Réhabilitation esthétique d’un pré-maxillaire atrophié
Le Dr C. Foresti propose un cas de réhabilitation esthétique d'un pré-maxillaire atrophié.
Mots clés : Greffe d’apposition par blocs cortico-spongieux, Projet esthétique, Chirurgie guidée, Mise en charge immédiate, Mise en esthétique par piliers zircons-titane et chapes usinées
Dr Christophe FORESTI
Chirurgien dentiste à Rosheim (67)
20 ans d’expérience en implantologie, en chirurgie pré et péri-implantaire et en prothèses sur implant sur la base de
nombreux diplômes universitaires et de formations au sein de différentes sociétés scientifiques
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Afin de garantir un résultat esthétique le plus probant possible et la meilleure pérennité fonctionnelle, il faut que la pose des implants soit réalisée dans des conditions biologiques et mécaniques optimales à savoir :
- volume osseux adéquat
- bonne qualité osseuse
- biotype parodontal favorable
Bien que l’autogreffe soit reconnue comme étant le « gold standard », les zones de prélèvements intra-orales ne permettent pas toujours de reconstituer un volume osseux suffisant, dans ce cas le recours à des allogreffes peut être considéré comme une des meilleures alternatives. (1)(2)
Notre patiente, âgée de 46 ans, a été accidentée de la circulation en 1986 avec fracture Lefort II associée à la perte de ses incisives maxillaires (fig. 1) ;
perçu à juste titre comme une véritable atteinte à son intégrité physique, dans l’attente d’une proposition thérapeutique adéquate pour palier le problème esthétique et surmonter le stress psychologique, elle subit le port d’un appareil amovible 5 dents disgracieux et inconfortable (fig. 2), qui lui rappelle en permanence ses douloureux souvenirs.
Pour des interventions encore plus sûres et prévisibles, seule la vue tri-dimensionnelle de l’anatomie osseuse et la planification implantaire permettent de garantir à nos patients des résultats esthétiques et fonctionnels optimaux dans les cas complexes ; le choix du diamètre et de la longueur des implants est en parfaite corrélation entre le volume osseux disponible et le projet prothétique. (3)(4)
Le manque d’épaisseur vestibulo-palatin (fig. 3) et la faible possibilité de prélèvements intra-buccaux dans ce cas nous conduit à opter pour la réalisation d’une greffe d’apposition à l’aide de deux blocs cortico-spongieux BIOBank de dimensions : 22 x 12 x 4 mm (issus de têtes fémorales prélevées uniquement en France sur donneur vivant). (5)(6)
Fig3-Volume osseux au niveau de la 22
Technique opératoire :
1. le site receveur doit être exempt de toutes fibres tissulaires et la corticale est stimulée par micro-perforations. (fig. 4)
Fig4- Site receveur préparé
2. les blocs sont réhydratés et sont adaptés le mieux possible au défaut osseux par plastie de la partie spongieuse sous irrigation abondante. (fig. 5, 6 et 7) (7)
3. le greffon est parfaitement immobilisé par deux vis d’ostéo-synthèse (fig. 8) et il est recontouré au niveau de la corticale pour éviter toutes zones contondantes. (8)
Fig8-Vis d'ostéosynthèse
4. les hiatus sont comblés par une poudre allogénique maintenue en place par une membrane collagénique résorbable. (fig. 9 et 10) (9)
Fig10-Membranes résorbables
5. la fermeture du site opératoire est hermétique et sans tension. La gestion des tissus mous par lambeau en demi-épaisseur est essentielle au bon déroulement des étapes de consolidation. (fig. 11) (10)
Fig11 - Sutures berge à berge
6. les points seront déposés à une semaine post-opératoire. (fig. 12)
Fig12-Fils à une semaine
Il est nécessaire de procéder à une légère sur-correction des défauts osseux qui sera harmonisée si besoin lors de la ré-intervention qui aura lieu 4 à 6 mois plus tard en fonction du résultat de l’imagerie 3D de contrôle qui sera effectuée à 3 mois.
Remarque : la trame osseuse des blocs est rendue inerte par un traitement à base de CO2 supercritique, procédé reconnu comme le plus efficace pour préserver la matrice osseuse, tout en garantissant la sécurité virale et la stérilité. (11)(12)
A six semaines post-opératoire une prothèse amovible de qualité est réalisée (fig. 13), il s’agit d’une étape capitale qui valide le projet esthétique puisque le concept occluso-prothétique retenu va être conservé intégralement comme fil conducteur. Ainsi l’appareil est dupliqué sous forme de gouttière radiologique (fig. 14 a&b), l’imagerie 3D obtenue trois mois après la greffe objective le gain osseux obtenu. (fig. 15 à 17)
Fig14a - gouttière radiologique
Fig14b - gouttière radiologique
Fig15a- Niveau osseux 12 avant greffe
Fig15b - Gain osseux au niveau de la 12 après greffe
Fig16a - Niveau osseux au niveau de la 11
Fig16b - Gain osseux au niveau de la 11 après la greffe
Fig17a- Niveau osseux au niveau de la 23
Fig17b- Niveau osseux au niveau de la 23 après la greffe
Cet aménagement pré-implantaire induit un environnement parodontal favorable à la réalisation de couronnes scellées unitaires tout céramique sur des piliers implantaires personnalisés gages d’un meilleur résultat esthétique que ne le permettrait une prothèse vissée sur piliers multi-unit par exemple.
L’avantage de la planification implantaire est indéniable : elle permet de respecter l’aspect directeur du montage prothétique initial garantissant ainsi le succès de la thérapeutique en choisissant la meilleure angulation implanto-prothétique par rapport au volume osseux disponible.
La faisabilité et la commande du Surgiguide® sont validées par des visuels 3D. (Fig 18, 19).
Fig18- Validation de la planification
Fig19- Validation du Surgiguide
Maintenant que le volume osseux est en adéquation avec le projet prothétique et que la planification est réalisée, la chirurgie guidée avec guide à appui dentaire peut être réalisée en toute sérénité. Toutefois, il se pose encore le problème de la temporisation : en effet le risque de sollicitation et d’exposition des implants (pouvant aller jusqu’à leur perte) par le port de la prothèse amovible est majeur. (13)
Une des solutions pour répondre à cette problématique est de réaliser une mise en charge immédiate par le biais d’une prothèse transitoire fixe, lorsque toute la méthodologie est respectée la littérature nous donne un taux de survie des implants de l’ordre de 96%. (14)
Grâce à la gouttière de chirurgie, il est facile de concevoir un maître-modèle fiable et peu onéreux qui permet le choix et l’ajustage des piliers provisoires ainsi que la réalisation d’un bridge provisoire pré-opératoire de qualité par CFAO ; pour ce faire il faut que le système implantaire commercialise des connecteurs analogue/gouttière.
Technique de laboratoire :
1. le modèle en plâtre est fractionné, l’emplacement des implants est supprimé. (fig. 20)
Fig20. Modélisation
2. les analogues sont fixés à la gouttière de chirurgie par des connecteurs spécifiques. (fig. 21)
Fig21analogues d'implants en place
Fig22- Réalisation de la fausse gencive
3. la gouttière est repositionnée sur le modèle en plâtre et la fausse gencive est réalisée. (fig. 22 et 23)
Fig23- Réalisation de la fausse gencive
4. le modèle est boxé et la zone manquante est coulée en plâtre. (fig. 24)
Fig. 24 Modélisation
5. les piliers provisoires sont choisis et ajustés sur le modèle pré-chirugical ainsi obtenu. (fig. 25)
Fig25-Piliers provisoires
6. une clef de positionnement des piliers est réalisée. (fig. 26)
Fig26- Clé de repositionnement
7. le modèle est scanné et une prothèse provisoire est réalisée par SIMEDA = solution CFAO d’Anthogyr ouverte à de nombreux autres systèmes implantaires. (fig. 27 et 28)
Fig28-Bridge provisoire CFAO Simeda
Technique de chirurgie guidée avec la trousse Anthogyr Guiding System :
1. le site est exposé et les vis d’ostéo-synthèse sont retirées à 5 mois post-greffe. (fig. 29a et 29b)
Fig29b- Retrait des vis
2. le pré-forage (diamètre 2mm) est effectué sous irrigation abondante. (fig. 30)
Fig30-Pré-forage (diamiètre 2mm)
3. suivi du forage (diamètre 3mm)(fig. 31, 32), les puits sont rincés, on notera une excellente angiogénèse. (fig. 33)
Fig31-Pré-forage (diamiètre 3mm)
Fig32- Puits terminaux non rincés
Fig33- Angiogénèse
4. les implants Anthogyr Axiom PX, auto-forants et auto-taraudants sont particulièrement bien adaptés à ce type de chirurgie car leur col légèrement rentrant permet de minimiser les contraintes cervicales appliquées au greffon. Les cinq implants de diamètre 3,4 mm et de longueur 10 mm sont positionnés à l’aide du guide chirurgical. (fig. 34 et 35)
Fig34- Pose des implants Axiom PX
Fig35-Mandrin de vissage Anthogyr Guiding System
Nb : il existe aussi une gamme d’implants bien spécifique pour de l’os de densité plus importante (Axiom REG) ainsi que pour les espaces mésio-distaux réduits (Axiom 2,8 mm).
5. les piliers provisoires avec leur clef de positionnement sont présentés et serrés à 15 N.cm. (fig. 36 et 37)
Fig36- Clef de repositionnement des piliers provisoires
Fig37- Serrage á 15N
6. la prothèse transitoire est essayée (fig. 38), rebasée et ajustée puis scellée.
Fig38-Essayage du provisoire
Remarque : Comme pour toutes prothèses scellées sur implant, une attention toute particulière est prêtée à la suppression des excès de ciment surtout lors de la phase chirurgicale où les points de sutures (Fig 39) ne seront réalisés qu’après la mise en œuvre des provisoires afin d’avoir une vision directe sur d’éventuelles fusées de produit de scellement.
Fig39- Sutures
Un contrôle occlusal et la dépose des points de sutures ont lieu à une semaine post-opératoire ; les suites opératoires sont minimes. Une panoramique est réalisée un mois plus tard (fig. 40). A deux mois des empreintes de situations sont prises permettant la confection d’un porte-empreinte individuel. A quatre mois les piliers et le bridge provisoires sont déposés, on note une excellente intégration gingivale (fig. 41), une prise d’empreinte à ciel ouvert est faite (fig. 42), puis les éléments de temporisation sont repositionnés.
La réalisation de piliers personnalisés zircone-titane et de chapes zircone usinées par Simeda (fig. 43 à 44) nous assurent une répartition homogène des contraintes, un soutien adéquat gingival et une adaptation sans pareil. (45)
Fig44- Chapes SimedaFig45- Soutien gingival
Fig46- Réhabilitation prothétique
Fig47- Bridge définitif
Les éléments prothétiques sont mis en place et une radiographie est réalisée pour objectiver la qualité de l’adaptation (fig. 46 à 48) ; et la patiente de pré-conclure : « Suite à un accident de la circulation en 1986 j’ai perdu mes dents du haut cela fait donc 26 ans que j’endure ce souvenir cuisant à chaque fois que je manipule mon appareil mais je n’étais pas prête à envisager une solution plus esthétique tant la lourdeur de l’intervention décrite me faisait peur. La proposition de mon chirurgien-dentiste actuel avec greffe osseuse et implants grâce à l’emploi de nouvelles technologies m’a rassuré et les explications limpides des différentes étapes m’ont convaincu de me lancer dans l’aventure. Le dentiste ainsi que toute son équipe ont été formidables, toutes les étapes se sont parfaitement déroulées comme décrites sans douleur ni complications. Je peux maintenant sourire sans aucune gène et je retrouve un plaisir immense à revivre des sensations perdues. Un grand merci à tous ».
Conclusion :
Malgré une apparente facilitée la chirurgie guidée est un concept de traitement bien spécifique nécessitant une double courbe d’apprentissage :
- l’acquisition de nouvelles compétences informatiques,
- l’accastillage est source d’un stress per-opératoire pour un nouvel utilisateur.
Mais le peu de complications rencontrées et la grande précision de forage par rapport aux techniques usuelles en font une technique de choix dans les réhabilitations complexes. (16) (17)
La réflexion sur la temporisation et l’apport de la CFAO sont devenus des éléments majeurs dans l’élaboration de nos plans de traitement.
Devant la multitude de systèmes implantaires proposés, il est essentiel pour le praticien et ses éventuels correspondants de choisir un partenaire ayant intégré dans sa gamme toutes ces nouvelles technologies.
Avec l’aimable collaboration du Laboratoire LCD, Stéphane BANNWARTH, 8 rue Jean Marie Lehn 67560 ROSHEIM (lcd-bannwarth@yahoo.fr).
Bibliographie
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2. MAC CARTHY C. et al. : Dental Implants and Onlay Bone Grafts in the Anterior Maxilla : Analysis ol Clinical Outcome ; Int J Oral Maxillofac Implants ; 2003 ; 18 (2) : 238-241
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4. CALVACANTI M. G. et al. : 3D volume rendering using multislice CT for dental implants ; Dentomaxillofac Radiol ; 2002 Jul ; 31 (4) : 218-223
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Parution Lettre de la Stomatologie 64 - Novembre 2014