Avis d'expert : Dr Carole Leconte

Carole Leconte, vous la connaissez sûrement. C'est une spécialiste de la chirurgie orale,et surtout une praticienne multi-facettes...

 

Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Je m’appelle Carole Leconte, j’ai 44 ans. Au départ, je n’ai jamais pensé être dentiste. La vie n’a peut-être pas de hasard. Moi qui ai toujours rêvé d’être une artiste avec mes mains par la sculpture, par la peinture, par la musique sur scène, j’ai retrouvé ça avec la magie de la biologie et à travers le bonheur de soigner et réparer techniquement et aussi psychologiquement des patients. Et du coup, d’un naturel passionné, je me suis passionnée pour la chirurgie orale qui a transformé ma vie. Cela m’a volé de belles années mais cela a transformé la personne que j’étais en quelqu’un d’encore plus humain, encore plus passionnée par les sciences, encore plus jusqu’au-boutiste dans tous les domaines. Et cela transparaît dans les autres facettes de ma vie. C’est assez marrant… Les différentes choses de la vie interagissent et se nourrissent mutuellement. Et du coup, cela fait plus de dix ans que je suis en chirurgie orale exclusive - paro-implanto, avec une passion plus marquée sur la reconstruction tissulaire qu’elle soit gingivale ou osseuse.

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Qu'est-ce qui a changé dans l'industrie dentaire et, en particulier en implantologie ces 20 dernières années?

Ces vingt dernières années... je suis presque légitime pour en parler puisque je suis sortie de la fac en 2000… Du coup, je peux parler au moins des dix-huit! … Ces dix huit dernières années, ce qui a changé pour moi est tout d’abord nous avions une profession où il y avait peu de spécialistes, peu de sociétés, des idées à la fois très arrêtées et des pratiques à la fois très restreintes et très libres.

Aujourd’hui, on est dans des années où les industries dentaires ont pris un pouvoir de formation, de connaissance… Il y a une accélération des progrès, des techniques, avec tout ce que ça a de beau, et tout ce qui a de moche, de dangereux et d’inquiétant parce qu’évidemment la multiplicité des systèmes, ce n’est pas que qualitatif. La multiplicité des choix et des options, brouille aussi les esprits et complique la gestion des suites/complications.

Trop souvent, des nouveautés arrivent dans nos cabinets avant d’avoir eu le recul suffisant. Et en même temps, on est obligé d’accepter cela, parce qu’on ne peut pas fermer la porte au progrès. On n’est pas du tout arrivé au point d’aboutissement. Au contraire, on est au début d’un chemin magnifique où les premières routes ont été tracées par les confrères précurseurs qui nous ont tant ouvert la voie.

Le respect absolu et éternel légitime pour eux ne doit pas nous masquer la réalité : nous n’avons pas encore les solutions idéales pour les problèmes cliniques. Par contre, je rebondis là-dessus pour dire qu’on est toujours en train de chercher des solutions très techniques aux problèmes alors qu’il y a énormément de solutions humaines, que ce soit dans la formation, la connaissance… Travailler le talent des gens et travailler la santé des patients. Je pense que l’on sous-estime, on sous-évalue le rôle, l’impact, de la biologie du patient. Et dans nos réalités au quotidien, les complications que l’on retrouve sont bien souvent liées à des carences, à des comportements d’hygiènes (vue et buccale), toutes ces choses qui sont inscrites dans notre société !

Les patients n’ont pas conscience que s’ils ont réussi à détruire leurs dents, ils réussiront à détruire tout le reste, aussi technique et aussi beau soit-il.

Et je rêve de bien des évolutions en ce sens pour les vingt prochaines années… Cela me fait une petite transition vers la dernière question.... Pour la suite, très honnêtement, j’imagine qu’il y aura de plus de en plus d’analyses transversales, que la pyramide s’élargissse de plus en plus, que ce soit une pyramide technique, une pyramide du savoir et une pyramide de la fralique … Que les confrères soient de plus en plus dans une entraide qu’ils souhaitent.

Et c’est là où les sociétés ont un rôle énorme chez nous. Les sociétés ne sont pas que des fournisseurs chez nous. Il sont aussi des faiseurs de liens, des faiseurs de progrès. Plus que jamais, c’est l’Université qui détient la connaissance au sens le plus noble. Mais j’espère que tous les partenariats le progrès au sens au sens le plus nobles. Et j’espère que tous les partenariats de sociétés, qui sont établis dans les différents congrès, ou dans les différentes formations peuvent être valeureux et ne sont pas de lubies. Donc, à mon sens dans les vingt prochaines années, la langue de bois va être muée de plus en plus. Il va falloir qu’on apprenne à s’aimer les uns les autres, à s’entraider, à la fois à ne pas accepter la médiocrité, et puis en même temps à comprendre que même quelqu’un qui bosse mal a des succès, et que même quelqu’un qui bosse bien a des échecs. Et du coup, que l’on soit des artisans de la relativité positive et de la proactivité au quotidien, et que nos sociétés soient des partenaires de plus en solides là-dedans et qu’ils n’aient même pas besoin de défendre leurs produits, et que juste par le fait d’être là, ces fournisseurs là soient le reflet de tout ce qu’on peut avoir besoin. Et que nous, de toutes façons, il nous faut des fournisseurs. Et ces sociétés là sont le reflet de tout ce qu’on peut avoir besoin.

 

Quels sont les changements que vous prévoyez dans les 20 prochaines années?

Je ne suis pas persuadée que le tout numérique soit la seule option. Je ne suis pas persuadée que le robot opérera demain. Par contre, je pense que les habituelles vont devenir de plus en plus obligatoires. J’espère qu’on va être en réalité augmentée. En fait, je pense que l’ordinateur ne peut pas se substituer à nous pour travailler avec des guides, comme on peut le voir aujourd’hui… Je pense que c’est juste une étape. Par contre, j’espère que l’on aura un petit peu des google glass de live surgery où on pourra avoir des informations, des warnings de neura, neuro. On aura des systèmes d’alerte, exactement comme en endodontie. Tout cela me paraît complètement réalisable.

Enfin, j’espère que les industriels vont enfin travailler beaucoup plus sur la biologie. C’est pas évident de gagner de l’argent avec la biologie car ce n’est pas la biologie qui se vend directement. Mais j’espère qu’il va y avoir une pratique qui permettra de faire qu’on soit fier de qui on est, comment on le fait et comment on se projette !