Empreinte traditionnelle et d’une empreinte optique pour la CFAO

Comparaison du flux de travail numérique issu d’une empreinte numérique est-elle supérieure à l'empreinte traditionnelle? Cas concret comparatif pour la CFAO chez un même patient pour des prothèses tranvissées

 
Parution LS 82, Septembre 2019
Auteurs : Dr Michael MECHALI, Dr Didier BRECHET, Professeur Jacques-Henri TORRES
Ce travail a été réalisé dans le cadre du Diplôme d’Université d’implantologie clinique mention chirurgie et réhabilitation orale de la Faculté d’Odontologie de Montpellier


Introduction


La prothèse implantaire peut être réalisée par plusieurs méthodes selon qu’on utilise ou non un scanner intra-oral et selon que la prothèse est réalisée au cabinet ou au laboratoire. Nous avons mis en œuvre 2 flux de travail numériques pour ce cas clinique : semi-direct et indirect, pour la réalisation de prothèses transvissées implantaires au laboratoire.
 
 
Matériels et Méthode :
4 implants Dentsply Sirona® Osseospeed EV ont été placés en position de 16,17, 24 et 26.
Dans le secteur I, nous avons employé un scanner intra-oral, l’Omnicam (Cerec®) pour réaliser une empreinte optique et la CFAO semi-directe pour des prothèses transvissées unitaires.
Après 4 mois d’intégration, un matériau d’empreinte Polyvinyl-siloxane, l’Aquasyl Ultra+ (Dentsply Sirona®), a été utilisé pour la CFAO indirecte d’un bridge transvissé sur 2 implants secteur II.
Ce double-flux de travail a été mise en œuvre au laboratoire de prothèse et au centre Atlantis pour la réalisation de prothèses transvissées.
 
Résultats
La prothèse issue de l’empreinte traditionnelle apparaît comme étant tout à fait précise, adaptée et avec un profil d’émergence personnalisé esthétique et fonctionnel compatible avec une bonne maintenance péri-implantaire.
Toutefois, un gain de précision, de temps et de confort, ainsi qu’une réduction du nombre de vissages-dévissages ont été constatés avec la prothèse transvissée issue de l’empreinte optique.
 
Conclusions :

Dans ce cas clinique, un flux totalement digitalisé d’une part et un flux numérique provenant d’une empreinte traditionnelle d’autre part ont été menés avec un bon résultat.
L’empreinte optique a paru apporter un certain nombre d’avantages par rapport à l’empreinte traditionnelle.
Une étude comparative sur un plus grand nombre de cas et sur des prothèses identiques permettrait de confirmer l’avantage de cette méthode de CFAO de prothèses supra-implantaires. Un suivi à long terme serait nécessaire pour valider dans le temps ces résultats et permettre de comparer la pérennité des prothèses et des tissus péri-implantaires.

Mots-clés : implant dentaire, prothèse implantaire, empreinte optique, dentisterie numérique, empreinte traditionnelle, CFAO, sinus-lift


Présentation du cas clinique

 
Une patiente âgée de 70 ans s’est présentée en consultation pour un bilan implantaire en vue de traiter son édentement maxillaire postérieur bilatéral.
Elle était en bonne santé, sans antécédents médicaux notables ni habitudes nocives.
A l’examen clinique (Figures 1 à 4) on a constaté une dimension verticale d’occlusion et des courbes compensatrices acceptables. Le biotype parodontal était épais, de type I selon la classification de Maynard et Wilson.
Il s’agissait d’un édentement de 16, 17 et de 24 à 27.
 
Fig 1
 
 
Fig 2
 
Fig 3
 
Fig 4
 
Un montage directeur (Figures 5 à 7) a été confectionné en vue de définir le projet prothétique implantaire :
 
Fig 5
 
Fig 6
 
Fig 7
 
Fig 8
 

Côté droit : réhabilitation de 16 et 17 par 2 couronnes unitaires transvissées
Côté gauche : réhabilitation des dents 24 à 26 (qui répond à l’arcade courte secteur III) par un bridge de 3 éléments transvissés sur 2 implants
L’examen radiographique Cone Beam CT (Figure 8)  a révélé une hauteur osseuse sous-sinusienne résiduelle insuffisante pour placer des implants : environ 1 à 5mm à gauche et 4mm à droite.
 
Nous avons proposé le plan de traitement suivant :
  • Comblements osseux sous-sinusien droit et gauche par abord latéral
  • Pose de 4 implants à 6 mois
  • Réalisation de prothèses implantaires transvissées unitaires côté droit par CFAO semi-directe et plurales côté gauche par CFAO indirecte
  • Maintenance
 
Lors du premier temps chirurgical, nous avons pratiqué sous anesthésie locale une double reconstruction osseuse sous-sinusienne par abord latéral par xénogreffe (Geistlich Bio-Oss®).
Après 6 mois de cicatrisation, l’examen 3D pré-implantaire a montré un gain osseux suffisant des 2 côtés (Figure 9).
 
Fig 9
 
 

Dans le site de l’implant 24 nous avons observé au Cone Beam CT une divergence d’environ 20° entre l’axe prothétique idéal et celui du volume osseux. Nous avons sélectionné un pilier angulé pour rattraper ce décalage et ne pas compromettre la réalisation de la prothèse transvissée plurale.
Sur 16 et 17 des couronnes céramiques transvissées unitaires seront réalisées.
 
Nous avons choisi de positionner 4 implants Dentsply Astra Tech Osseospeed EV® (Figure 10) :
16 : 4,8x13mm C (Conique)
17 : 4,8x11mm C (Conique)
24 : 4,2x13mm S (Droit)
26 : 4,8x13mm C (Conique)
 
Fig 10
 
Ils ont été placés dans les sites comblés (Figures 11 et 12) avec une bonne stabilité primaire (torque d’environ 30N).
 
Fig 11
 
Fig 12

En fin d’intervention, deux piliers de cicatrisation ont été posés sur les implants 16 et 17 (Figure 13).
 
Fig 13

Sur 24 et 26, 2 piliers intermédiaires ont été positionnés : le pilier angulé à 20° et le pilier Uni® droit avec leur capuchon de protection (Figure 14).
 
Fig 14

A 4 mois, nous avons obtenu une bonne ostéointégration des 4 implants ainsi qu’un bon positionnement des tissus mous péri-implantaires.
Lors de la phase prothétique, un double flux de travail en CFAO a été traité au laboratoire : l’un issu d’une empreinte traditionnelle (CFAO indirecte), et l’autre issu d’une empreinte optique (CFAO semi-directe), pour la réalisation de prothèses supra-implantaires.


Réalisation de la prothèse transvissée sur les implants 24 et 26 par CFAO indirecte :

 

1ère séance : Prise des empreintes primaires
Au laboratoire : confection d’un porte-empreinte individuel
2ère séance : Prise d’empreinte à ciel ouvert sur les piliers intermédiaires (Figures 15 et 16) : Uni droit en 26 et angulé à 20° sur 24, à l’aide du porte-empreinte individuel et d’un matériau polyvinyl-siloxane, l’Aquasyl ultra +® (Dentsply Sirona®)
 
Fig 15
 
Fig 16
 
Fig 17
 
Au laboratoire : coulée des modèles en plâtre et réalisation d’une clé de validation en plâtre
 
Fig 18
 
Fig 19
 
3ème séance : Mise en place d’une clé en plâtre pour valider la passivité de l’armature du bridge transvissé. Contrôle radiologique.
 
Au laboratoire : Scan des modèles, élaboration d’un wax-up numérique, et CFAO de l’armature Chrome-Cobalt du bridge par le laboratoire Atlantis® (Figure 20 à 22)
 
Fig 20
 
Fig 21
 
Fig 22
 
4ème séance : Essayage de l’armature titane du bridge 24-26 et contrôle radiologique ;
Montage du cosmétique par notre laboratoire : céramique Vita® (Figure 25).
 
Fig 25
 
 
5ème séance : Mise en place du bridge céramo-métallique transvissé sur 24 et 26.
Vérification de l’occlusion statique et dynamique, et conseils d’hygiène à la patiente (Figures 26 à 30).
 
Fig 26
 
 


Réalisation de la prothèse transvissée sur les implants 16 et 17 par CFAO semi-directe :

1ère séance : Prise d’empreintes numériques à l’aide de la caméra Cerec Omnicam® et du logiciel Sirona Connect® après dévissage des piliers de cicatrisation (Figure 18).
Un second enregistrement est réalisé avec insertion de 2 piliers de scannage Atlantis Io Flo®.
Au laboratoire : réception des fichiers numériques STL (Standard Transformation Language), superposition des scans (Figure 19) et wax-up numérique pour conception des piliers personnalisés Custom-Base (Dentsply Sirona®). Puis, modélisation 3D des couronnes transvissées (Figure 23). Les couronnes céramiques sont collées sur les piliers Custom-Base.
Enfin, impression 3D d’un modèle de travail conçu virtuellement, utilisé comme support de communication pour le praticien et le patient (Figure 24).
2ème séance : Pose des prothèses transvissées, vérification de l’occlusion statique et dynamique (Figures 26 à 30) et contrôle radiologique.
 
Fig 26
 
Fig 27
 
Fig 28
 
Fig 29
 
Fig 30
 

Discussion


L’enregistrement numérique a permis une réduction du temps global de la réalisation et une réduction du nombre de rendez-vous pour la réalisation des prothèses transvissées implantaires. Avec davantage d’expérience, on peut imaginer réduire encore facilement ce temps de travail, en particulier le temps passé au fauteuil lors de l’empreinte.
 
 
                                                                        CFAO semi-directe                                                                                                                                   CFAO indirecte
Nombre de séances                                                          2                                                                                                                                                          5
Temps au fauteuil                                                        2h30                                                                                                                                                     1h30
Nombre de manipulations prothétiques implantaires       6                                                                                                                                                         14

 
 
Cette différence avait déjà été évoquée dans la revue systématique d’Ahlolm et coll. De 2018 (1). Ces auteurs avaient par ailleurs estimé que dans des réalisations prothétiques de petits édentements l’empreinte numérique et les techniques d’empreintes traditionnelles se valaient en ce qui concerne la précision des enregistrements.
Dès 2011, une étude in vitro (2) avait conclu de la même façon : la précision des enregistrements numériques est équivalente à celle des empreintes traditionnelles.
Pourtant dans leurs résultats la caméra Bluecam (Cerec®) semblait être 2 fois plus précise que le matériau d’empreintes Impregum (3M®). L’étude comparative d’Amin et coll. de 2017 (3) est la seule qui affirme une supériorité de la précision de l’empreinte optique d’arcade complète en prothèse supra-implantaire.
Les auteurs d’une méta-analyse de 2016 (4) expliquaient que certaines publications montrent la supériorité des techniques numériques par rapport aux empreintes traditionnelles et d’autres montrent l’inverse en prothèse fixée dento-portée.
Il est donc difficile de conclure, si bien qu’ils estimaient qu’il n’y a pas au final de différence significative dans la précision du joint périphérique d’une prothèse issue d’une empreinte optique et d’une empreinte traditionnelle.
 
Une équipe vient très récemment de proposer un protocole d’empreinte optique effectuée immédiatement après la pose d’implant pour réalisation de prothèse implantaire dans un flux totalement numérique (5). Ils ont constaté un gain de temps et d’efficacité. En revanche, la précision des prothèses reste similaire à celles issues d’un flux hybride issu d’empreintes traditionnelles.
 
Bien entendu, la précision des empreintes est opérateur-dépendante dans les 2 méthodes.
L’empreinte optique a été traitée par notre laboratoire sans altération des données liées au transport et à la coulée du plâtre ce qui offre un gain de précision et de rapidité (6).
Une réduction du nombre de vissages-dévissages des pièces prothétiques a aussi été observée dans le cas présenté. Ceci constitue un avantage non seulement pour le confort du patient et du praticien, mais aussi en termes de réduction du risque infectieux lié aux manipulations des connexions implantaires.
Le nombre des manipulations pour la réalisation du bridge transvissée a été plus important que pour les prothèses unitaires, mais elles étaient situées à l’étage muqueux au niveau des piliers intermédiaires, et non à l’étage osseux à l’interface implant-pilier.
La numérisation au fauteuil a permis au prothésiste d’éviter la coulée et la fabrication d’un porte-empreinte individuel, le montage en articulateur, le fractionnement du modèle etc…
Elle a amélioré la relation avec notre laboratoire puisque le logiciel de la caméra a validé en direct l’acquisition des données. Le flux de travail a été plus fluide, plus direct, et plus rapide. Elle a été un outil de communication avec le patient qui a visualisé les détails de sa bouche sur un écran en haute résolution.
En revanche, elle a nécessité un traitement informatique supplémentaire pour l’impression 3D du modèle de travail virtuel.
L’empreinte optique a été moins coûteuse que l’empreinte traditionnelle en ce qui concerne l’accastillage nécessaire, mais a nécessité un scanner intra-oral beaucoup plus onéreux que les matériaux d’empreinte et les portes-empreintes traditionnels. Son investissement ainsi que les différents coûts d’utilisation représentent un inconvénient.
Cependant, étant donné la réduction des temps opératoires une fois les techniques d’empreintes numériques maîtrisées, et la réduction des coûts de matériaux d’empreintes, on peut espérer amortir ces coûts au bout de quelques années d’utilisation.
Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature d’étude comparative sur la longévité des prothèses implantaires issues d’une empreinte optique par rapport à celles provenant d’empreinte traditionnelle.
 


Conclusion

 
La réalisation prothétique implantaire issue des 2 flux de travail de CFAO nous est apparue satisfaisante dans les 2 méthodes. Nous avons pu placer des prothèses transvissées fonctionnelles et esthétiques, respectueuses de l’environnement biologique péri-implantaire.
La supériorité apparente des techniques d’enregistrement numérique ne rend pas pour autant obsolètes les empreintes par technique traditionnelle.
Il n’existe pas à ce jour de consensus sur la précision des empreintes numériques ni sur les situations cliniques dans lesquelles elles sont préférables aux empreintes traditionnelles.
Il serait intéressant aussi de pouvoir comparer la pérennité de ces 2 prothèses et l’évolution de l’environnement biologique péri-implantaire dans le temps.
Références bibliographiques

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Digital Versus Conventional Impressions in Fixed Prosthodontics: A Review.
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Amin S, Weber Hp, Finkelman M, El Rafie K, Kudara Y, Papspyridakos P
Digital vs. Conventional full-arch implant impressions: a comparative study
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Chochlidakis Km, Papaspyridakos P, Geminiani A, Chen Cj, Feng Ij, Ercoli C.
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J Prosthet Dent. 2016 Aug;116(2):184-190.e12. doi: 10.1016/j.prosdent.2015.12.017. Epub 2016 Mar 2.
 

Remerciements

Nous remercions le laboratoire DTS à Montpellier pour son étroite collaboration pour la réalisation prothétique de ce cas clinique.