Implants zygomatiques mise au point

Réhabilitation prothétique, soit pour un os maxillaire édenté avec une forte résorption soit pour des séquelles de tumeurs, traumatismes ou malformations congénitales

Parution LS 75, Septembre 2017. Auteurs : E.Massereau, I. Romanet, O. Richard, P.Tavitian, J. Lafont, C. Chossegros

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Introduction

Les implants zygomatiques ont été décrits pour la première fois par Branemark en 1988 dans un but de réhabilitation prothétique, soit pour un os maxillaire édenté avec une forte résorption soit pour des séquelles de tumeurs, traumatismes ou malformations congénitales. Mais, malgré de nombreux résultats positifs et encourageants, il existe en réalité peu de comparaisons aux protocoles standards et peu d’études d ‘efficacité à long terme.

 

Usinage

La conception initiale était celle d’un implant auto-taraudant en titane à surface usinée lisse. Les implants zygomatiques ont aujourd’hui une surface rugueuse et les plus utilisés sont constitués d’oxyde de titane. Sa porosité stimule la croissance osseuse sur et au sein de la surface et permet une meilleure ostéointégration.

Rappel anatomique

L’os zygomatique est un os de forme pyramidal. Il s’agit d’une structure solide pour l’ancrage d’un implant. L’os zygomatique est homogène et dense. La longueur moyenne d’os disponible est de 14mm.

Vue médiale

Vue latérale

Anatomie : classification ZAGA (Zygo Anatomy Guided Approach) (1)

La classification ZAGA, établie par Aparicio en 2011 à partir de 200 sites et TDM, est fonction de la morphologie prothétique et de la morphologie propre à l’os zygomatique, prenant en compte la paroi latérale de sinus, la crête alvéolaire et le processus zygomatique. L’objectif de cette classification est d’éviter une émergence palatine et ainsi un inconfort et des problèmes d’hygiène.


ZAGA 0 :
-paroi sinus : très plate
-1ère ostéotomie placée sur la crête alvéolaire résiduelle
-corps de l’implant : trajet intra-sinusien

 


ZAGA 1 :
-paroi sinus : légèrement concave
-1ère ostéotomie placée sur la crête alvéolaire résiduelle mais perfore la paroi sinusienne
-majorité du corps de l’implant : intra-sinusien

ZAGA 2 :
-Paroi sinus : plus concave
-corps de l’implant : surtout extra-sinusien
-Pas d’espace entre le corps de l’implant et la paroi du sinus maxillaire

ZAGA 3 :
-1ère ostéotomie réalisée côté palatin de la crête alvéolaire
perfore la paroi sinusienne
rejoint l’os zygomatique dans une position + craniale
-Le milieu du corps de l’implant ne touche pas la paroi sinusienne extra-sinusienne

ZAGA 4 :
-Maxillaire atrophié avec des défauts horizontaux et verticaux
-Extra-maxillaire

 

Indications (2)
Les implants zygomatiques trouvent leur place en cas d’atrophie maxillaire avancée.
Bedrossian et al. ont décrit 3 zones à considérer afin de faire un choix thérapeutique : la zone 1, prémaxillaire (canine à canine), la zone 2 (prémolaires) et la zone 3 (molaires).

 

En fonction de la hauteur d’os disponible dans ces zones, le chirurgien doit opter pour une solution implantaire zygomatique ou mixte (zygomatique(s) + implants standards).

Présence d’os Approche chirurgicale
Approche chirurgicale Implants axiaux traditionnels
Zone 1, 2 4 implants traditionnels +
implants postérieurs inclinés
Zone 1 2 implants zygomatiques +
2 ou 4 axiaux
Pas d’os disponible 4 implants zygomatiques

Evaluation pré-chirurgicale (3)
L’évaluation pré-chirurgicale passe par un examen clinique approfondi :
-profil et contours faciaux,
-habitudes parafonctionnelles
-relations maxillaires horizontale et verticale
-orientation du plan occlusal
-relation occlusale
-état dentaire
Le chirurgien devra s’assurer de l’absence de pathologie sinusienne, le cas échéant la prendre en charge préalablement à l’intervention chirurgicale.
La recherche d’un tabagisme ne doit pas être oubliée et le sevrage est indispensable.

La réalisation d’un guide chirurgical, en accord avec le chirurgien dentiste réalisant la prothèse est nécessaire. Celui-ci consiste à réaliser un duplicata en résine acrylique transparente de la prothèse amovible existante ou du pré-montage en cire.


Contre-indications
Les contre-indications absolues sont :
-les infections sinusiennes aigues
-les pathologies osseuses de l’os maxillaire et/ou de l’os zygomatique
-les contre-indications à l’anesthésie générale

Les contre-indications relatives sont :
-les sinusites infectieuses chroniques
-la prise de biphosphonates
-un tabagisme important

Biomécanique
-En fonction du nombre d’implants :
Il existe une plus grande tendance à fléchir sous les charges horizontales. Deux facteurs interviennent dans cette notion : une longueur accrue des implants (30 à 52,5) et un support osseux limité (crête alvéolaire).
Les implants doivent être reliés de façon rigide à d’autres implants classiques et stables dans la région maxillaire antérieure.

-En fonction des mouvements de flexion :
Défavorables, ils compromettent la stabilité à long terme d’une restauration implantaire. L’objectif est donc de diminuer les mouvements de flexion. L’optimisation de la répartition des forces se fait en stabilisant complètement l’arcade, en diminuant les bras de leviers vestibulaires, en diminuant les extensions mésiales/distales et antérieures/postérieures et enfin en équilibrant l’occlusion.


Intervention chirurgicale (4,5,6,7)
-MATERIEL
L’ensemble du matériel nécessaire est iconé dans le tableau.


Il existe différents forets, implants et piliers. Les différentes longueurs d’implants disponibles sont : 30, 35, 40, 42,5, 45, 47,5, 50 et 52,5 mm.


    

-INTERVENTION
Sous anesthésie générale, on réalise une voie d’abord type Le Fort I ou crestale.


Le décollement est palatin, en direction du foramen orbitaire, du cintre maxillo-zygomatique tout en protégeant et contrôlant l’orbite. On réalise une désinsertion des fibres médiales du masséter.

 


On réalise ensuite une fenêtre de 10 par 5 mm sous le corps de l’os zygomatique sur la paroi latérale du sinus. Les objectifs sont de garder une muqueuse sinusienne intacte, de contrôler la séquence de forage et de contrôler le placement de l’implant.

Le forage se fait à une vitesse de 2000 tours/minute et l’implant se place à une vitesse de 45 tours/ minute. Le couple de serrage maximum pour l’installation de l’implant est de 50Ncm.


Zone terminale de forage dans l’os zygomatique

La mise en place d’un écarteur permet de guider la pose de l’implant.

A 2000 tours/minute, sont passés successivement : fraise boule à col très long, twist drill (2,9) jusqu’à perforation de l’os zygomatique au niveau de l’incisure.
Puis pilot drill (2,9-3,5) et twist drill terminal (3,5).

 

Ensuite, la jauge de profondeur permet de visualiser le point de sortie de l’implant au niveau de la face externe de l’os zygomatique avec 6 à 11 mm intra-osseux.

 


Enfin, on procède à la mise en place de l’implant à 45 tours/minute à 50Ncm.


On retire ensuite le porte-implant et on met en place le pilier.

 

 

On suture enfin avec du fil résorbable 3-0.

MISE EN CHARGE


Initialement, Branemark avait décrit une mise en charge en deux temps qui a été peu à peu remplacé par une mise en charge immédiate et une conception prothétique en un seul temps.

Complications (8)
Les complications sont :
-lésions orbitaires
-perforation de la paroi postérieure du sinus maxillaire ou de la fosse infra temporale
-saignement per-opératoire
-lésions du nerf infra-orbitaire
-pathologie sinusienne
-lésions labiales pendant le forage.

Contrôle post-opératoire
Un panoramique dentaire post-opératoire est indispensable pour vérifier le bon positionnement des implants dans l’os zygomatique.

Taux de survie (2, 9, 10, 8, 11, 12, 13,14)
Le taux de survie est supérieur à 90 % quelque soit la technique utilisée. Aparicio a décrit des critères de réussite qui sont : la stabilité de l’implant, la douleur post-opératoire, la présence d’une pathologie sinusienne, la préservation des tissus mous péri-implantaires et enfin l’existence d’une compensation.

Conclusion


Les implants zygomatiques sont une bonne alternative aux greffes osseuses avec la possibilité d’une mise en charge immédiate et ainsi une durée globale de traitement écourtée.

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Bibliographie
1.     Aparicio C. A proposed classification for zygomatic implant patient based on the zygoma anatomy guided approach (ZAGA): a cross-sectional survey. Eur J Oral Implantol. 2011;4(3):269‑75.
2.     Aparicio C, Manresa C, Francisco K, Claros P, Alández J, González-Martín O, et al. Zygomatic implants: indications, techniques and outcomes, and the zygomatic success code. Periodontol 2000. oct 2014;66(1):41‑58.
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