Comblements sinusiens : quoi de neuf docteur?

Comblements Sinusiens : quoi de neuf docteur ?

Lorsque les zones postérieures maxillaires édentées ne présentent pas un volume osseux suffisant pour la mise en place d’un ou plusieurs implants, des procédures chirurgicales sont alors nécessaires. Le principe est de décoller la muqueuse du sinus sans la déchirer et d’interposer un bio matériau entre la paroi osseuse et celle-ci, avec de nouvelles techniques et une sécurité optimale.

Auteur : Dr jean-Jacques BENSAHEL, exercice privé Nice

Parution LS 77, Mars 2018

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Introduction
Lorsque les zones postérieures maxillaires édentées ne présentent pas un volume osseux suffisant pour la mise en place d’un ou plusieurs implants, des procédures chirurgicales sont alors nécessaires. Le principe est de décoller la muqueuse du sinus sans la déchirer et d’interposer un bio matériau entre la paroi osseuse et celle-ci. Pour cela deux voies d’accès existent : l’abord latéral et l’abord crestal.
Il est admis que la voie latérale permet un comblement plus volumineux, mais engendrera des suites postopératoires plus lourdes. Nous présenterons très brièvement les approches latérales les plus sécurisées. L’abord crestal présente des suites opératoires minimes, néanmoins le manque de visibilité peut engendrer des échecs importants dus à une déchirure de la muqueuse, non décelée pendant l’intervention.
De nouvelles techniques permettent d’utiliser un accès crestal avec un niveau de sécurité optimal et de combler un site plus volumineux. Ce sont de nouvelles approches que nous allons décrire plus en détails. En 1897 Georges Walter Cadwell et Henri Luc ont donné leur nom à la technique d’ouverture du sinus par la fosse canine appelée Cadwell-Luc. Plus tard dans les années 70, c’est Tatum (3) qui va moderniser cette technique en choisissant de préserver la muqueuse sinusienne. Monje A et coll (5) ont montré que l’accès au sinus par voie latérale était sûr, si l’épaisseur de la corticale était supérieure ou égale à 1,25 mm. En dessous de cette valeur le taux de perforation de la muqueuse sinusienne, qui a une épaisseur de 0,13 à 0 ,5 mm, est de 12,5%.
En ce qui concerne la voie d’abord latérale, à part l’utilisation de l’instrumentation classique rotative, on trouve depuis quelque temps les trépans ronds DASK, en forme de demi-sphère diamantée, à utiliser plutôt pour les parois fortement corticalisées. Dans ces parois, l’interpénétration de la muqueuse sinusienne avec la trame osseuse est moins importante, elle est donc décollée plus facilement.  Les inserts piezzo, eux, sont plutôt indiqués pour les parois fines, très sujettes à la perforation. Les inconvénients majeurs de cette technique sont le côté traumatisant, l’œdème, l’hématome et les douleurs qui en découlent. Le risque de perforation de la muqueuse sinusienne n’est pas anodin, comme le souligne une étude publiée en 2014 montrant que sur 359 comblements de sinus, Nolan P. et coll (1) ont obtenu 41% de perforation de la muqueuse sinusienne.


 
hématome après volet latéral


Ostéotomes ronds à bout mousse DASK


Réalisation de la fenêtre avec les inserts piezzo

Pour minimiser le risque d’exposition de la muqueuse sinusienne, la voie crestale a été introduite par Summers en 1994 (4), mais nécessite une hauteur d’os résiduelle. Les ostéotomes sont utilisés et sont soit cylindriques, coniques, droits ou en baillonnettes. Leur partie travaillante peut être, soit convexe et aura pour effet de condenser l’os, soit concave et permettra de le récolter le long des parois osseuses pour le déposer dans la cavité sinusienne.

 
Ostéotomes droits


Ostéotomes en baillonnette
L’ostéotomie peut paraître brutale, désagréable et traumatisante pour le patient. Cela a amené Anthogyr à développer un ostéotome électrique “osteosafe“ qui se met sur le moteur d’implantologie à une vitesse de 2000 tours et qui permet de manière très délicate et confortable pour le patient de récliner la muqueuse sinusienne, après la fracture du plancher et de compacter ou de récolter l’os sur les parois en fonction de l’embout choisi.
 


Osteosafe
L’inconvénient majeur de cette technique est que le comblement se fait à l’aveugle. Une déchirure de la muqueuse peut intervenir sans que le praticien s’en rende compte, surtout en présence de cloison de refend et aboutir à un échec.
Pour minimiser ces risques, le docteur Salah Huwais a mis au point la technique de comblement avec les forets Densah et commercialisés par la société Versah. L’abord se fait par la voie crestale à l’aide de différents forets à une vitesse de 1200 tours par minute. Le foret pénètre ainsi de 1mm dans le sinus en effractant le plancher. Ensuite les forêts sont utilisés en mode reverse, et grâce à un effet de pompage, l’os de forage se trouve refoulé apicalement et latéralement et va ainsi soulever la muqueuse sinusienne.
 Cette technique a pour effet de diminuer le risque de lésion de la muqueuse et permet de gagner 3 à 4 mm d’os en hauteur et 1 à 2 mm en largeur. Il est possible aussi, lorsque la hauteur d’os résiduelle est faible, entre 2 à 6mm, de rajouter un biomatériau mélangé à du A-PRF dans le site de forage, et de le refouler à l’aide des forets tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et à une vitesse comprise entre 200 et 600 tours minute. Un caillot sanguin stable, mélangé à un matériau de comblement, dont le rôle est de maintenir la muqueuse à distance, est indispensable pour initier le processus d’ossification, qui se produit à partir des murs osseux de la cavité dans laquelle il se trouve. La vitesse est moindre pour éviter de propulser le matériau de comblement dans le sinus, pour simplement le compacter et le pousser délicatement. Par contre lorsque la hauteur de la crête résiduelle est de 7 mm, la quantité d’os de forage refoulée est suffisante pour la mise en place d’un implant de 10mm.(6)
Cette technique permet grâce à l’utilisation d’une instrumentation mécanisée d’avoir un geste précis, des points d’appuis sûrs et un contrôle sur la progression des forets grâce au marquage de ceux-ci.
Pour finir, ce système est compatible quel que soit le type d’implant utilisé. Le coffret Densah propose toutes les correspondances.


Forets Densah

Le système iRaise de Maxillent offre une alternative intéressante s’il subsiste un minimum de 3 à 4 mm d’os entre la crête osseuse et le plancher du sinus

 

CBCT
Le protocole est très peu invasif, simple de mise en œuvre et les suites opératoires sont minimes.
Après une incision le long de la crête, un lambeau mucopériosté est décollé pour mettre à nu l’os crestal.
A l’aide d’une fraise boule montée sur le contre-angle chirurgical, on marque la corticale.


 
Foret marqueur
Le deuxième foret cylindrique appelé foret initial, muni de sa bague de contrôle de pénétration franchit la corticale sur 3 mm à la vitesse de 800 trs/mn. Fig 3 La localisation précise du plancher sinusien aura été déterminée et mesurée au préalable lors de la réalisation du CBCT.

 

Fig 3 : 2ème foret initial munit de sa bague


Le troisième foret est plat et muni de sa bague de contrôle de pénétration pour limiter les risques de perforation de la muqueuse sinusienne. Il va terminer le forage jusqu’à la corticale du plancher du sinus.  

foret plat
Le quatrième foret appelé foret cortical est diamanté en forme de cupule et est introduit à une vitesse de 2000 trs/mn  afin de traverser la corticale sinusienne sans perforer la muqueuse.
Après vérification de l’intégrité de la muqueuse sinusienne en effectuant la manœuvre de Valsalva, (on peut à ce stade prendre une radio de contrôle avec une jauge pour s’assurer de la localisation du forage) l’implant qui a été choisi en fonction de la hauteur résiduelle d’os, peut être introduit jusqu’à la limite de la corticale sinusienne. Il s’agit ici d’un implant à hexagone interne. L’orifice situé sur l’implant et par lequel le matériau de comblement sera introduit, doit être situé en vestibulaire ou en palatin. Il faut, maintenant, s’assurer qu’il sera accessible au système de remplissage : une spire doit être visible en dessous de cet orifice.
 


Fig 5 : spire visible en vestibulaire
Le mécanisme d’injection est installé sur le porte implant et est vissé afin d’assurer une étanchéité parfaite. Celle-ci est assurée par un joint taurique qui vient se positionner dans le logement prévu à cet effet sur la paroi latérale de l’implant.
On injecte 1 à 3 cc de sérum physiologique qui, en passant au travers de l’implant grâce à la pression hydraulique, va soulever de manière atraumatique la muqueuse sinusienne sur toute sa longueur. A ce stade le patient ressent une légère surpression.
Ce liquide est récupéré en redressant le patient et en aspirant avec la seringue. Il revient mélangé à du sang, ce qui confirme bien que la muqueuse a été décollée.
Lorsqu’il ne reste plus de liquide dans le sinus, le comblement proprement dit peut être initié. Celui-ci se fait en utilisant les seringues fournit par le fabriquant. Il s’agit d’un mélange de granules de phosphate de calcium biphase (constitué de 60% d’hydroxyapatite (HA) et de 40% de phosphate tricalcique beta (BetaTCP), associés à un excipient de grade pharmaceutique (hydroxypropylmethylcellulose en solution aqueuse) résorbable, biocompatible, bioactif, et ostéoconducteur. 100% synthétique et de composition chimique très proche de la phase minérale de l’os, ce matériau de comblement présente une sécurité maximale pour le patient, tant sur le plan de la cicatrisation et de la consolidation osseuse que sur le plan microbiologique. Nous le mélangeons à du I-PRF et les seringues sont vissées via un tube flexible sur le système d’injection.

Fig 6 : système d’injection en place
2 ou 3 seringues, c’est-à-dire 2 ou 3 cc, en fonction de l’importance du sinus à combler et du nombre d’implants à poser sont utilisées. Pendant toute cette procédure, il faut veiller à ce que l’implant ne soit pas contaminé par la langue ou la salive. Le matériau de comblement ne sera en aucun cas contaminé car le conduit par lequel il est acheminé est dissocié du puit d’accès de la v

Fig 7 : puit d’accès dissocié de la vis

Enfin le mécanisme est retiré de l’implant et celui-ci est vissé pour terminer sa mise en place et arriver ainsi au ras de la crête osseuse.
 


implant avec sont porte implant   
 
                                  

L’implant est en place, le porte implant peut maintenant être retiré et la vis de couverture est vissée sur l’implant.
Les sutures sont faites.

panoramique de contrôle à 6 mois
En cas de pose simultanée de plusieurs implants, cette technique s’applique pour le premier implant (le sinus étant comblé dans les 3 dimensions de l’espace et sur toute sa longueur) et la procédure classique de mise en place des implants suivants, quel qu’en soit le type, peut être réalisée.
Cette technique est simple, facile à mettre en œuvre, sure et présente peu de complications. La durée du traitement est écourtée et la courbe d’apprentissage est rapide.
Aujourd’hui les comblements sinusiens, quels qu’ils soient, sont fiables, simples, facilement réalisables sous anesthésie locale et avec des taux de succès élevés (2). De plus, les processus de cicatrisation des comblements de sinus sont mieux compris. Souvent, la chirurgie est assimilée par nos patients à souffrance, gonflement et douleur. Aujourd’hui cela change, grâce à des protocoles raccourcis et simplifiés ainsi qu’à des techniques chirurgicales de moins en moins invasives et traumatisantes.

Bibliographie
1 Correlation between Schneiderian membrane perforation and sinus lift graft outcome: a retrospective evaluation of 359 augmented sinus.
Nolan PJ, Freeman K, Kraut RA. J Oral Maxillofac Surg. 2014 Jan;72(1):47-52.

2 Del Fabro M, Testori T, Francetti L Weinstein R, systematic review of survival rates for implants placed in the grafted maxillary sinus. Int J Periodont Restor Dent 2004;24 (6): 565-577.

3 Tatum OH Maxillary and implant sinus reconstruction. Dent Clin North Am 1986;30:207-229

4 Summer RB The osteotom technique: Part 3 – less invasive methods of elevating the sinus floor. Compendium 1994;15(6):698-710

5 Monje A, Monje-Gil F, Burgueño M, Gonzalez-Garcia R, Galindo-Moreno P, Wang HL.
Incidence of and Factors Associated with Sinus Membrane Perforation During Maxillary SinusAugmentation Using the Reamer Drilling Approach: A Double-Center Case Series.
Int J Periodontics Restorative Dent. 2016 Jul-Aug;36(4):549-56.

6 Salah Huwais, Frédéric Chiche. L’ostéodensification un nouveau concept de forage en implantologie. Partie II – comblement sous sinusien et mise en place simultanée des implants. Information dentaire n° 40/41- 29 novembre 2017 : 78-84