réalisation de la prothèse provisoire et cicatrisation gingivale

La dent peut alors être préparée et la prothèse provisoire réalisée dans la séance. Selon le plan de traitement du patient, cette dernière étape peut être différée en toute sécurité : la reconstruction en résine assure une résistance mécanique et une étanchéité suffisante en interséance.

Autre cas clinique

Les figures 6 a b et c illustrent une situation plus critique : une fracture associée à une reprise de carie sous la coiffe de la dent 35. Le patient revient quelques semaines plus tard : la coiffe et une partie de l'inlay core sont descellés. Il est décidé en accord avec le patient de réaliser la dépose de l'extrémité de l'inlay core fracturé dans la racine, et de refaire une nouvelle coiffe.

 

Fig. 6 : - A - Fracture radiculaire sous coiffe -  B - Inlay core fracturé  -  C - Retraitement endodontique sous digue

 
Une gingivectomie empiétant largement l'espace biologique est réalisée selon le protocole décrit ci-dessus. Le traitement endodontique est repris sous champ opératoire suivi de la reconstitution corono radiculaire collée, puis de la taille de la dent et la confection d'une coiffe provisoire en résine bis-acryl par auto-moulage. L'ajustage cervical de la coiffe provisoire est travaillé par rebasages successifs et la tension des points de contacts proximaux réglée. (Fig.7A)

Ces ajustages ainsi que le polissage et le lustrage final ont une importance capitale dans la qualité de la cicatrisation gingivale et permettront de conserver le profil d'émergence prothétique initial. Le résultat de la cicatrisation gingivale à 3 semaines lors de la prise d'empreinte est présenté en figure 7B.

Fig. 7  – Coiffe provisoire et cicatrisation gingivale
Conclusion

L'allongement coronaire en pratique quotidienne est un acte extrêmement fréquent que ce soit dans le domaine de la dentisterie restauratrice comme dans le domaine prothétique. Le laser diode 980 nm permet cette gingivoplastie et induit une cicatrisation rapide et de qualité optimale et sans nécrose des tissus adjacents. L'effet photo ablatif d'un tel laser pénétrant est obtenu en mode continu et la variation de puissance permettra de s'adapter à la nature et à la quantité de gencive à retirer.
L'intervention est bien vécue par les patients tant en peropératoire par l'absence de saignement qu'en post-opératoire en évitant les douleurs liées aux décollements muco-périostés ainsi que les sutures. Cet aménagement gingival ne fait pas forcément l'objet d'une séance à part entière mais est le plus souvent associé à une séance plus complète comportant d'autres actes y compris de pose de champ opératoire et de collage.


Traitement des lésions péri-apicales d'origine endodontique

Les complications inflammatoires et infectieuses d'origine endodontique sont fréquentes qu'elles soient chroniques ou aiguës. Elles peuvent être découvertes de façon fortuite pour les lésions chroniques mais peuvent faire l'objet d'un tableau clinique bruyant pour les épisodes aigus (douleurs, abcès ...). Ce dernier cas est générateur de rendez-vous d'urgence dans nos cabinets, situation peu souhaitable à la fois pour le patient qui souffre mais aussi pour le praticien et son équipe qui ne doivent pas voir leur organisation quotidienne perturbée par un trop grand nombre d'urgence. Ces pathologies, témoins de la présence d'un biofilm bactérien intracanalaire constitué, doivent donc trouver une réponse efficace et fiable dans le temps afin de pouvoir conserver la dent sereinement sur l'arcade.
Au travers du cas clinique suivant nous verrons comment les propriétés du laser diode apportent une réponse satisfaisante à ces complications.

Anamnèse et Diagnostic :

Une patiente de 73 ans se présente à la consultation avec une douleur intermittente au niveau de la dent 32. L'examen clinique relève une reconstitution coronaire importante ainsi qu'un test à la percussion transversale positif.
La radiographie rétroalvéolaire révèle une lésion périapicale en regard de cette dent associée à une traitement canalaire insuffisant et comportant un lentulo fracturé sur toute la hauteur de la racine (Fig 8A).


Fig. 8 :  A - Situation initiale -  B -  Détermination de la longueur de travail

Traitement
Retraitement endodontique

Une digue unitaire est mise en place et la cavité d’accès endodontique réalisée. Le lentulo est assez libre dans le canal et retiré sans difficulté. Le canal est préparé par instrumentation à rotation continue (ProTaper®) et la longueur de travail mesurée par localisateur d'apex électronique. Une radio de contrôle peut être nécessaire (Fig. 8B).

L'irrigation se fait avec de l'hypochlorite de sodium à 3% entre chaque séquence d’instrumentation. Cette irrigation abondante et fréquemment renouvelée permet d'évacuer les débris générés par l'instrumentation et de maintenir une solution chimiquement active durant toute cette phase d'alésage. En effet l'hypochlorite est rapidement inactivé au contact des débris dentinaires et des tissus endo canalaires.
L'hypochlorite de sodium permet la dissolution des composés organiques. Les composés inorganiques, constituants majoritaires des boues dentinaires ne sont pas dégradés par cet antiseptique.

Ainsi, une fois l'alésage canalaire terminé la phase de décontamination finale de l'endodonte est réalisée comme suit :

- rinçage au NaOCl 3% combiné à l'irradiation par laser diode en utilisant le Tip de 200 µm.

Ce diamètre très fin de fibre est spécifique des traitements endodontiques et possède un code couleur bleu en relation avec l'interface de réglages. Cet embout est inséré de façon passive dans l'hypochlorite jusque dans le tiers apical du canal si l'anatomie canalaire le permet. Des repères de longueur peuvent être pris à l'aide d'une réglette endodontique (Fig. 9).
Un réglage "moyen" à 6000 Hz avec un Ton de 33 µs et une puissance de crête de 2,3 Watts est choisi. La puissance moyenne est alors de 0,4 Watt.
Le Ton correspond à la durée d'émission du laser à 2,3 Watts et le Toff de 133 µs correspond au temps de repos qui permet le refroidissement tissulaire. Un réglage plus fort avec une puissance plus élevée à 2,8 Watts (Ton diminué à 20 µs et Toff 80 µs) est utilisé dans les cas de parodontites apicales de plus grand volume.
La fibre ne reste pas statique dans le canal durant l'irradiation qui dure dans ce cas une quinzaine de secondes. Grâce à des mouvements de va et vient la répartition de l'élévation thermique est maitrisée. (Il est également possible d’effectuer plusieurs irradiations de 5 à 10 secondes avec des temps de repos intermédiaires).
Ces modes pulsés permettent une décontamination efficace sur un volume suffisant, englobant la racine et le péri-apex tout en contenant parfaitement l'élévation de température au niveau dentinaire et parodontal.

La solution d'hypochlorite peut se troubler, témoin de la dissolution de débris organiques. Ce rinçage avec irradiation est alors renouvelé jusqu'à ce que la solution d'hypochlorite reste limpide.


Fig. 9 – Tips endodontiques et réglage de décontamination en Endodontie
                                                             
- Ensuite un bain d'EDTA à 17% d'1 minute permet l'évacuation des boues dentinaires sans induire une déminéralisation trop importante des parois canalaires.

- De l'eau oxygénée à 3% est injectée dans le canal dont les tubuli dentinaires sont dégagés. Une action décontaminante en profondeur peut alors être réalisée par Photothérapie dynamique (sans colorant) avec le même réglage que précédemment (Fig. 9).

De nombreuses études montrent que cette photothérapie dynamique offre une décontamination quasi parfaite et significativement supérieure à l'utilisation de l'hypochlorite de sodium / EDTA sans laser.

Le séchage canalaire est réalisé par aspiration des liquides à la seringue puis avec des pointes de papier stériles et enfin complété par un réglage thermique du laser à 1,2W en continu pendant 2 à 3 secondes.
Enfin le canal est obturé par un cône de gutta ajusté selon le principe du Tugback et enduit d'une petite quantité de ciment endodontique à base d'eugénol. La compaction est faite au Gutta-Condensor.(Fig 10A)


Fig. 10 : A - Radiographie postopératoire – B - Reconstitution corono-radiculaire –
C - Radiographie à 6 mois postopératoire

Reconstitution corono-radiculaire collée et coiffe provisoire

Dans la séance et selon le même protocole que décrit en première partie de l'article, une reconstruction corono-radiculaire collée par tenon fibré et résine est faite sous champ opératoire. La dent est taillée et une coiffe provisoire minutieusement ajustée et polie est scellée provisoirement. Celle-ci restera en place les 4 à 6 mois nécessaires à la cicatrisation de la lésion péri apicale. (Fig. 10B)

Cette étape de fermeture coronaire est essentielle. Il est primordial de refermer la cavité d'accès endodontique de façon étanche et fiable, sous peine d'anéantir les efforts de décontamination fournis jusque là.

Cicatrisation
Une fois la cicatrisation de la lésion constatée radiographiquement, la coiffe d'usage est réalisée. (Fig.10C)


Conclusion

De nombreuses études aujourd'hui disponibles montrent la supériorité significative des traitements endodontiques lasers assistés par rapport à des traitements sans laser et ce à tous point de vue.
Les lasers Diodes sont particulièrement bien adaptés aux traitements décontaminants des omnipraticiens.
Les propriétés pénétrantes de cette longueur d'onde dans les tissus mous autant que dans les tissus durs rendent l'utilisation du laser diode extrêmement simple et sécurisante en endodontie :
- gestuelle simple
- pas de risque de création de butée intra canalaire
- contrôle de l'élévation de température
- décontamination quasi parfaite de l'endodonte
- décontamination des zones inaccessibles à l'irrigation et à l'instrumentation y compris le péri-apex
- réduction des douleurs post opératoires
- pronostic de guérison très fiable

CONCLUSION

Le laser diode 980 nm est un outil fiable, efficace et ergonomique à l'utilisation. L'adjonction de cette longueur d'onde à l'exercice d'omnipratique permet de rendre nos protocoles encore plus sûrs et reproductibles, tout en diminuant les conséquences post opératoires de nos actes et en augmentant le confort du patient. Sa polyvalence en fait un laser de choix en omnipratique.
Accessible à tout praticien désireux de parfaire sa pratique dans la vision d'une dentisterie plus conservatrice et respectueuse de la santé de nos patients. La gestuelle associée à l'utilisation de cette longueur d'onde est de mise en œuvre simple.
Une formation universitaire est importante pour une maîtrise parfaite de la machine dans toute la polyvalence de ses effets.

Auteur Elisabeth Hollard-Milhem