Implantologie basale et nouvelles technologies

Implantologie basale et nouvelles technologies

Auteur :
Dr. Gérard Scortecci
Mr. Laurent Morin, prothésiste dentaire

En attendant le webinar du Dr Renaud Petitbois le Mercredi 3 Février 2020 à 18:00.

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Revenons sur l'implantologie basale.

 

Dr. Gérard Scortecci
Mr. Laurent Morin, prothésiste dentaire

Cet article illustre les avancées au niveau biologique et prothétique qui permettent de relever les défis esthético-fonctionnels posés par l’édentation lorsque les déficits tissulaires sont importants.

 

Cas clinique (Fig. 1-3)


Il s’agit d’une personne de 69 ans édentée totale maxillo-mandibulaire. Elle ne supporte absolument pas sa prothèse totale du haut bien que la tenue et l’esthétique soient correctes. Elle considère cette situation comme une déchéance qu’elle refuse d’accepter. Elle a cessé de fumer il y a 3 ans.
La reconstruction 3D montre un maxillaire atrophique extrême avec de nombreuses interruptions osseuses dans les régions para sinusiennes. Une séance d’ostéotenseur de 18 à 28 a lieu début mai 2013. La matrice osseuse se révèle globalement de type IV avec des secteurs en coquille d’œuf qui se laissent facilement pénétrer avec l’ostéotenseur manuel. Une prescription d’Orocal D3 et de vitamine D (Dedrogyl) est également administrée.

Parallèlement, des empreintes sont réalisées et de nouvelles prothèses complètes haut et bas sont mises en place de façon à bien délimiter la future zone idéale d’émergence implantaire. Il est prévu un total de 6 implants basaux : 4 plaques (2 zygomatiques et 2 piliers canins) et 2 ptérygoïdes. L’Intervention a lieu 45 jours après la séance d’ostéotenseur.

 

Première intervention fin juin 2013


La patiente a été opérée sous AG avec retransmission en direct aux étudiants dans le cadre du Diplôme Universitaire d’implantologie Basale. Après dégagement large et total des lambeaux vestibulaire et palatin, un implant ptérygoïdien est placé en 28 alors qu’en 18 la pose du second implant s’avère impossible du fait de l’étroitesse extrême du maxillaire à ce niveau. Il est alors décidé de réaliser un apport de biomatériau et de mettre fin à l’intervention. Seul l’implant solidement ancré en 28 reste en place (Fig. 4). 24 heures plus tard, la prothèse totale est remise en bouche. La patiente reçoit les explications concernant la nécessite de reporter la pose des implants. Ce contre temps est accepté car elle avait été prévenue à l’avance de cette possibilité. Les étudiants assistant en direct à la chirurgie ont pu discuter des raisons qui nous ont conduit à remettre à plus tard la pose des implants. Le principal argument était de ne pas compromettre définitivement le site et de conserver toutes ses chances à la patiente.

Suivi et corrections


La patiente est suivie de 2 mois en 2 mois. Au bout du 2ème mois (début septembre), l’implant en 28 est expulsé (Fig. 5), probablement pour des raisons mécaniques consécutives à l’appui de la prothèse maxillaire bien qu’évidée largement à ce niveau. Une nouvelle séance d’ostéotenseur est programmée de 18 à 28.

Deuxième intervention fin octobre 2013 (Fig. 6-10)


La patiente a été réopérée sous AG, de nouveau avec retransmission en direct lors d’une autre session du DUIB. A notre grande satisfaction, les deux tubérosités ont gagné en densité et en volume. Deux implants ptérygoïdiens h 19 mm ont pu être solidement ancré en 17-18 et 27-28 ; 2 Diskimplants à plaque ostéosynthèse ont été placés en pilier canin en 13 et 23 et deux autres verrouillés sur les apophyses zygomatiques avec émergence en 26 et 16.

Un bridge vissé de forte rigidité avec une entretoise transpalatine de 16 à 26 est mis en place à 72 h. Les suites ont été sans histoire. La patiente a été suivie régulièrement, pas d’hématome, aucune infection, les sinus sont clairs. La satisfaction est totale car elle pensait après le premier échec qu’on baisserait les bras et la laisserait avec son dentier, ce qui, effectivement, était une possibilité.  Aujourd’hui, presque 6 mois plus tard, tout est en ordre. Le bridge va être démonté fin avril, les implants testés à l’unité et la barre transpalatine retirée. La patiente demeurera avec des dents titane-résine (Phonares pour les antérieures et Premium de chez Kulzer pour les postérieures) sur armature titane/chrome-cobalt.

La satisfaction est totale au plan esthétique et fonctionnel (Fig. 11). Elle nous a fait part de son désir de réaliser le bas. Cela ne pourra être envisagé que deux ans après la consolidation des implants maxillaires lorsque l’on aura obtenu un os fonctionnel capable de supporter les forces supérieures à celles de l’appareil complet mandibulaire actuel.


Discussion


La patiente a totalement coopéré et  n’a jamais perdu confiance malgré l’échec de la première intervention. Elle a accepté 45 j après la pose du dispositif fixe maxillaire avec mise en charge fonctionnelle immédiate de se nourrir uniquement d’aliments mixés. Par la suite une alimentation souple a pris le relais. Sur le plan de l’hygiène et de la maintenance les conseils ont été scrupuleusement suivis. Le réglage de l’occlusion tant au niveau de la hauteur que des engrènements est fondamental pour ne pas déséquilibrer l’ensemble, notamment par des surcharges non corrigées qui peuvent mettre en péril le dispositif ostéoancré maxillaire tant que le tissu osseux n’a pas atteint une résistance suffisante, ce qui va prendre environ 6 mois. La barre transpalatine transitoire (Fig. 12) est nécessaire pour augmenter la rigidité du fixateur externe permettant une stabilité absolue des implants, condition indispensable à leur ostéointégration.


Conclusion


L’activation ostéogénique et les implants basaux de nouvelle génération sont des outils thérapeutiques efficaces et fiables. Ils ont permis de progresser dans le traitement de l’invalidité buccale majeure difficilement gérable avec les techniques conventionnelles. Les reprises et les corrections en cas de difficulté sont simples et permettent un retour à des dents fixes dans des délais raisonnables.


Bibliographie

Ansel A, Menetray D, Cotten P, Stenger A. Atrophies maxillaires et technique Diskimplant. Implantologie basale : « mode d’emploi ». Implantologie, nov. 2010, 95-109

Odin G, Misch CE, Binderman I, Scortecci G. Fixed rehabilitation of severely atrophic jaws using immediately loaded basal disk implants after in situ bone activation. JOI, Vol XXXVIII, n° 5, 2012, 611-616

Odin G, Sévalle M, Scortecci G. La « révolution ostéogénique ». Chirurgien-Dentiste de France n° 1398 du 18 juin 2009, 49-52

Petitbois R. L’implant à plaque ; une révolution en implantologie basale. Alpha Omega News, n° 120, octobre 2008, 11-12

Scortecci G, Odin G. Diskimplant à plaque basale ostéosynthèse. Surmonter les situations complexes. Alpha Omega News, n° 120, octobre 2008, 18-20

 

Parution LS, anciennement la Lettre de la Stomatologie 61 - Mars 2014


LEGENDES DES FIGURES


Fig. 1    Aspect préopératoire

Fig. 2    Atrophie maxillaire extrême

Fig. 3    Il y a par endroit moins d’un mm d’épaisseur

Fig. 4    Seul l’implant en 28 a été laissé en place.

Fig. 5    Perte de l’implant 28 2 mois plus tard


Fig. 6    Reprise totale en basale avec bridge vissé et barre transpalatine.

Fig. 7    Il n’y a pas d’hématome post op.

Fig. 8    Maître modèle avec barre transpalatine

Fig. 9    La gencive artificielle a été diminuée des 2/3 par rapport à la prothèse totale amovible.

Fig. 10    Intrados du bridge de contention immédiat

Fig. 11    Aspect esthétique final

Fig. 12    Barre transpalatine en place ; elle sera retirée 6 mois post op.