Conformation du volume tissulaire péri-implantaire sans greffe

Technique originale de conformation tissulaire péri implantaire, sans utilisation de technique ou matériel de greffe permettant d'augmenter le volume tissulaire sans greffe afin d'éviter la complexité, agressivité, morbidité et les coûts et durées des traitements que les greffes génèrent

 

Conformation  du volume tissulaire péri-implantaire sans greffe
Ali ELHAMID*, Sami ELHAMID**, Nada ELHAMID***, Hanane AIT KABBOUR***, Jean Pierre BERNARD****

Auteurs

Ali ELHAMID* : médecin Dentiste, professeur de l’enseignement supérieur, exercice privé Clinique Dentaire Casablanca
Sami ELHAMID** : Médecin, résident en chirurgie maxillo-faciale, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Casablanca
Nada ELHAMID*** : médecin Dentiste, exercice privé Clinique Dentaire Casablanca
Hanane AIT KABBOUR*** : médecin Dentiste, exercice privé Clinique Dentaire Casablanca
Jean-Pierre BERNARD**** : Médecin, professeur chirurgien maxillo-facial, Academy Internationale Suisse Suisse d’Osteointégration

 

Résumé :

La perte des dents entraine une modification de la morphologie de la crête alvéolaire, avec diminution de son épaisseur et de sa hauteur et apparition d’une concavité vestibulaire.

Dans l’espoir de compenser cette évolution de très nombreuse techniques visant à augmenter le volume osseux sont classiquement proposées. Ces techniques augmentent la complexité, agressivité, morbidité et les coûts et durées des traitements, elles font aussi courir le risque de complications liées à leur utilisation et celui de non stabilité des résultats.

La technique de pose des implants sans technique d’augmentation présentée dans cet article prend en compte le caractère physiologique de l’adaptation de la crête alvéolaire et n’utilise que les tissus existants et les principes biologiques de cicatrisation permettant une conformation  simple, efficace et pérenne des tissus implantaires  observés en utilisation clinique.

Les études cliniques en cours permettront de le confirmer  à long terme.

 

1. Introduction


Le traitement des édentements par prothèse implanto-portée est  aujourd’hui une procédure commune. Il est classiquement considéré que la  pose d’un implant nécessite la présence d’un volume osseux suffisant. Ce volume fait souvent défaut, en raison de la résorption de l’os alvéolaire secondaire à la perte des dents. Il est ainsi classiquement  fait appel à diverses  techniques chirurgicales supplémentaires  préalables ou simultanées à la mise en place des implants visant à l’augmentation du volume osseux.

De nombreuses techniques et matériaux ont été proposés  pour retrouver un volume osseux considéré comme nécessaire  à la pose des implants : greffe d’os autogène, allo et  xeno greffes ainsi que l’utilisation de nombreux matériaux alloplastiques, associées à différents types de  membranes. (Chiapasco et al, 1999 [9], Buser et al, 1998 [7], Pallesen et al, 2002 [14], Springer et al, 2004 [16]).  Ces techniques augmentent la durée et les coûts de traitements ainsi que la possibilité de survenue de complications. (Lorenzoni et al. 2002 [13], Chiapasco et al. [10], Angel Emmanuel Rodriguez et al.  2019 [1]). Elles sont également sujettes à une diminution progressive des volumes greffés.  (Hjorting Hansen E., 2002 [12], Antoun et al, 2007 [2] [3])

L’os alvéolaire est une structure osseuse dépendante des dents. Sa résorption est physiologique après la disparition des dents. Résorption importante et rapide dans les premiers mois suivant la perte de la dent qui se prolonge dans le temps. La résorption alvéolaire verticale reste plus discrète que la résorption horizontale, Bei Li & Yao Wang. 2014, [5]. La résorption horizontale est plus importante au niveau vestibulaire que lingual et peut atteindre un pourcentage important du volume initial. Cette différence de résorption est due au fait que le versant palatin de la crête est significativement plus épais et  plus  corticalisé que le versant  vestibulaire. Le versant alvéolaire  parfois très fin est aussi situé à l’extérieur de la crête alvéolaire  soutenu par la racine de la dent et vascularisé par le ligament alvéolo dentaire. La disparition de la dent, de son soutien mécanique et du ligament est suivie par la disparition inéluctable de la fine partie vestibulaire et ne peut être prévenue par la mise d’un implant (Araujo et Lindhe  [4]).
Dans l’idée de prévenir cette résorption post extraction, certains auteurs préconisent une pose implantaire immédiate souvent accompagnée de technique d’augmentation pour préserver le volume osseux existant.  Une étude récente,  qui compare la préservation du volume osseux sur des alvéoles implantés immédiatement sans et avec comblement osseux, n’a  constaté aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes après 12 mois. (Nurit Bittner et al [6]. Ces éléments indiquent que l’adaptation de la crête osseuse est physiologique et constante et ne peut pas être évitée à long terme par les techniques « d’augmentations » proposées actuellement.

La connaissance de cette adaptation physiologique constante a amené à proposer le placement des implants dans l’os natif en position constamment plus palatine que celle de la dent à remplacer. Buser et al. [8]
 
Dans cet article nous décrivons  une technique originale de conformation  tissulaire péri implantaire, sans utilisation de technique ou matériel de greffe  Cette technique est proposée en  deux temps, un temps osseux au moment de la pose de l’implant et un temps muqueux après son ostéo-intégration. Sur le plan osseux, nous réalisons expansion osseuse localisée de l’os natif.  Sur le plan muqueux, une technique de lambeau déplacé en vestibulaire. Les deux temps font appel aux tissus existants et aux mécanismes de cicatrisation biologique sans apport ni techniques de greffes. Le but est d’optimiser l’organisation des tissus naturels existants en respectant les principes biologiques permettant la stabilité du résultat obtenu.


2. Technique de mise en place des implants sans matériel d’augmentation.

 

2. 1. Mise en place implantaire


Les implants sont posés après exposition de la crête osseuse

  • La situation initiale montre constamment, l’adaptation morphologique de la crête avec finesse du rebord alvéolaire et  concavité vestibulaire. fig 1
     
  • Incision mésio-distale de pleine épaisseur au long de l’édentement réalisée de manière décalée en lingual/palatin avec éventuellement deux petites incisions de décharge en muqueuse kératinisée à ses extrémités. Et le lambeau muco-périosté décollé et réfléchi vers la face vestibulaire. Fig. 2
     
  • Forage initial, avec un foret pointeur, à la partie palatine de la crête.
    Lorsque l’épaisseur de la crête est très limitée le forage est entamé du côté lingual/palatin environ  2 mm plus apical selon un axe  non prothétique. Le forêt depuis le point de perforation palatin est fortement incliné en vestibulaire dans la direction du futur apex implantaire. Ce premier forage d’une profondeur de  6 mm est suivi d’un élargissement avec un foret pilote de l’ordre de 2 mm de diamètre selon le même axe et profondeur. Fig. 3
     
  • Un ostéotome ou un autre type d’instrument d’expansion est introduit dans le site (c), et une pression est exercée sur l’os vestibulaire pour le pousser  en vestibulaire. Fig. 4
     
  • Le forage est par la suite repris avec le même foret pointeur initial jusqu’à la longueur implantaire choisie, en l’orientant dans l’axe prothétique idéal  et en longeant la corticale interne. Fig. 5

    Le changement d’axe n’est nécessaire que si le passage du foret pilote risque d’affaiblir le côté vestibulaire.
     
  • La séquence de préparation habituelle du logement implantaire est poursuivie, éventuellement avec des expanseurs permettant si nécessaire de  repousser le versant vestibulaire.
     
  • L’implant est posé en  maintenant un espace de 0,5-1mm entre l’implant et le versant  vestibulaire repoussé. Aucun apport d’os ou de substitut osseux n’est nécessaire. le caillot sanguin  comble cet espace [8]. Fig. 6 et schéma 1
     
  • Cette  modalité permet de poser l’implant dans le capital osseux existant.      
    La stabilité primaire est assurée sans difficulté comme dans toutes les techniques d’expansion Fig. 7
     
  • Le lambeau est suturé au-dessus de l’implant sans utilisation de matériau d’augmentation Fig. 8
     

2. 2. Le temps muqueux :

  • Après le délai nécessaire à l’osteointégration le deuxième temps chirurgical est réalisé de façon spécifique.

  • Une incision horizontale mésio-distale, au long de la crête édentée est décalée du côté palatin ou lingual suffisamment permettre une conformation favorable du versant vestibulaire est réalisée en épaisseur partielle avec des petites incisions de décharges également en épaisseur partielle à chaque extrémité mésiale et distale. Fig. 8

  • Un décollement toujours en épaisseur partielle est effectué vers le côté vestibulaire permettant de  déplacer le lambeau muqueux du côté vestibulaire. Fig. 9.

  • Ce lambeau sera stabilisé soit par une couronne provisoire, dont la morphologie est adaptée au profil d’émergence souhaité fig. 10 et 11, soit par un pilier de cicatrisation  en cas de dents postérieures. fig. 12, 13 et 14. Aucune suture n’est réalisée.

 

A.       B.
Fig. 1 : situation initiale montrant la situation habituelle dans le site de l’incisive centrale supérieure droite. A, vue occlusale. B, vue vestibulaire
 


Fig. 2 : incisions et décollement d’un lambeau pleine épaisseur
 

A.    B.

Fig. 3 : A, un foret initial pointeur, décalé en palatin de 2-3mm entame le forage selon un axe fortement incliné en vestibulaire et visant la position du futur apex implantaire. Ce premier forage d’une profondeur de  6mm est suivi d’un élargissement avec un foret pilote  2 mm selon le même axe et profondeur. (B)

A.     B.

Fig. 4 : Un ostéotome ou instrument d’expansion est introduit dans le site (A), et le volet vestibulaire est poussé de 2-3mm plus vestibulaire (B)
 

A.     B.

Fig. 5 : Le forage est repris avec le même foret pointeur initial selon un axe prothétique adéquat en longeant la corticale interne jusqu’à la longueur implantaire choisie, (A). la séquence de forage classique est poursuivie sans contact avec le volet vestibulaire (B)

Fig. 6 : L’implant est posé en veillant qu’un espace de 0,5-1mm soit maintenu entre l’implant et le volet vestibulaire déplacé.

Fig. 7 : lambeau muco-périosté repositionné. La dépression vestibulaire est partiellement améliorée.

Schéma 1.

 

Fig. 8 : au deuxième temps chirurgical, Une incision horizontale mésio-distale, à épaisseur partielle, au long de la crête édentée est décalée du côté palatin ou lingual d’une valeur au moins égale au manque tissulaire vestibulaire.  Deux incisions vestibulo-linguales, aussi à épaisseur partielle, de part et d’autres de l’édentement, démarrant au niveau du début du manque tissulaire et rejoignant les extrémités de l’incision horizontale.

Fig. 9 : le lambeau d’épaisseur partielle est soulevé et poussé du côté vestibulaire

Fig. 10 : le lambeau muqueux est stabilisé par une couronne provisoire. Aucune suture n’est nécessaire.

Fig. 11 : résultat final montrant la conformation tissulaire favorable.

Fig. 12: vue occlusale d’une prémolaire absente avec perte tissulaire vestibulaire. Les incisions d’épaisseurs partielles sont tracées.

Fig. 13: le lambeau d’épaisseur partielle est soulevé et stabilisé par un pilier de cicatrisation

Fig. 14 : cicatrisation après 2 semaines montrant le gain tissulaire vestibulaire.

 

3. Discussion :

La modification de la forme de la crête alvéolaire avec apparition d’une concavité vestibulaire  est constante  après la disparition de la dent. Il s’agit d’une modification biologique et pas d’une perte osseuse pathologique comme elle est souvent décrite.

Les différentes techniques très fréquemment proposées pour augmenter le volume osseux,  qui ne prennent pas en compte le caractère physiologique de la modification de la crête alvéolaire secondaire à la disparition des dents, en particulier les greffes d’os autogène très fréquemment proposées augmentent la durée, la complexité, l’agressivité et les coûts des traitement et exposent à des risques de complication. [Hammerle et all 11] Ces augmentations, réalisées sans tenir compte des déterminants biologiques de la morphologie des crêtes alvéolaires, sont elles-mêmes exposées aux mécanismes d’adaptation biologiques et soumises à des résorptions plus ou moins rapides et importantes selon les matériaux utilisés.

La méthode  proposée de pose sans technique ni matériel d’augmentation prend, au contraire, en compte le  caractère physiologique de l’adaptation de la morphologie de la crête alvéolaire et ne fait appel qu’aux tissus du patients et aux principes biologiques de cicatrisation, le résultat obtenu dans ces conditions, offre les conditions de stabilité observées avec les  techniques d’expansion. Sethi et Kaus [15].

 

4. Conclusion :

La technique présentée permet une adaptation tissulaire péri-implantaire favorable.

Le non recours aux greffes et aux différents substituts artificiels, limite la complexité, la durée, l’agressivité et les coûts des traitements ainsi que la survenue des complications  spécifiques à ces techniques.

La procédure fait appel aux tissus existants, aux données physiologiques de l’os alvéolaire et aux mécanismes biologiques de cicatrisation favorables à la stabilité des résultats.

Le temps osseux est une évolution des techniques d’expansions osseuses largement validées qui optimise la situation osseuse crestale.  Le temps muqueux permet d’améliorer le contour vestibulaire par simple déplacement d’un lambeau local sans aucun apport de matériau. Le total associe simplicité et efficacité dans l’intérêt des patients.

Utilisée en routine, cette technique valide en continue son intérêt clinique.  Elle est amenée à être de plus en plus employée, permettant la poursuite de son optimisation et la démonstration de sa qualité par des études à long terme.

 

5. Bibliographie :

  1. Angel Emmanuel Rodriguez and Hessam Nowzari.  The long-term risks and complications of bovine-derived xenografts: A case series. J Indian Soc Periodontol. 2019 Sep-Oct; 23(5): 487–492.
  2. Antoun H, Cherfane P, Billereau P. Morbidité du prélèvement osseux symphysaire. Implant 2007;13(4):249-60.
  3. Antoun H, Sitbon JM, Martinez H, Missika P. A prospective randomized study comparing two techniques of bone augmentation: onlay graft alone or associated with a membrane. Clin Oral Implants Res 2001;12:632-9.
  4. Araújo Mauricio G , Lindhe Jan ; Dimensional ridge alterations following tooth extraction. An experimental study in the dog. J Clin Periodontol2005 Feb;32(2):212-8.
  5. Bei Li and Yao Wang. Contour changes in human alveolar bone following tooth extraction of the maxillary central incisor. J Zhejiang Univ Sci B. 2014 Dec; 15(12): 1064–1071.
  6. Bittner N, Planzos L, Volchonok A,   Dennis Tarnow, Ulrike Schulze-Späte. Evaluation of Horizontal and Vertical Buccal Ridge Dimensional Changes After Immediate Implant Placement and Immediate Temporization With and Without Bone Augmentation Procedures: Short-Term, 1-Year Results. A Randomized Controlled Clinical Trial.  The International Journal of Periodontics & Restorative Dentistry Volume 40, Number 1, 2020.
  7. Buser D, Hoffmann B, Bernard JP, Lussi A, Mettler D,  Schenk RK. Evaluation of filling materials in membrane--protected bone defects. A comparative histomorphometric study in the mandible of miniature pigs. Clin Oral Implants Res.1998 Jun;9(3):137-50.
  8. Buser D, Martin W, Belser U. Optimizing esthetics for implant restorations in the anterior maxilla: anatomic and surgical considerations. Int J Oral Maxillofac Implants. 2004;19 Suppl:43-61.
  9. Chiapasco M, Abati S, Romeo E, Vogel G. Clinical outcome of autogenous bone blocks or guided bone regeneration with e-PTFE membranes for the reconstruction of narrow Edentulous ridges. Clin Oral Implants Res. 1999;10:278–88.
  10. Chiapasco M, Zaniboni M. Clinical outcomes of GBR procedures to correct peri implant dehiscences and fenestrations: a systematic review. Clin Oral Implants Res 2009; 20 Suppl 4:113-23.
  11. Hammerle CH, Lang NP. Single stage surgery combining transmucosal implant placement with guided bone regeneration and bioresorbable materials. Clin Oral Implants Res 2001;12:9-18.
  12. Hjorting-Hansen E. Bone grafting to the jaws with specialreference to reconstructive preprosthetic surgery. A historicalreview. Mund Kiefer Geichtschir 2002,6:6-14.
  13. Lorenzoni M, Pertl C, Polansky RA, Jakse N, Wegscheider WA. Evaluation of implants placed with barrier membranes. Clini Oral Implants Res 2002;13:3 274-80.
  14. Pallesen L ,  Schou S, Aaboe M, Hjørting-Hansen E, Anders Nattestad, Flemming Melsen ; Influence of particle size of autogenous bone grafts on the early stages of bone regeneration: a histologic and stereologic study in rabbit calvarium . Int J Oral Maxillofac Implants. Jul-Aug 2002;17(4):498-506.
  15. Sethi A, Kaus T. Maxillary ridge expansion with simultaneous implant placement: 5-year results of an ongoing clinical study. Int J Oral Maxillofac Implants. 2000;15:491-9.
  16. Springer Ingo NG, Terheyden H, Geiß S,  Härle F, Hedderich J. Particulated bone grafts – effectiveness of bone cell supply ; Clin Oral Implants Res. April 2004 ; 15 (2) : 205-212.
  17. Yeh H et al. GBR for fenestration defects in dental implants. Chang Gung Med J 2003;6:684-9.