Avis d'expert : Dr Pierre Bravetti

Rencontre avec le Dr Pierre Bravetti, ancien Doyen de l'UFR de Nancy.

 

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Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Je m’appelle Pierre Bravetti. Je suis maître de conférences des universités et praticien hospitalier, Docteur d’Université Paris Descartes. J’exerce dans le domaine public et privé. J’ai dirigé l’UFR d’odontologie de Nancy au sein de l’université de Lorraine pendant deux mandats successifs en tant que doyen avant d’être élu pour Directeur du collegium santé de l’Université de Lorraine (Ufr d’Odontologie, pharmacie, médecine et staps) qui comprend 11 000 étudiants. J’ai dirigé le diplôme universitaire de chirurgie buccale et implantologie à l’UFR de Nancy .

Je suis à l’origine du projet Fond Européen : Hôpital Virtuel de Lorraine. J’effectue ma recherche universitaire au sein du laboratoire de l’équipe 404 qui est dédiée aux matériaux pour la santé de l'institut Jean Lamour sur la conception et l’amélioration de l'ostéointégration des surfaces implantaires. Ma spécialité est la chirurgie buccale, dont l’implantologie. Je suis l’auteur de nombreuses publications et conférences dans ce domaine. Mon dernier ouvrage, intitulé “Gestes implantaires”, connaissances anatomiques indispensables” aux éditions CDP a connu un vif succès .

 

Qu'est-ce qui a changé dans l'industrie dentaire et, en particulier en implantologie ces 20 dernières années?

L’évolution permanente de notre technicité et la fiabilité de nos traitements ont évolué depuis ces 20 dernières années, essentiellement suite à la mise au point de nouveaux matériaux tant biologique que mécanique. Nous pouvons citer par exemple dans la chirurgie le piezotome ou en endodontie la rotation continue avec les limes en nickel titane ou à mémoire de forme, et bien entendu, le microscope optique .

Mais cette haute technicité risque dans l’avenir à ne profiter qu’à une infime partie de notre profession. En effet, chaque acte est censé être rémunéré au temps passé, à son niveau de technicité, ,au plateau technique nécessaire, au risque engagé et à la compétence des praticiens. Les soins prodigués à nos patients ne profiteront des évolutions techniques et technologiques que grâce à une nomenclature adéquate et non cloisonnée. Des soins conservateurs d’une durée d’une heure n’est pas tenable économiquement . Les confrères ont une éthique envers nos patients où la qualité des soins est leur objectif, avec des horaires souvent grandissantes.

Le métier d’hygiéniste est en train de se concrétiser. Il améliorera la prévention dans les cabinet sous forme de délégation de tâche. Les Ufr d’Odontologie doivent être au rendez-vous pour la formation et pourquoi pas par la création d’une licence. La seul peur que j’exprime est que lors d’un détartrage, le praticien peut visualiser en bouche des lésions bénignes ou malignes. Il faut donc une délégation de tâches après un plan de traitement effectué par le praticien. On observe de plus en plus de lésions à type de papillomavirus et de lichen plan. Une exérèse ou un traitement médical rapide évite souvent leur cancérisation . Il faut donc une délégation de tâches après un plan de traitement effectué par le praticien.

En tant que Doyen et par la suite Directeur du collegium de l’université de lorraine, j’ ai œuvré pour faire respecter notre discipline médical à part entière. La formation pédagogique a évolué avec l’évolution des connaissances, par exemple l’enseignement de la dermatologie buccale En 1984, à la fin de mes études, on ne parlait pas d’implantologie La discipline à été reconnue tardivement dans les années 90. Il fallait attendre six mois pour l’ostéointégration. Actuellement, l’implantologie gagne du terrain. En implantologie, l’évolution majeure est la simplification des procédures chirurgicales, l’amélioration des états de surfaces rugueuses a permis une ostéointégration plus rapides. Il est vrai que l’on reparle d’implant à surface lisse, mais seule la rugosité permet d’augmenter la surface de contact et la possibilité d’utiliser des implants de faible hauteur. Nous rencontrons de plus en plus de péri implantites, surtout dues à l’augmentation du nombre d’implants posés dans le monde. D’après nos recherches, on s’oriente vers une attaque bactérienne des surfaces implantaires telles que par exemple le Desulfovibrio –fairfindensis (bactérie anaérobie ). Ces bactéries entraîneraient une oxydation du titane avec disparition de la couche d’oxyde et perte de l’ostéointégration Ce que nous avons oublié, c’est que tous les métaux sont corrodables et même le titane de grade 3 ou 4 .

L’enjeu majeur sera de traiter plus efficacement ces péri implantites par l’amélioration des états de surface ou l’ incorporation d’éléments rendant cette réaction impossible La grosse évolution pour les cabinets d’omnipratique est la demande en implantologie. Le développement de moult formation tant technique, biologique, et anatomique en est un exemple majeur . La formation par la création de logiciel pour la planification implantaire, l’impression de guide chirurgicaux et modèle d’études par impression 3D à révolutionner nos plans de traitement .

La deuxième avancée majeure dans le domaine de l’odontologie est l’empreinte optique, surtout en implantologie, et la création d’analogues virtuels dans la bibliothèque des logiciels de CAO. Beaucoup de fabricants ont travaillé dans ce sens. Cette avancée permet de situer avec précision l’implant dans les trois plans de l’espace en rapport avec les dents adjacentes et l’environnement muqueux . Tout récemment la conception de vis de cicatrisation assimilable à un code-barres a vu le jour (Fabricant ETK), la caméra lit la surface de la vis et enregistre sa position comme pour un transfert par rapport aux dents adjacentes .


 

Quels sont les changements que vous prévoyez dans les vingt prochaines années? Comment imaginer la dentisterie dans vingt ans ?

Une empreinte optique avec conception et réalisation des prothèse par une imprimante 3D dans les cabinets dentaires.

En implantologie, des surfaces d’ implants bioactives véritables et utilisation de nanoparticules pour empêcher la croissances bactériennes, et la conception de matériaux à visée de croissance osseuse réaction d’implants sur mesure à partir d’imprimantes 3D et de radiographie 3D .

La révolution du futur est l’impression 3D dans notre domaine comme tant d’autres .